Résumés
Résumé
Les avancées technologiques en matière d’acquisition de données spatialisées offrent la possibilité de prendre en compte la répartition spatiale des caractéristiques physiques du bassin versant dans la modélisation hydrologique. Cet article présente une étude comparative des performances entre un modèle hydrologique semi-distribué à base physique SWAT (Soil and Water Assessment Tool) et un modèle global à réservoirs GR4J (Génie rural à quatre paramètres journaliers) appliqués au bassin versant de l’aval Mekerra. Pour ces deux modèles, les données de pluie et de la température sont similaires, la seule différence est la façon de considérer les différents processus du cycle hydrologique en interaction avec les caractéristiques physiques du bassin. L’approche semi-distribuée semble donner des résultats légèrement meilleurs que l’approche globale sur le cas d’étude. Ceci est dû vraisemblablement à la spatialisation des caractéristiques physiques du bassin versant ainsi qu’à une meilleure représentation de la fonction de transfert du processus hydrologique du modèle SWAT. Cette étude met en évidence l’intérêt de la télédétection et du système d’information géographique (SIG) dans la facilité de l’introduction des caractéristiques physiques du bassin pour une utilisation optimale de la capacité du modèle. De plus, les résultats trouvés montrent l’intérêt d’utilisation du modèle SWAT sans pour autant prétendre à sa supériorité, car il peut offrir des résultats probants dans certains cas comme notre bassin et être moins performant dans d’autres.
Mots-clés:
- modèle hydrologique,
- répartition spatiale,
- SWAT,
- GR4J,
- aval Mekerra,
- SIG,
- télédétection
Abstract
Technological advances in the acquisition of spatial data offer the possibility of taking into account the spatial distribution of the watershed physical characteristics in hydrological modelling. In order to do this, we have chosen to compare the performances of a semi-distributed hydrological model SWAT (Soil and Water Assessment Tool) and a global reservoir model GR4J (Rural engineering model with four daily parameters) in the Lower Mekerra watershed. For these two models, rain and temperature data are the same, the difference is how they consider the various processes of the hydrological cycle in interaction with the physical characteristics of the basin. The semi-distributed approach seems to give slightly better results than the global approach for the case study. This is probably due to the spatialization of the physical characteristics of the watershed as well as to a better representation of the hydrological transfer function in the SWAT model. This study highlights the interest of remote sensing and geographic information system (GIS) in the ease of introducing the physical characteristics of the basin for optimal use of model capacity. Moreover, the results found show the interest of using the SWAT model without claiming its superiority because it can offer convincing results for some cases like our basin and be less efficient for others.
Key words:
- hydrological model,
- spatial distribution,
- SWAT,
- GR4J,
- Lower Mekerra,
- GIS,
- remote sensing
Corps de l’article
1. Introduction
Pour une meilleure gestion des ressources en eau et des quantités d'eau disponibles, il est nécessaire de transformer les données pluviométriques en données hydrométriques. D'où l'intérêt de la modélisation pluie-débit basée sur l'utilisation de modèles simulant la réalité. Parmi les paramètres qui entrent en jeu lors de la modélisation hydrologique, les caractéristiques physiques du bassin (pente, occupation du sol, pédologie, etc.), ainsi que leurs hétérogénéités spatiales font l’objet d’une classification des modèles (approche globale et semi-distribuée). Elles conditionnent largement la performance du modèle, de même que la représentation spatiale des différents processus qui décrivent le bilan hydrologique dans le bassin (ruissellement, recharge, évapotranspiration, capacité de rétention, etc.) (BAUDEZ et al., 1999).
En termes de performance, la comparaison des approches globale et semi-distribuée en modélisation pluie-débit est une problématique qui s’est fortement développée depuis longtemps (WENDING, 1992). L’ensemble des recherches scientifiques dans ce sens donne une image relativement complexe. Certaines d’entre elles affirment clairement le bénéfice que l’on peut avoir à utiliser l’approche semi-distribuée (MICHAUD et SOROSHIAN, 1994; KRYSANOVA et al., 1999; BOYLE et al., 2001). Par contre, les travaux de DIERMANSE (1999), et KOKKONEN et JAKEMAN (2001) présentent des conclusions allant en sens inverse.
La synthèse de ces recherches nous montre que plus le bassin est grand, plus l’approche semi-distribuée sera avantageuse. Ainsi, la semi-distribution des paramètres est, en moyenne, plus avantageuse pour des bassins qui présentent des indices de réponse élevés (KITE et KOUWEN, 1992). En effet, l’approche semi-distribuée n’est donc pas systématiquement synonyme d’améliorations. Tout dépend des cas étudiés et des modèles choisis. Par ailleurs, la plupart des études se concentrent uniquement sur un type de modèle, un type de bassin de taille bien définie et prennent en compte très peu de critères d’hétérogénéités. Nous pouvons donc considérer que chaque étude présente un cas particulier.
Dans cette perspective, notre étude fait l’objet d’une comparaison des performances entre deux modèles différents : GR4J qui considère le bassin versant comme une seule entité et SWAT qui peut le subdiviser en surfaces élémentaires homogènes. Ainsi, dans ce travail nous ne cherchons pas seulement à reproduire au mieux un hydrogramme, mais surtout à reproduire de la façon la plus réaliste possible les différentes composantes du bilan hydrologique, particulièrement dans un bassin versant présentant une réelle difficulté liée essentiellement au manque d’information spatiale sur les précipitations.
Les dernières recherches menées dans la comparaison entre SWAT et GR4J donnent des résultats différents. VELAZQUEZ et al. (2015) favorisent le modèle SWAT. Par contre, SIMONNEAUX et al. (2008), GABORIT et al. (2010) et TRUDEL et al. (2017), montrent que l'incertitude est plus élevée pour SWAT que pour GR4J. Par ailleurs, BRULEBOIS et al. (2018), mettent en évidence la robustesse des deux modèles.
Généralement, la synthèse de ces recherches montre que le modèle GR4J donne de meilleurs résultats dans les petits bassins versants pour reproduire le débit observé dans le domaine temporel, alors que le modèle SWAT est plus performant pour le cas de plus grands bassins versants. Cette constatation indique que les modèles semi-distribués sont particulièrement applicables pour les bassins hydrographiques complexes en raison de leur hétérogénéité physique (TEGEGNE et al., 2017).
Cette problématique se traduit-elle au niveau de la structure interne du modèle, de la discrétisation spatiale des caractéristiques physiques du bassin, ou encore de la nature du processus hydrologique représenté?
2. Présentation de la zone d’étude
Le bassin versant de la Macta, situé au nord-ouest de l’Algérie (Figure 1a), couvre une superficie de 14 389 km2. Il se subdivise en 16 sous-bassins versants dont le sous-bassin de l’aval Mekerra qui représente la partie septentrionale de l’oued Mekerra (Mekerra amont, moyen et aval) (Figure 1b) et où la ville de Sidi Bel Abbès est implantée dans la partie aval constituant ainsi son exutoire (Figure 1c).
Notre étude porte sur le sous-bassin versant de l’aval Mekerra qui se situe entre les latitudes Nord 34°53' et 35°22' et les longitudes Ouest 0°94' et 0°22' (Figure 1c). Il couvre une superficie de 1 093 km2. Géographiquement, la région d’étude est limitée par les monts de Tessala au nord, le massif tabulaire de Tlemcen et Saïda au sud, le bassin de l’oued Isser à l’ouest et les Monts de Béni Chougrane et Bouhanifia à l’est.
Du point de vue climatique, l’Algérie a un climat méditerranéen, caractérisé par une saison sèche et chaude coïncidant avec la saison estivale et une saison froide, pluvieuse correspondant à la saison hivernale (OTMANE et al., 2018). Par ailleurs, dans notre région d’étude on peut distinguer un climat de montagne pluvieux, froid à amplitude thermique relativement faible et un climat de plaines plus sec relativement chaud et à forts écarts thermiques (KHALDI, 2005).
3. Caractéristiques morphométriques
Pour bien mener l’étude morphométrique, nous avons utilisé un modèle numérique de terrain ASTER (Advanced Spaceborne Thermal Emission and Reflection Radiometer) d’une résolution spatiale de 30 m (Figure 2a) qui a permis de créer des cartes thématiques au moyen d’un SIG (ArcGIS 10.1). Le code de calcul nous a permis de déterminer la pente (Figure 2b), le réseau hydrographique (Figure 2c) et les limites du bassin versant et des sous-bassins versants (Figure 2d). La discrétisation spatiale du bassin de l’aval Mekerra a donné 54 sous-bassins (Annexes 1-4).
L’oued Mekerra sillonne le bassin de l’aval Mekerra du sud au nord sur une distance d’environ 34 km, avec un réseau hydrographique embryonnaire constitué par de nombreux affluents, représentés fréquemment par des cours d’eau temporaires. L’oued est alimenté par des précipitations et par des sources naturelles (affleurements de la nappe) dont la plus importante est Ain-Skhouna (Figure 2c).
La caractéristique de forme la plus utilisée est le coefficient de Gravelius Kc (BENDJOUDI et HUBERT, 2002). Il se définit comme le rapport entre le périmètre du bassin versant (P) et la surface (A) (Équation 1) (appelée aussi coefficient de compacité) :
Selon le coefficient de Gravelius, le bassin versant de l’aval Mekerra est de forme allongée orientée sud-ouest/nord-est (Kc = 2,26), il implique un temps de concentration lent (CHERIF et al., 2009). D’une façon générale, plus le coefficient de compacité est petit, plus le temps de concentration est court, et par conséquent un débit de surface important. En ce sens, la comparaison des sous-bassins versants entre eux en termes de coefficient de compacité montre que les sous-bassins de Sidi Bel Abbès (1, 2 et 5), Sidi Khaled (28) et Lamtar (40) (Annexes 1-3) présentent un temps de concentration relativement court (Figure 2e), traduisant ainsi la formation de crues violentes correspondant à des évènements pluvieux intenses dans ces endroits, provoquant par conséquent des inondations dans les plaines environnantes.
3.1 Pédologie
La carte pédologique de l’aval Mekerra (Figure 2f) est réalisée sur la base de 138 profils pédologiques et analyse s physicochimiques représentatifs. Le choix des profils est basé sur des zones homogènes établies par une superposition de couches d’informations (pente, géologie, altitude) (FARAOUN et BENABDELI, 2010; BOUZIDI et al., 2012).
Aussi, pour chaque type de sol et pour chaque horizon, nous reprenons plusieurs paramètres. Dans certains cas où nous ne disposions pas de valeurs mesurées, nous étions amenés à les estimer. ArcSWAT possède une base de données des caractéristiques d’un nombre important de sols aux États-Unis avec lesquels nous avons comparé les sols de notre bassin en termes de pourcentage en masse de sable, limon et argile qui caractérisent le sol.
La densité apparente humide est calculée par l’équation 2 (WINCHELL et al., 2010) :
où ρa est la densité apparente du sol. Celle-ci est calculée en considérant les densités apparentes d’un sol sableux (1,5 g∙cm-3), limoneux (1,3 g∙cm-3) et argileux (1,1 g∙cm-3) et en pondérant ces densités apparentes par le pourcentage en masse de chacun des trois composants. ρs est la densité réelle moyenne du sol (2,65 g∙cm-3).
La conductivité hydraulique à saturation s’exprime selon l’équation 3 (WINCHELL et al., 2010) :
où C est le pourcentage d’argile contenu dans la couche; S est le pourcentage de limon contenu dans la couche; MO est le pourcentage de matière organique dans la couche; SOLBD est la densité apparente humide calculée par l’équation 2.
3.2 Occupation du sol
La carte d’occupation du sol (Figure 2h) a été réalisée à l’aide du logiciel ENVI 5, à partir de données spatiales issues du capteur Landsat 8, le 14 mars 2016 (Figure 2g). Selon notre problématique, nous avons utilisé deux canaux du domaine visible : bande 2 (bleu) et bande 3 (vert) dont le domaine spectral est respectivement 0,452-0,512 µm et 0,525-0,600 µm, ainsi que l’infrarouge bande 5 (0,851-0,879 µm) (BANNARI et al., 2004).
4. Modèles
4.1 Modèle SWAT
SWAT (Soil and Water Assessment Tool) est un modèle hydrologique semi-distribué à base physique, conçu et développé par les chercheurs de l’USDA (United States Department of Agriculture) (ARNOLD et al., 1993; ARNOLD et al., 1998). L’aspect physique du modèle permet de reproduire les processus qui ont réellement lieu dans l’environnement, à l’aide de nombreuses et parfois complexes équations (NEITSCH et al., 2005; ARNOLD et al., 2012). Ce modèle est continu dans le temps, il est conçu pour faire des simulations sur de longues périodes (PAYRAUDEAU, 2002).
Le modèle analyse le bassin versant dans toute sa globalité ou en le subdivisant en sous-bassins versants contenant des portions homogènes appelées unités de réponse hydrologiques (URH). Cependant, chaque URH se caractérise par une occupation du sol unique, un type de sol et de sous-sol uniques et une topographie moyenne. La classification des URH du bassin de l’aval Mekerra est décrite dans les annexes 1-4.
SWAT permet d’avoir accès aux différentes variables du bilan hydrologique à l’échelle de l’URH pour chaque pas de temps (journalier, mensuel et annuel), ou de manière générale sur toute la période de simulation (Équation 4) (NEITSCH et al., 2001) :
où SWt : contenu en eau du sol (mm), SW0 : eau disponible pour les plantes au temps 0 (mm), Rday : précipitation (mm), Qsurf : ruissellement de surface (mm), Ea : évapotranspiration (mm), Wseep : percolation (mm), Qgw : débit d'étiage (mm).
Ce modèle a été validé sur de nombreux bassins versants dans le monde, de tailles différentes et dans des contextes géologiques et climatiques variés (MANGUERRA et ENGEL, 1998; SRINIVASAN et al., 1998; SALEH et al., 2000; SOPHOCLEOUS et PERKINS, 2000; VACHE et al., 2002; TRIPATHI et al., 2003; LAURENT et al., 2007). Aussi, la performance du modèle SWAT a fait l'objet de plusieurs travaux en Algérie (YEBDRI et al., 2007; MENDAS et al., 2008; ZETTAM et al., 2017; HALLOUZ et al., 2018).
4.2 Modèle GR4J
Le modèle GR4J fait partie des modèles GR (Génie rural) conçus depuis 1983 au Cemagref (Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts), actuellement l’IRSTEA (Institut de recherche en science et technologie pour l’environnement et l’agriculture). Il s’agit d’un modèle global conceptuel à réservoirs. Ce modèle a connu plusieurs versions, proposées successivement par EDIJATNO et al. (1999), PERRIN (2000), PERRIN (2002), MOUELHI (2003) et PERRIN et al. (2003) qui ont permis d'améliorer progressivement la performance du modèle. C'est la version de PERRIN et al. (2003) qui est présentée et utilisée dans cet article. Le modèle GR4J possédant quatre paramètres à caler fonctionne au pas de temps journalier. Ces paramètres sont représentés par : X1 : capacité du réservoir de production (mm), X2 : coefficient d’échanges souterrains, X3 : capacité à un jour du réservoir de routage (mm) et X4 : temps de base de l’hydrogramme unitaire HU1 (jour). Ce modèle est facile à configurer et à mettre en place.
Aussi, il a été déjà utilisé dans le contexte algérien dans plusieurs études qui ont démontré son adaptabilité au contexte climatique semi-aride (BOUANANI et al., 2010; MEDANE, 2012; OTMANE et al., 2016; GHERISSI et al., 2017; OTMANE et al., 2017).
5. Méthodologie
5.1 Critère de qualité
La validité du modèle est vérifiée par une comparaison des débits calculés (Qcal) et observés (Qobs) à travers le critère le plus utilisé pour les modèles hydrologiques : le critère de Nash (NASH et SUTCLIFFE, 1970) qui s’exprime par l’équation 5 :
Le critère de Nash (Équation 5) n'utilise pas la racine carrée des débits, mais le carré de l'erreur. Donc, il attribue plus d'importance aux pics de crue (phénomènes extrêmes).
KOFFI (2007) a donné l'échelle suivante quant aux valeurs prises par le critère de Nash : I) 90 %, le modèle est excellent, II) 80 à 90 %, le modèle est très bon, III) 60 à 80 %, le modèle est bon, IV) inférieur à 60 %, le modèle est mauvais.
Par comparaison avec d’autres critères, celui-ci a l’avantage d’être d’interprétation simple. En effet, s’il est positif, le modèle donne de meilleurs résultats qu’un modèle donnant à chaque pas de temps un débit constant égal à la moyenne des débits observés, tandis que s’il est négatif, c’est l’inverse (GERARD et BERTHET, 2010).
5.2 Données climatiques
Les données climatiques requises dans cette étude sont observées à la station de Sidi Bel Abbès (Figure 2c) par l’Office National de la Météorologie (ONM). En effet, le modèle SWAT nécessite l’utilisation des données de températures maximale et minimale (°C), précipitations (mm∙j-1), humidité relative (%), vitesse du vent (m∙s-1) et le rayonnement solaire (calculé à partir du modèle horaire de BIRD et HULSTROM (1981) en W∙m-2∙h-1 et converti en MJ∙m-2∙j-1) avec un pas de temps journalier. En revanche, le modèle GR4J ne nécessite que la latitude moyenne et la taille du bassin comme paramètres physiographiques, ainsi que des séries de pluies (mm∙j-1), de température maximale, minimale et moyenne journalière (°C) comme variables d’entrée (GR4J fait appel aux données de température et de la latitude moyenne pour estimer l’évapotranspiration potentielle en moyennant la formule d’OUDIN et al. [2005]).
Aussi, pour simuler la lame d’eau écoulée journalière sur l’aval Mekerra seulement, les débits à Sidi Ali Benyoub (amont du bassin) ont été soustraits aux débits à Sidi Bel Abbès qui se trouve à l’exutoire (Figure 2c).
5.3 Calage et validation des modèles
5.3.1 SWAT
La méthode préconisée par les concepteurs de SWAT se nomme Shuffled Complex Evolution Algorithm - University of Arizona (SCE-UA). Cet algorithme permet de trouver le jeu de paramètres optimal (SOROSHIAN et al., 1993) et une description détaillée du fonctionnement de l’algorithme est donnée dans GRIENSVEN et al. (2006). La première phase de calage dans SWAT consiste à comparer les sorties du modèle en termes de pourcentage d'eau ruisselée et infiltrée avec les données observées. Bien que les pourcentages d'eau ruisselée et infiltrée observés ne soient pas connus, une estimation peut être faite à partir du programme Baseflow développé par ARNOLD et al. (1995) et amélioré par ARNOLD et ALLEN (1999). Une fois que cette comparaison est effectuée, on procède à la fixation des limites des paramètres qui ont une influence sur l'eau ruisselée et infiltrée. Ensuite, on fait varier les autres paramètres de façon automatique jusqu'à ce qu'ils soient du même ordre de grandeur. Une simulation est faite avec de nouvelles données d'entrée et les résultats sont comparés avec les données de terrain (données mesurées) afin de vérifier le comportement du modèle sujet au jeu de paramètres trouvés.
5.3.2 GR4J
Le calage est la phase d’initialisation du modèle choisi grâce à un algorithme d’optimisation des paramètres initiaux (X1, X2, X3 et X4). Celui-ci peut être automatique, semi-automatique ou manuel. Pour le calage du modèle GR4J, nous avons procédé au calage automatique pour enlever la part de subjectivité due à l’utilisateur pendant le calage manuel (MADSEN, 2000). Pour cela, la fonction automatique DDS (Dynamically Dimensioned Search) élaborée par TOLSON et al., (2009) a été retenue, afin de déterminer les paramètres en essayant une multitude de combinaisons pour trouver les valeurs qui permettent d'obtenir les débits calculés les plus proches possible de la réalité.
La validation du modèle vise à vérifier si le modèle calé simule correctement des séries de données de référence non utilisées lors du calage. La qualité du modèle se mesure à la valeur du critère de Nash (Équation 5). L’objectif est de chercher à améliorer les valeurs des critères de qualité traduisant les performances des simulations. Seules les données pluviométriques et d'évapotranspirations potentielles sont utilisées pour valider le modèle GR4J. Le calcul est lancé en prenant pour paramètres du modèle les valeurs optimisées lors du calage. Les valeurs des débits issues du modèle sont alors comparées aux valeurs observées par corrélation linéaire simple et au moyen du critère de Nash.
5.4 Période d’étude
Le choix des périodes de calage et de validation a été déterminé en fonction de la disponibilité des données. La série disponible pour notre étude couvre la période du 1er janvier 1996 jusqu’au 31 décembre 2005 et a été scindée en deux séries de cinq ans : 1996 à 2000 et 2001 à 2005. La première a été utilisée pour le calage des modèles avec une année de mise en route pour démarrer les modèles allant du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1996, tandis que la seconde a été réservée pour la validation des modèles.
6. Résultats et discussion
6.1 Modélisation SWAT
Le résultat du calage du modèle SWAT montre que les débits journaliers simulés concordent avec ceux observés à la station de Sidi Bel Abbès avec quelques sous-estimations (Figure 3) liées généralement à la variabilité spatiale des précipitations dans le bassin. Les lames d’eau écoulées observées et simulées sont respectivement de 27,5 et 20,27 mm. Par ailleurs, le critère de Nash (70 %) et le coefficient de détermination (0,83) indiquent que le calage est bon. Ainsi, les paramètres de modélisation utilisés peuvent être retenus pour expliquer le fonctionnement global de l’hydrosystème du bassin.
Concernant la validation du modèle, les débits journaliers simulés montrent un synchronisme moyen avec la courbe des débits observés par rapport à la période de calage, comme en témoigne le critère de Nash et le coefficient de détermination (Nash = 62 % et R2 = 0,61). Cela, peut être expliqué par les évènements extrêmes (crues) qui surviennent pendant cette période et notamment ceux du 24 août 2002 (0,7 mm∙h-1), 7 mai 2002 (0,96 mm∙h-1) et 9 juin 2003 (1,05 mm∙h-1) (Figure 3). Généralement, cette faiblesse du modèle réside dans le critère de qualité adopté pour la modélisation (Équation 5) qui n'utilise pas la racine carrée des débits et attribue donc plus d'importance aux pics de crue (phénomènes extrêmes).
L’allure de l’hydrogramme (Figure 3) est marquée par des pics (crues), suivis d’une vidange rapide des réservoirs. Les tarissements sont rapides et les quantités d’eau reçues par le biais de la percolation sont rapidement déversées dans les cours d’eau (débit hypodermique) ce qui caractérise l’aquifère alluvial de la plaine de Sidi Bel Abbès (SOURISSEAU, 1972).
6.2 Comparaison avec GR4J
Par comparaison avec SWAT, les résultats du calage (Nash = 67,1 % et R2 = 0,68) et de la validation (Nash = 57,8 % et R2 = 0,54) du GR4J sont légèrement moins bons. L’allure des courbes n’est pas synchrone en période de validation (Figure 4). Les crues qui sont observées pendant cette période sont largement sous-estimées. Ces écarts semblent être dus à un changement de régime pluviométrique (évènements extrêmes) et l’incapacité du critère de Nash utilisé à ajuster ces évènements. Par ailleurs, la sensibilité du GR4J au manque d’information spatiale de la pluie influence directement le résultat de la modélisation. Ceci est confirmé par plusieurs travaux antérieurs réalisés sur l’effet de la distribution spatiale des précipitations pour les modèles globaux (ARNAUD et al., 2002; AUDREY, 2002; BEN KHEDIRI et DROGUE, 2016), tandis que SWAT peut minimiser le risque de ce manque de données par la compensation (distribution) d’erreurs suivant les différents processus hydrologiques.
Ainsi, le modèle SWAT produit des simulations satisfaisantes de débit (Figure 5), ce qui explique l’intérêt éventuel de prendre en compte l’hétérogénéité physique des caractéristiques du bassin versant dans la modélisation hydrologique (KITE et KOUWEN, 1992; COGNARD-PLANCQ et al., 2001; ANDREASSIAN, 2002), ainsi que l’avantage du modèle à base physique avec son formalisme pour décrire les processus du cycle hydrologique dans les différents compartiments d’un hydrosystème. En plus, la complexité du type de zone sur lequel nous nous concentrons et sa faible instrumentation requièrent l’aspect exhaustif et à base physique propre à SWAT.
6.3 Bilan hydrologique et autres processus avec SWAT
6.3.1 Bilan hydrologique
Le bilan hydrologique annuel, calculé avec le modèle SWAT de 1996 à 2005 (Tableau 1), montre des précipitations moyennes annuelles de 391 mm (100 %), qui se répartissent entre l’évapotranspiration (282,8 mm, 72 %), l’écoulement dans les rivières (20,27 mm, 6 %) et la recharge des réservoirs souterrains (87,9 mm, 22 %). Ces résultats mettent en exergue l’importance de l’évapotranspiration et celle de la recharge.
6.3.2 Évolution mensuelle de différents processus
L’évolution mensuelle de différents processus du cycle hydrologique simulés avec SWAT (Figure 6) montre que l’écoulement permanent de l’oued Mekerra est assuré par le débit de base (Figure 6a), alors que le ruissellement (débit de surface, Figure 6b) survient selon les évènements saisonniers et notamment en automne. La production du transport solide dans le bassin de l’aval Mekerra montre une quantité relativement importante au mois de février, ce qui explique l’importance du couvert végétal et des pratiques culturales au cours de cette période de l’année (Figure 6c).
En période humide allant de septembre à février, le niveau piézométrique des nappes (Figure 6d) augmente parallèlement avec les hauteurs d’eau précipitées (Figure 6e). Durant cette période, le sol atteint une certaine humidité favorable à la croissance et au développement des plantes, ce qui induit par conséquent une augmentation de l’évapotranspiration réelle (Figure 6f), tandis que la pluie réduit l’évapotranspiration potentielle (Figure 6g) en diminuant le rayonnement solaire et le déficit d’humidité. L’évapotranspiration réelle diminue également en temps de pluie (BOUCHET, 1963).
Par contre, durant la période sèche où les précipitations sont quasiment nulles, l’évapotranspiration réelle reste stable (mars-juin) grâce au couvert végétal. Ce dernier est alimenté par la nappe souterraine à travers la zone racinaire (zone non saturée) par l’effet de capillarité (BERKALOFF, 1969; RIJTEMA et WASSINK, 1969), justifiant ainsi les valeurs négatives de la recharge. Ainsi, la régression progressive de cette couverture végétale atteint son minimum au mois de juillet, ce qui diminue sensiblement l’évapotranspiration réelle et, par conséquent, une compensation par la recharge (augmentation).
6.3.3 Évolution spatiale de différents processus
La représentation spatiale des phénomènes hydrologiques par URH est très difficile, voire dans certains cas impossible. Pour cela, nous avons adopté l’évolution spatiale en sous-bassin, par le calcul de la moyenne de chaque processus simulé pour les URH contenus dans le même sous-bassin. Les données utilisées pour créer la figure 7 sont disponibles en annexes 5-10.
6.3.3.1 Débit de surface
La spatialisation de la lame d’eau ruisselée sur le bassin versant de l’aval Mekerra (Figure 7a) montre que la ville de Sidi Bel Abbès appartient aux sous-bassins les plus générateurs de débit de surface (Figure 7b), ce qui confirme le résultat de l’indice de compacité (Figure 2e), ainsi que l’occurrence des inondations dans la ville de Sidi Bel Abbès (HALLOUCHE, 2007; MERABET, 2008; MEGHERFI, 2010).
L’extraction des sous-bassins qui drainent la ville de Sidi Bel Abbès montre une lame d’eau ruisselée de 106,23 mm au niveau du sous-bassin no 2 (Figure 7b). Ceci est largement supérieur à la lame d’eau ruisselée sur tout le bassin (14,7 mm), soit plus de 27 % de la lame d’eau précipitée. Avec l’extraction et la superposition de celui-ci sur une image satellitaire à haute résolution, on remarque que le sous-bassin indiqué couvre une zone industrielle située à l’ouest de la ville dans un point de confluence de deux oueds, là où l'imperméabilisation de la surface urbaine accentue la production de débit de surface.
6.3.3.2 Recharge
Pour valider l’évolution spatiale de la recharge, nous avons étudié l’évolution temporelle de la profondeur du niveau statique de quatre points d’eau répartis dans le bassin, dont les caractéristiques sont représentées dans le tableau 2.
Le suivi sur les quatre piézomètres montre un abaissement important du niveau piézométrique durant la période 1971-2007 surtout pour les points P3 et P10 (Tableau 2). Par contre, en ce qui concerne l'année 2009, on remarque une augmentation significative du niveau pour les piézomètres précités (P3 et P10). Ces fluctuations des niveaux piézométriques s’expliquent par une dépendance à la variabilité spatiotemporelle des précipitations (OTMANE et al., 2018), ainsi qu'à leurs caractéristiques : période où a lieu la pluie, durée et intensité de la pluie, nombres de jours sans pluie auparavant (formation de croûte sur le sol par assèchement). Cela explique le taux de recharge élevé des sous-bassins (Figure 7c).
Malgré le cumul pluviométrique important de l’année 2009 et le caractère rechargeable du sous-bassin d’appartenance, le point P15 présente un rabattement significatif par rapport à l’année 2007. La principale cause serait la multiplication de points d'eau dans cette région, notamment pour l'irrigation des terres, et donc de l’augmentation du débit d'exhaure (débit épuisé).
6.3.3.3 Débit de base
Pour confirmer le résultat de l’apport des eaux souterraines dans l’hydrologie de l’oued Mekerra, il est nécessaire de considérer le débit hypodermique comme débit de base (débit retardé).
L’évolution spatiale de l’apport des nappes au bassin de l’aval Mekerra (Figure 7d) montre que plus de 38 % (2,3 Mm3∙a-1) de la réponse totale du débit de base (5,56 mm3∙a-1 [6,07 Mm3∙a-1]) provient de la région de Chetouane et de Sidi Ali Boussidi.
Sur la base de la localisation des sources les plus importantes (considérées comme des affleurements des nappes et de contacts anormaux dans la série géologique) inventoriées dans le bassin, il est possible de justifier la spatialisation du débit de base contrôlée par le modèle SWAT. En effet, la figure 7d montre que la plupart des sources sont concentrées dans les sous-bassins les plus producteurs de débits de base (Sidi Ali Boussidi, Chetouane).
En plus, la superposition de la carte de débit de base et de la carte hydrogéologique de la plaine de Sidi Bel Abbès (Figure 8) montre que les sous-bassins indiqués ci-dessus renferment les nappes les plus importantes de la région (la nappe de calcaire éocène de Sidi Ali Boussidi et la nappe de calcaire et dolomie jurassico-crétacé de Sidi Ali Ben Youb dans la région de Chetouane).
6.3.3.4 Évapotranspiration
La distribution spatiale de l’évapotranspiration réelle (Figure 7e) présente des valeurs relativement élevées tout le long de l’oued Mekerra (73 % à 80 %), tandis que la moyenne de l’évapotranspiration sur tout le bassin est de 72 % de la lame d’eau précipitée (Tableau 1). Ceci peut être justifié par l’écoulement permanent de l’oued principal (hydrogramme de la figure 3). Cependant, les sous-bassins de la ville de Sidi Bel Abbès montrent des valeurs faibles de l’évapotranspiration réelle à cause de la densité du tissu urbain et l’absence du couvert végétal ainsi que les plans d’eau.
6.3.3.5 Transport solide
Le bassin de l’aval Mekerra produit une quantité spécifique de matière en suspension de 37,7 t∙km-2∙a-1, correspondant à un apport total de 41 206 t∙a-1. Cet apport spécifique coïncide largement avec les différents travaux qui ont été effectués précédemment dans cette région (TERFOUS et al., 2001; MOKADMI, 2012).
Partiellement, la figure 7f fait apparaitre que les sous-bassins 23, 48 et 53 produisent respectivement 223,4 t∙km-2∙a-1 (13 281 t∙a-1), 261 t∙km-2∙a-1 (11 296 t∙a-1) et 318 t∙km-2∙a-1 (11 293 t∙a-1) de sédiments en suspension. Cet apport constitue 87 % (35 850 t∙a-1) du transport total de matière en suspension du bassin. D’une façon générale, la forme en éventail des sous-bassins (l’indice de compacité faible, annexes 1-3 et figure 2e) favorise les écoulements torrentiels (débit de surface élevé), ce qui déclenche le pouvoir érosif notamment dans les sols « forêt et/ou maquis » prédominants (facteur d’érodabilité élevé, Figure 2f), justifiant ainsi les faibles valeurs de l’évapotranspiration, la recharge et le débit de base.
7. Conclusion
Les analyses effectuées dans cette étude font l’objet d’une comparaison des performances entre deux modèles hydrologiques différents (GR4J et SWAT) pour faire apparaitre l’apport des caractéristiques physiques du bassin dans la modélisation hydrologique. En effet, pour GR4J les caractéristiques physiques (pente, occupation du sol, pédologie, etc.) sont considérées comme homogènes sur la totalité du bassin et sont représentées de façon globale et indirecte par le jeu de paramètres définis par calage (X1, X2, X3 et X4). Cela facilite aux utilisateurs de simuler directement et seulement la réponse globale du bassin, sans tenir compte de sa variabilité spatiale, ce qui justifie sa simplicité (une seule sortie et quatre paramètres). Par contre, dans le modèle SWAT, les caractéristiques physiques du bassin sont considérées comme données d’entrée provenant des images satellitaires et SIG intégrés dans le modèle et constituent sa base de données géospatiale. Elles permettent de représenter les caractéristiques physiographiques réelles du bassin afin d’obtenir un meilleur découpage spatial (URH) de l’hydrosystème et par la suite une bonne reproduction et redistribution de la lame d’eau à travers les différents processus du cycle hydrologique pour chaque URH au moyen d’équations mathématiques complexes.
Dans cette perspective, l’application du modèle SWAT sur notre site d’étude a permis de modéliser le fonctionnement hydrologique du bassin versant sur 111 unités de réponse hydrologique dans 54 sous-bassins versants. L’évolution temporelle des débits simulés avec SWAT montre un synchronisme avec la courbe des débits observés en période de calage (Nash = 70 %), mais cette concordance perd légèrement sa performance en période de validation (Nash = 62 %) à cause des évènements extrêmes qui surviennent au cours de cette période. Le modèle GR4J parait légèrement moins bon particulièrement en période de validation (Nash = 57,8 %), malgré sa bonne calibration (Nash = 67,1 %). Cela montre que GR4J transmettra beaucoup plus rapidement les erreurs des données de précipitations, alors que SWAT minimise l’erreur par sa distribution suivant les différents processus hydrologiques simulés.
Par ailleurs, les processus du bilan hydrologique modélisés par SWAT (recharge, débit de surface, débit de base, évapotranspiration et transport solide) donnent des résultats qui semblent concluants. Aussi, plus de données seraient nécessaires afin de mieux évaluer les différentes composantes du modèle SWAT dans l’espace et dans le temps.
Ainsi, la subdivision du bassin touche beaucoup plus que seulement l’évapotranspiration. Elle permet d’augmenter l'exactitude et de donner une meilleure description physique du bilan hydrique, ce qui justifie de privilégier un modèle semi-distribué à un modèle global.
À l’issue de ce résultat, nous remarquons que l’approche semi-distribuée semble donner des résultats probants par rapport à l’approche globale sur le cas d’étude, vraisemblablement en raison de la représentation spatiale des caractéristiques physiques du bassin versant avec l’approche semi-distribuée et à la meilleure gestion des processus hydrologiques avec SWAT. De plus, si cela est vrai pour notre zone d’étude, ce ne l'est pas forcément ailleurs comme le montre l’étude de GABORIT et al. (2010) qui avait obtenu de meilleurs résultats avec GR4J qu’avec SWAT.
Cette étude a permis donc de présenter l’avantage et la performance de la modélisation hydrologique semi-distribuée à base physique, mais ne démontre pas clairement la supériorité de l’approche semi-distribuée sur l’approche globale, ni la supériorité de SWAT sur GR4J.
Parties annexes
Appendix
Acknowledgements
Nous remercions l’Office National de la Météorologie (ONM) et l'Agence Nationale des Ressources Hydrauliques (ANRH) de nous avoir fourni les données nécessaires à cette étude.
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