Résumés
Résumé
Des simulations numériques de l’écoulement de l’eau souterraine et du transport de masse ont été réalisées pour étudier l’influence des fractures présentes dans un massif rocheux sur l’écoulement souterrain autour de dépôts miniers entreposés dans une mine à ciel ouvert. Les simulations de l’écoulement et du transport de contaminants ont été effectuées à l’aide du modèle numérique HydroGeosphere. Les analyses présentées ici ont été réalisées en deux dimensions. Les simulations incluent la zone non saturée et utilisent les propriétés des matériaux obtenues expérimentalement. Elles considèrent différentes conditions aux limites. Les effets des propriétés hydrogéologiques des matériaux (c.a.d la courbe de rétention d’eau et la fonction de conductivité hydraulique), des caractéristiques du réseau de fractures (fractures verticales seulement, réseau de fractures orthogonales) et de la perméabilité des fractures ont été étudiés. Les simulations montrent que l’écoulement de l’eau et le transport de contaminants sont fortement affectés par le type de dépôts placés dans la fosse (stériles miniers ou rejets de concentrateurs), la nature des conditions initiales et aux limites imposées et la fracturation du massif rocheux avoisinant. La présence de fractures perméables cause une migration plus rapide des contaminants provenant des rejets et le panache de contamination peut alors atteindre des distances plus élevées, ce qui peut augmenter le risque de contamination des eaux souterraines ou des eaux de surface. La perméabilité de fractures du massif rocheux autour d’une fosse de rejets miniers devrait donc être caractérisée pour améliorer la prédiction de la migration de contaminants à partir de la fosse.
Mots clés:
- Écoulement,
- contaminants,
- rejets miniers,
- HydroGeosphere,
- simulations numériques,
- fractures
Abstract
Produced mining wastes can be placed in open pits or underground excavations. The adjacent rock mass is often fractured and the discontinuities may control the flow of water and transport of contaminants from the wastes. Numerical simulations have been carried out to assess the influence of joints on underground flow and mass transport in and around a surface mine opening. The influence of a regional hydraulic gradient was also analyzed. To conduct these investigations, contaminant transport and unsaturated flow modelling was performed using the HydroGeosphere numerical model. Analyses including the vadose zone were conducted by simulating various 2D cases using experimentally obtained material properties and controlled boundary conditions. The effects of material hydrogeological properties (i.e., the water retention curve and hydraulic conductivity function), fracture network characteristics and joint conductivity were also investigated. The simulations show that water flow and contaminant transport are significantly affected by the type of filling material (tailings or waste rock material), the nature of initial and boundary conditions and the degree of rock mass fracture (vertical fractures or an orthogonal fracture network). Fractures significantly influence the water flow network and contaminant concentrations. In fact, the presence of joints induces a more rapid migration of contaminants from mining wastes, and the contaminant plume can reach greater distances that can increase the risk of surface and ground water contamination. The effect of the regional hydraulic gradient can be additional to that of the fracture network. Thus, the level of fracture of the rock mass must be characterized to better predict contaminant migration from open pits.
Keywords:
- Water flow,
- contaminant,
- tailings,
- waste-rock,
- HydroGeosphere,
- simulation,
- fractures
Corps de l’article
1. Introduction
L’industrie minière joue un rôle important dans le développement économique de nombreux pays dans le monde. Cependant, les opérations minières génèrent aussi des volumes considérables de rejets qui doivent être gérés de façon adéquate afin de limiter leur impact environnemental. Par exemple, au Québec (Canada), les mines en opération produisent environ 100 millions de tonnes de rejets annuellement (Aubertinet al., 2002, 2011), qui sont entreposés sur les sites miniers. Un site minier est défini comme étant l'endroit où l'on extrait les minerais ayant une valeur commerciale. Les matières résiduelles qui y sont produites sont usuellement déposées dans des aires d’entreposage sous forme broyée (i.e. les rejets de concentrateur) ou simplement concassée (i.e., les stériles miniers). Les roches stériles, extraites du sous-sol pour atteindre les zones minéralisées d’une exploitation minière, sont des matériaux grossiers à granulométrie très étalée, comportant surtout des particules de la taille des sables et des graviers. Chaque type de rejet est géré de façon spécifique, en fonction de ses propriétés, des caractéristiques de l'opération minière, et des particularités du site. Les caractéristiques d'une mine sont différentes d'une exploitation à l'autre. Selon la composition et les caractéristiques des matériaux traités, les effets sur l'environnement seront différents (Aubertinet al., 2002). Ces dernières années, l’industrie minière ainsi que plusieurs gouvernements et organisations de recherche se sont penchés sur le développement d’outils et de méthodes géo-environnementales afin de mieux gérer les rejets solides et liquides sur les sites miniers, et sur la mise au point de meilleures stratégies de réhabilitation des lieux de stockage.
Les stériles sont habituellement entreposés en surface sous forme d’empilements, communément appelés haldes à stériles. Ces haldes peuvent être construites de diverses façons, selon la topographie des lieux, la nature et la quantité de roche extraite, et les équipements disponibles (Aubertinet al., 2005).
Les rejets de concentrateur sont usuellement produits sous forme de pulpe de densité variant entre 30-45 % en poids de solides (Aubertinet al., 2002), mais pouvant atteindre plus de 80 % dans le cas des résidus en pâte (Martinet al., 2006). On les entrepose dans des bassins, appelés parcs à résidus miniers, qui sont généralement ceinturés de digues (selon la topographie des lieux) et dont le fond peut être imperméabilisé. Suite à la déposition hydraulique dans le parc, la pulpe s’écoule vers le point bas du bassin et les particules solides sédimentent. Cette technique de déposition occasionne parfois certains problèmes, notamment au niveau de la stabilité géotechnique des digues du parc à résidus.
L’écoulement de l’eau (pluie, nappe) dans les résidus et les stériles miniers peut aussi engendrer la formation d’un lixiviat contaminé, en particulier sous forme de drainage minier acide (DMA). Le phénomène du DMA, qui affecte de nombreuses opérations minières à travers le monde, se produit lorsque des rejets miniers contenant des minéraux sulfureux (ex. pyrite, pyrrhotite, etc.) s’oxydent au contact de l’eau et de l’oxygène (Aubertinet al., 2002).
Afin de prévenir ou de minimiser le transfert des contaminants associés au DMA vers l’environnement, il peut s’avérer bénéfique d’isoler de tels rejets de façon hydraulique. Ceci peut, dans certaines circonstances, se faire lorsque les rejets miniers sont entreposés dans les anciennes mines à ciel ouvert (Thériault, 2004). Cette dernière option est étudiée ici. On considère ainsi que les rejets miniers constituent une source potentielle de contaminants lorsqu’ils sont entreposés dans des massifs rocheux fracturés. Si le réseau de fractures est suffisamment perméable et interconnecté, l’écoulement de l’eau et le transport de contaminants peuvent être significatifs (Xu et Hu, 2005). Évaluer le mouvement de solutés dans ce domaine constitue cependant un grand défi. L’entreposage des rejets miniers en fosse est une technique surtout recommandée lorsque les rejets sont moins perméables que le massif rocheux fracturé (Thériault, 2004). Dans ces conditions, une grande partie de l’écoulement régional tend à contourner naturellement la fosse (et les rejets). Lorsque des rejets miniers contaminés, en contact avec un massif rocheux fracturé, sont relativement perméables et mis en présence d’un gradient hydraulique régional, les contaminants peuvent se propager dans le massif, i.e, au sein de la roche intacte, des fractures et du réseau de fractures.
Des contributions significatives pour mieux comprendre l’écoulement et le transport de solutés dans les milieux poreux fracturés ont été présentées au cours des dernières décennies, notamment afin de trouver une solution pour l’enfouissement des déchets radioactifs (e.g.,Neretnieks, 1980; Schwartzet al., 1983; Therrien et Sudicky, 1996; Wang et Narasimhan, 1985). La majorité des recherches sur les massifs fracturés s’est concentrée sur l’étude des roches cristallines à faible porosité, mais des études récentes se sont aussi orientées vers les problèmes de migration de contaminants dans les milieux fracturés relativement poreux (Molsonet al., 2012). Peu d’études se sont intéressées à la simulation de l’écoulement dans la zone vadoze; parmi lesquelles, celle de Doughty (2010).
Dans cet article, on présente les résultats de simulations numériques réalisées avec le code d’éléments finis 3D HydroGeosphere (Therrienet al., 2005). L’écoulement et le transport de contaminants à travers des rejets miniers entreposés dans une fosse excavée dans un massif rocheux fracturé ont étés modélisés. Les résultats de deux situations correspondant à deux types différents de rejets miniers sont présentés et analysés. L’influence d’un gradient hydraulique régional et du réseau de fractures (verticales ou orthogonales) est aussi considérée.
2. Écoulement d’eau et transport des contaminants dans les massifs rocheux fracturés
2.1 Écoulement d’eau dans un milieu poreux
L’équation d’écoulement non saturé dans un milieu poreux non fracturé s’obtient en utilisant les équations de Navier-Stockes, de continuité et de Darcy. Ainsi, pour des conditions d’écoulement non saturé et en régime transitoire, l’équation peut s’écrire (Freeze et Witherspoon, 1966; Freeze et Cherry, 1979; Richards, 1931):
où :
kx, ky et kz sont les composantes du tenseur de conductivité hydraulique (en m•s‑1), respectivement dans les directions x, y et z; ϕ = la succion (pression interstitielle négative) (en m) et θ = teneur en eau volumique (-).
2.2 Écoulement d’eau dans une fracture
L’écoulement de l’eau à travers une fracture est régi par une relation (appelée « loi cubique ») issue de l’équation de Navier-Stokes pour un écoulement laminaire, en régime permanent. Cette équation peut s’écrire (Tsang, 1984; Witherspoonet al., 1981):
Qf : débit d’écoulement dans la fracture (m3•s‑1);
Vf : vitesse moyenne d’écoulement dans la fracture (m3•s‑1);
Asec = bxω : surface de fracture perpendiculaire à l’écoulement (m2);
b : ouverture de la fracture (m);
ω : largeur de fracture perpendiculaire à l’écoulement (m);
L : longueur de fracture parallèle à l’écoulement (m);
∆h : différence de charge hydraulique le long de la direction d’écoulement (m);
ρw : densité de l’eau (kg•m‑3);
g : accélération de la pesanteur (m2•s‑1);
µw : viscosité dynamique de l’eau (kg•m‑1•s‑1).
L’équation 2 a été validée pour un écoulement laminaire à travers de petites fissures formées de surfaces planes. Cette équation peut être modifiée en ajoutant des paramètres pour tenir compte de l’influence de certains facteurs tels que la rugosité de surface, la tortuosité et le nombre de Reynolds (e.g., Gale, 1990; Indraratna et Ranjith, 2001). Pour un écoulement transitoire et pour des conditions d’écoulement non saturé (ou partiellement saturé), l’équation 2 peut être utilisée avec l’équation de continuité du débit d’écoulement pour formuler l’équation d’écoulement non saturé dans les fractures (Wang et Narasimhan, 1993). Sous ces conditions, il est important de définir correctement les fonctions hydriques non saturées pour les fractures et pour les différents matériaux utilisés dans les simulations (réalisées ici avec le code HydroGeosphere).
Pour des conditions d’écoulement non saturé en régime transitoire, l’équation générale de l’écoulement dans les fractures s’écrit (Therrien et Sudicky, 1996) :
avec :
Krx (ϕ) : composante de la conductivité hydraulique intrinsèque relative selon x, en fonction de la succion (valeur comprise entre 0 et 1);
Kry (ϕ) : composante de la conductivité hydraulique intrinsèque relative selon y, en fonction de la succion (valeur comprise entre 0 et 1);
Krz (ϕ) : composante de la conductivité hydraulique intrinsèque relative selon z, en fonction de la succion (valeur comprise entre 0 et 1);
θf(ϕ) : teneur en eau volumique de la fracture en fonction de la succion (pression négative);
e : indice des vides (-);
µ : viscosité dynamique de l'eau (N•m‑2•s‑1);
t : temps (s).
Une difficulté dans l’utilisation de l’équation 3 réside dans la définition des fonctions Kr(ϕ) et θf(ϕ). Il existe en effet très peu de données dans la littérature à ce sujet.
2.2.1 Transport des contaminants
Le transport des contaminants dans un massif rocheux fracturé est un aspect important mais difficile à considérer en raison de la complexité du réseau des fractures et du rôle primordial de ces fractures dans les processus de migration des contaminants. Pour des contaminants non réactifs, les principaux modes de transport sont l’advection et la dispersion hydrodynamique. L’advection est associée à l’écoulement de l’eau en réponse à un gradient hydraulique. À perméabilité et porosité égales, notamment, plus le gradient hydraulique est élevé, plus la vitesse de migration sera élevée aussi. La dispersion hydrodynamique se surimpose à la diffusion moléculaire (qui induit un transport des contaminants en réponse à un gradient de concentration et le déplacement du milieu le plus concentré vers le moins concentré); la dispersion mécanique est causée par les variations locales de la vitesse d’eau et la tortuosité du chemin suivi par l’eau.
La description du transport de soluté en milieu poreux discrètement fracturé (approche utilisée par le code HydroGeosphere) nécessite deux équations (eq. 4 et 5), l’une pour la matrice poreuse et l’autre pour les fractures. HydroGeosphere peut considérer l’adsorption du soluté sur les parois des fractures et sur la phase solide de la matrice (Pouget, 1998). Les contaminants peuvent également subir une dégradation du premier ordre. Le transport dans la matrice variablement saturée est décrit en trois dimensions (Bear, 1972) par :
i, j = 1, 2, 3
où :
C = C (xi, t) est la concentration du soluté (en kg•m‑3);
Dij est le coefficient de dispersion hydrodynamique (en m2•s‑1);
θs est la teneur en eau à saturation (= n, la porosité);
Sw est le degré de saturation (0 à 1);
R est le facteur retard (-); et
λ est la constante de dégradation du premier ordre. Le facteur de retard R est donné (Freeze et Cherry, 1979) par :
où ρb est le poids volumique du milieu granulaire (en Kg•m‑3) et Kd est le coefficient de distribution du contaminant (m3•kg‑1). Le coefficient de dispersion hydrodynamique (en m2•s‑1) est donné (Bear, 1972) par :
où αL et αT sont respectivement les dispersivités longitudinale et transversale (en m), |q| est le débit volumique (en m3•s‑1), τ est la tortuosité de la matrice, Dd est le coefficient de diffusion du contaminant dans un liquide (en m2•s‑1). Le produit τDdprésente le coefficient de diffusion effectif dans le milieu granulaire avec τ le coefficient de tortuosité (m•m‑1, τ < 1; la valeur de ce coefficient varie généralement entre 0,01 et 0,5 (Freeze et Cherry, 1979). Les valeurs typiques de De sous des conditions saturées dans les sols varient entre 1 x 10‑9 et 2 x 10‑9 m2•s‑1 (Sharma et Reddy, 2004).
2.2.2 Description du code HydroGeosphere
Le modèle numérique HydroGeosphere (Therrienet al., 2005) a été utilisé pour mener les simulations présentées dans cet article. C’est un modèle numérique 3D basé sur la discrétisation de l’espace du domaine où l’écoulement est étudié. Le modèle résout les équations d’écoulement couplées à surface libre et souterrain et le transport de contaminants dans les milieux non fracturés ou discrètement fracturés. C’est un modèle basé sur la méthode des éléments finis qui permet de modéliser l’écoulement de surface ou souterrain saturé ou non saturé, couplé au transport de masse par advection-dispersion dans un milieu poreux (non fracturé). Le modèle simule aussi l’écoulement et le transport des contaminants en deux dimensions dans les fractures. L’écoulement de l’eau est décrit par une forme modifiée de l’équation de Richards (1931) dans laquelle le terme d’emmagasinement tient compte de la compressibilité de l’eau et du sol (Therrien et Sudicky, 1996). Les fractures sont assimilées à deux plaques parallèles, lisses avec une charge hydraulique et une concentration uniformes le long de la largeur de la fracture. En régime transitoire, la période de modélisation est discrétisée en pas de temps. Un algorithme d’éléments finis résout un système matriciel formé des équations d’écoulement pour tous les noeuds du maillage. Cette résolution se fait par des calculs itératifs, à partir d’une solution de départ (conditions initiales), afin de trouver une solution finale qui respecte les conditions aux frontières. La solution finale comprend la valeur de la charge hydraulique à chacun des noeuds du maillage, les composantes du vecteur vitesse moyenne au centre de chaque élément ainsi que les composantes du débit moyen élémentaire. Pour les conditions non saturées, le degré de saturation moyen de chaque élément fait également partie de la solution finale.
Les vitesses d’écoulement sont calculées par la loi cubique (Witherspoonet al., 1980). Les courbes de rétention d’eau et de perméabilité relative pour les fractures et pour la matrice rocheuse sont déterminées par la fonction de van Genuchten (1980); elles peuvent alternativement être spécifiées sous forme de tableaux dans le code HydroGeosphere. Le milieu poreux est discrétisé avec des éléments finis 3D et les fractures avec des éléments finis 2D. Les noeuds qui forment les éléments (2D) des fractures sont communs avec ceux (3D) du milieu poreux. Il y a une continuité des charges hydrauliques et des concentrations aux noeuds communs aux fractures et au milieu poreux, ce qui correspond à un échange instantané de fluide et de solutés entre les deux domaines. Pour le transport des solutés, le coefficient de diffusion effectif dans la matrice est donné par le produit du coefficient de diffusion libre et de la tortuosité.
3. Analyse d’une mine á ciel ouvert
La figure 1 montre le modèle conceptuel à deux dimensions d’une fosse dans un massif rocheux, simulée avec le code HydroGeosphere. La fosse est symétrique, avec l’axe de symétrie qui passe par x = 0 m. Elle a une profondeur de 100 m et les murs ont une pente de 69 degrés. Les dimensions de la fosse sont typiques des dimensions de mines à ciel ouvert en roches dures, pour des exploitations aurifères ou de métaux de base dans la région de l’Abitibi, Québec.
La limite inférieure du modèle est située à 200 m en dessous de la base de la fosse. Les limites gauche et droite du modèle sont situées respectivement à - 400 m et + 400 m à partir de l’origine. Les frontières sont assez loin de la fosse pour ne pas affecter la réponse du modèle. Deux types de matériau dans la fosse sont considérés : des stériles miniers résultant des opérations minières d’extraction et des rejets de concentrateurs provenant des processus de traitement minéralogique. Comme on l’a mentionné, les stériles miniers, formés de roche concassée, ont une granulométrie très étalée comportant surtout des particules de la taille des sables et des graviers, alors que les rejets de concentrateurs ont une granulométrie dominée par les fractions silteuses et sableuses (Aubertinet al., 2002).
Notons ici que pendant que la mine opère, il y a pompage de l’eau et rabattement de la nappe au niveau du fond de la mine. Le remplissage par des rejets au cours ou à la fin de l'opération minière implique usuellement l'arrêt du pompage, et donc une remontée progressive du niveau d’eau dans les roches encaissantes et dans la fosse. Dans le cas présent, le modèle ne tient toutefois pas compte de la remontée de la nappe loin de la fosse, suite à la disparition du cône de rabattement résultant du pompage; ce rehaussement généralisé de la nappe pourrait amplifier les effets de la remontée d’eau dans la fosse, observée dans les simulations présentées ici, qui résulte seulement de l’alimentation par les précipitations locales.
3.1 Caractéristiques hydrogéologiques des matériaux
La granulométrie des roches stériles et des rejets de concentrateurs affecte leurs principales propriétés hydrauliques, soit la conductivité hydraulique et la courbe de rétention d’eau. Les valeurs de la conductivité hydraulique saturée des stériles miniers peuvent varier de plusieurs ordres de grandeurs, selon la texture des matériaux et l’échelle de mesure (Aubertinet al., 2005). Leur pression d’entrée d’air est faible, car ces matériaux grossiers se désaturent aisément, sous faible succion. Par contre, les rejets de concentrateurs, qui sont fortement saturés initialement, ont une conductivité hydraulique saturée relativement faible (Aubertinet al., 2002), et ils sont plus à même de retenir l’eau par capillarité en condition non saturée.
Les fonctions hydriques des différents matériaux sont définies à partir de données expérimentales tirées de Aubertinet al. (2005) pour les stériles, de Cifuentes (2005) pour les rejets de concentrateurs et de Wang et Narasimhan (1985) pour le roc (substratum de la fosse). À partir de ces fonctions, les courbes de rétention d’eau représentant la variation de la teneur en eau volumique (ou du degré de saturation Sw) en fonction de la succion (pression d'eau négative) pour les rejets de concentrateurs, les roches stériles, le roc (matrice considérée comme poreuse) et les fractures présentes dans le massif rocheux ont été établies (Figure 2). Les paramètres du modèle de van Genuchten (1980) pour les différents matériaux sont résumés au tableau 1. Les courbes de la figure 2 montrent que lorsque la succion augmente, le roc demeure à un degré de saturation plus élevé que les rejets de concentrateurs et les stériles, à cause de sa plus faible porosité et de sa plus grande pression d’entrée d’air. Les stériles miniers montrent une pression d’entrée d’air ψa de l’ordre de 30 cm assez typique d’un matériau sableux (Aubertinet al., 2005), alors que la valeur de ψa des rejets de concentrateurs (aussi appelés résidus miniers) est nettement plus élevée. Le tableau 2 présente les principaux paramètres hydrogéologiques pour différents matériaux.
4. Résultats des simulations
Pour toutes les simulations, le niveau initial de la nappe a été fixé à l’élévation 220 m (soit 20 m au-dessus de la base de la fosse). Pour créer l’effet d’un gradient hydraulique régional, une charge hydraulique décroissante, variant de 220 m à 210 m, a été imposée à la base du modèle pour x (axe horizontal) variant entre -400 m et + 400 m (ce qui donne un gradient régional de 0,0125). Les frontières gauche et droite du modèle sont perméables à l’écoulement d’eau avec des charges hydrauliques fixées respectivement à 220 m et 210 m. La base du modèle est imperméable. Une recharge pluviométrique constante de 1,5 mm•j‑1 a été imposée en surface pour une période de dix jours suivie par une période de dix jours sans pluie, ce cycle est imposé en alternance sur une période totale de 20 ans. Pour simuler la migration des contaminants, une concentration constante unitaire a été fixée à l’intérieur de la fosse dans les rejets miniers. Une concentration initiale égale à zéro est imposée pour le massif rocheux. Le contaminant est non organique et non réactif, avec un coefficient de diffusion libre de 2 x 10‑9 m2•s‑1. Les différents paramètres de transport de contaminants sont présentés au tableau 3.
4.1 Fosse remplie avec des stériles miniers
Toutes les simulations ont été réalisées en permettant des conditions d’écoulement non saturé et en régime transitoire. Le code Gridbuilder V.5.6 (McLaren, 2005) a été utilisé afin de générer le maillage et le code Tecplot (Amtec, Inc. 2003) a été utilisé afin d’extraire et visualiser les résultats des simulations. Cette simulation a généré 8 128 noeuds et 7 906 éléments. Trois différents cas sont présentés ici : un premier cas avec un massif rocheux homogène (sans fracture), un deuxième cas avec un massif rocheux renfermant des fractures verticales, et un dernier cas avec un massif rocheux contenant un réseau de fractures orthogonales, horizontales et verticales.
4.1.1 Cas 1 : Massif rocheux homogène
Les figures 3 et 4 montrent les résultats de la simulation exprimés en pression d’eau et degré de saturation en fonction du temps et de la distance le long d’un axe horizontal situé à y = 280 m (à 20 m sous la surface). La figure 3 montre que la distribution initiale de la succion (pression négative) est linéaire et que la charge hydraulique varie de -60 m à -70 m (pour x entre -400 m et +400 m). Les précipitations entrainent une importante diminution de la succion ψ en fonction du temps, surtout dans le massif rocheux (non fracturé). La distribution de la succion demeure linéaire dans la fosse avec des valeurs sensiblement plus importantes du côté gauche du modèle en raison du gradient hydraulique régional.
Comme le montre la figure 4, le massif rocheux de faible porosité montre des valeurs du degré de saturation Sw élevées (entre 90 et 100 %), alors que les stériles miniers demeurent faiblement saturés (i.e, Sw ~ 28 %), à une valeur proche de la teneur en eau résiduelle. On peut aussi constater une augmentation du degré de saturation dans les stériles en fonction du temps avec des valeurs qui augmentent jusqu’à 38 %. Cette augmentation découle du remplissage progressif de la fosse par l’eau de pluie et les écoulements régionaux.
La figure 5 montre l’évolution des concentrations de contaminants en fonction du temps. Cette figure indique que les concentrations restent pratiquement constantes (valeur égale à l’unité) à l’intérieur de la fosse. La migration des contaminants est assez lente, mais elle progresse en fonction du temps et en profondeur, surtout du fait des précipitations. La faible valeur de la conductivité hydraulique du roc et le gradient hydraulique régional relativement faible font en sorte que le panache de migration des contaminants est presque symétrique de chaque côté de la fosse, et est peu influencé par le gradient. Cette faible conductivité hydraulique du massif (non fracturé) limite la progression du panache à environ 150 m (vers le bas) en 20 ans.
4.1.2 Cas 2 : effet de fractures verticales
Dans la deuxième simulation, des fractures verticales ont été introduites dans le massif rocheux. Toutes les fractures ont une ouverture constante de 0,3 mm. Elles sont localisées aux abscisses x = 350 m, 300 m, 250 m, 200 m, 150 m, 100 m, 40 m, -350 m, -300 m, -250 m, -200 m, -150 m, -100 m, -40 m et 0 m.
La figure 6 montre la variation de la succion ψ (pression négative) en fonction du temps et de la distance. Cette figure montre bien l’effet des fractures verticales sur la distribution de la succion. Initialement, la distribution de la succion est linéaire, mais, avec le temps, cette variation devient irrégulière. En présence des fractures, on peut remarquer que les variations de la succion sont moins importantes en comparaison avec le cas d’un massif rocheux homogène. La variation du degré de saturation en fonction du temps (non montrée ici) est très faible sur la période de 20 ans.
L’évolution des concentrations de contaminants en fonction du temps (Figure 7) montre une migration préférentielle des contaminants à travers le système de fractures verticales. Tel qu’il est illustré, les contaminants utilisent les fractures pour migrer plus rapidement et atteindre des profondeurs plus importantes. Les contaminants migrent principalement par le processus d’advection en raison de la plus grande conductivité hydraulique des fractures.
4.1.3 Cas 3 : Effet d’un réseau de fractures orthogonales
Un réseau de fractures orthogonales a été introduit dans le massif rocheux. Toutes les fractures ont une ouverture constante de 0,3 mm. Les fractures horizontales sont situées à y = 30 m, 60 m, 90 m, 120 m, 150 m, 180 m, 210 m, 230 m, 250 m, 270 m et 290 m (Figure 8). La figure 9 montre le résultat des simulations pour la pression d’eau en fonction du temps et de la distance. On peut noter que les fractures orthogonales amplifient l’effet des fractures verticales sur le réseau d’écoulement d’eau. La figure 9 montre que les variations de la succion d’eau ψ sont moins significatives ici, en comparaison avec le cas d’un massif rocheux homogène (et celui avec des fractures verticales). Les variations de la charge hydraulique à l’intérieur de la fosse sont très limitées ici (entre -64 m et -62 m, après 20 ans) par rapport au cas sans fracture (entre -65 m et -30 m). Les résultats obtenus pour le degré de saturation (non présentés ici) montrent que la variation est très faible dans le temps. Ainsi, un tel réseau de fractures orthogonales dans le massif rocheux favorise la désaturation du système, dû à un écoulement d’eau important à travers les fractures, puisque les précipitations ne sont pas assez importantes pour que l’eau puisse s’accumuler dans la fosse.
Les résultats relatifs à la migration des contaminants en fonction du temps (Figure 10) montrent une différence significative dans le panache de migration des contaminants par rapport aux cas 1 et 2. On note que la migration est plus marquée avec un transport de contaminants qui se fait essentiellement à travers le réseau de fractures.
La figure 11 montre la variation de la concentration en fonction du temps au point de coordonnées x = 200 m, y = 200 m. Cette figure montre une augmentation progressive de la concentration jusqu'à 0,8 kg•m‑3 après 20 ans. Ces résultats indiquent qu'un puits installé à cet endroit sera contaminé à un niveau d'environ 0,75 kg•m‑3 au bout de 10 ans. Les contaminants migrent plus rapidement dans le sens du gradient hydraulique régional. Un plan d’eau à proximité de la fosse serait à risque de contamination en présence de telles fractures dans le massif rocheux.
Afin d'estimer le contraste de perméabilité entre la matrice poreuse seule et la matrice avec les fractures séparées de 30 m, la valeur de la perméabilité équivalente (Keq) du massif rocheux a été calculée (Ben Abdelghani, 2009); pour le cas montré ici, la valeur de Keq est de l’ordre de 1,28 x 10‑6 m•s‑1. Il faut toutefois rappeler ici qu’une modélisation basée sur une perméabilité équivalente pour le massif fracturé produit usuellement des résultats très différents de ceux obtenus en présence de fractures. Comme le montrent les résultats présentés dans cet article, ces fractures constituent des chemins préférentiels pour l’écoulement de l’eau et la migration des contaminants, et cet effet ne peut pas, en général, être représenté correctement par l’approche du milieu poreux équivalent (Molsonet al., 2012).
4.2 Fosse remplie de rejets de concentrateurs
4.2.1 Cas 1 : Massif homogène
Dans le cas 4, la mine à ciel ouvert est remplie avec des rejets de concentrateurs (résidus miniers) qui ont une conductivité hydraulique à saturation nettement plus faible que celle des roches stériles, mais du même ordre de grandeur que celle du massif rocheux homogène. Les mêmes conditions initiales et aux limites (y compris les précipitations) que celles utilisées dans le cas 1 ont été fixées ici. Le massif rocheux entourant la fosse est homogène (pas de fracture). Les résultats obtenus pour la succion ψ et le degré de saturation Sw, en fonction du temps et de la distance le long d’une section horizontale située à y = 280 m, sont montrés aux figures 12 et 13. Sur ces figures on peut noter des fluctuations plus importantes de succion (ψ) et de Sw par rapport au cas 1. La figure 12 montre une diminution significative de la succion dans la fosse et dans le massif rocheux homogène.
Contrairement au cas 1, la variation de la succion est ici plus significative dans la fosse que dans le massif rocheux en raison d’une accumulation d'eau plus importante. La figure 13 montre ainsi une augmentation notable du degré de saturation Sw en fonction du temps dans les rejets de concentrateurs, avec des valeurs autour de 58 % après une période de 20 ans. Cette valeur est plus élevée que dans le cas d’une fosse remplie de stériles miniers. Le degré de saturation dans le massif rocheux varie ici entre 93 % et 100 %.
L’évolution de la migration des contaminants en fonction du temps est montrée à la figure 14. En comparaison avec le cas d’une fosse remplie de stériles miniers, la migration latérale est un peu plus importante. Le panache de contamination est toutefois relativement peu affecté par le gradient hydraulique régional après 20 ans.
4.2.2 Cas 2 : Massif fracturé
En introduisant un réseau de fractures orthogonales d’une ouverture de 0,3 mm (voir Figure 8 pour la disposition des fractures), on obtient les résultats du cas 5 montrés à la figure 15.
Comme pour le cas 3, les fractures ont à nouveau un effet très marqué sur la migration des contaminants. En effet, la figure 15 montre que les contaminants peuvent migrer plus rapidement à travers le réseau de fractures et atteindre ainsi des distances beaucoup plus importantes par rapport au cas d’un massif rocheux homogène (cf. Figure 14). Mais comme les rejets de concentrateurs sont moins perméables que les roches stériles, les contaminants ont tendance à sortir plus lentement de la fosse.
Une comparaison des concentrations en fonction du temps aux points (x = 130 m, y = 200 m) et (x = 145 m, y = 225 m) est présentée à la figure 16. Les résultats montrent que les concentrations sont plus élevées au point le plus éloigné de la fosse (x = 145 m, y = 225 m), mais qui est aussi plus proche d'une fracture que l'autre point (x = 130 m, y = 200 m) situé lui entre deux fractures. Ainsi, plus on se rapproche des diverses fractures, plus les concentrations peuvent être élevées et plus le risque de contamination sera grand (à un temps donné).
5. Discussion
Les résultats obtenus des différents cas de simulations ont permis de mettre en évidence l’effet de divers facteurs, incluant la nature des rejets et la présence d’un gradient hydraulique régional, sur le comportement d’une fosse symétrique sous différentes conditions d’écoulement. D’une façon générale, l’écoulement autour d’une fosse symétrique avec un gradient régional dépend essentiellement de quatre facteurs principaux :
l’intensité du gradient régional;
les conditions initiales et aux limites imposées;
les propriétés du matériau entreposé dans la fosse;
les propriétés du massif rocheux, et notamment la présence d’un système de fractures.
Pour une fosse remplie de stériles miniers, on peut tirer les observations suivantes :
-
pour les conditions de simulations imposées ici (assez typiques de celles rencontrées dans les régions minières du Québec) et pour le cas d’un massif rocheux homogène (non fracturé - cas 1), il y a une augmentation de la charge hydraulique en fonction du temps sous l’effet des précipitations. Cette augmentation est plus importante dans le massif rocheux que dans les roches stériles. La pression simulée augmente en fonction du temps avec des valeurs plus élevées à gauche qu’à droite de l’axe de symétrie sous l’effet du gradient hydraulique régional. L’augmentation de la pression (diminution de la succion) se fait à un taux relativement constant dans la fosse. Du fait du remplissage progressif, le degré de saturation augmente dans les stériles, avec des valeurs qui sont passées de 28 à 38 %. Le massif rocheux est nettement plus saturé, avec des valeurs du degré de saturation entre 90 et 100 %. Sous les conditions fixées, la migration de contaminants se fait surtout vers le bas (en profondeur). Le panache de contamination est pratiquement symétrique et est peu affecté par le gradient hydraulique régional.
Pour le cas 2 avec des fractures verticales (d’une ouverture de 0,3 mm), un écoulement préférentiel se développe à travers les fractures. L’augmentation de la charge hydraulique en fonction du temps est moins significative par rapport au cas homogène. Du fait de la grande conductivité hydraulique des fractures, l’eau s’écoule rapidement et ne s’accumule pas, ce qui limite la variation de la charge. Les variations du degré de saturation et de la pression sont également faibles.
La migration de contaminants devient plus importante par rapport au cas homogène. Les contaminants migrent en profondeur à travers les fractures verticales. En présence d’un réseau de fractures orthogonales (cas 3), les variations de la charge hydraulique, de la pression et du degré de saturation sont encore plus limitées par rapport aux cas 1 et 2. On note une certaine désaturation du système. La migration de contaminants devient plus importante et l’effet du gradient régional s’amplifie. Le panache de contamination est nettement orienté vers la droite, ce qui peut augmenter le risque de contamination latérale à proximité de la fosse.
Pour une fosse remplie de rejets de concentrateurs, on peut tirer les observations suivantes :
Pour les mêmes conditions de simulation que le cas d’une fosse remplie de stériles miniers et lorsque le massif rocheux est non fracturé (cas 4), il y a une augmentation de la charge hydraulique dans le massif et les rejets de concentrateur. Contrairement au cas d’une fosse remplie avec des stériles miniers (cas 1), l’augmentation de la charge est ici plus significative dans les rejets que dans le roc. Il y a une augmentation de la pression (donc diminution de la succion) et du degré de saturation en fonction du temps, surtout dans la fosse. Les rejets atteignent des valeurs de degré de saturation plus élevées que les stériles miniers, soit autour de 58 % après 20 ans. On note aussi que les contaminants migrent surtout en profondeur.
En présence d’un réseau de fractures orthogonales (cas 5), on note que la variation de la charge hydraulique dans le massif rocheux devient très limitée par rapport au cas d’un massif homogène. L’augmentation de cette charge se fait surtout dans la fosse, et ce malgré la présence des fractures.
Les variations du degré de saturation sont très faibles dans le massif rocheux, mais non négligeables dans la fosse. La migration de contaminants devient plus importante par rapport au cas homogène avec une migration préférentielle à travers le réseau de fractures orthogonales.
Cette migration est toutefois moins marquée que pour une fosse remplie de stériles. Le panache de contamination est moins orienté vers la droite (dans le sens du gradient). Ceci permet de dire qu’en présence d’un gradient régional, il y a moins de risque de contamination latérale lorsque la fosse est remplie avec des rejets de concentrateurs pour un massif rocheux homogène ou fracturé.
Pour tous les cas présentés ici (et d’autres présentés par Ben Abdelghani, 2009), les résultats obtenus montrent l’effet très significatif des fractures sur l’écoulement et le transport de contaminants autour de la fosse symétrique. On note ainsi que la présence de fractures peut entrainer une désaturation du système, ce qui limite la variation de la charge hydraulique dans le massif rocheux. Comme on pouvait s’y attendre, les fractures ont aussi un effet très significatif sur le transport de contaminants. En effet, les contaminants migrent préférentiellement à travers le réseau de fractures, de sorte qu’ils peuvent atteindre des distances plus élevées. L’ajout des fractures orthogonales amplifie l’effet du gradient régional et influence le panache de contamination qui est ainsi orienté dans le sens du gradient. Toute étude de l’écoulement et du transport de contaminants autour des rejets miniers entreposés dans un massif rocheux fracturé devrait donc être supportée par un effort afin de bien identifier et caractériser, du point de vue de ses propriétés géométriques et hydrodynamiques notamment, le système de fractures présent.
Le modèle HydroGeosphere utilisé afin de mener cette étude permet aussi de simuler l’écoulement de surface couplé à l’écoulement souterrain. Malgré ses qualités et avantages, certaines difficultés ont été rencontrées lors de son utilisation; mentionnons par exemple :
le code comporte des limitations au niveau de la géométrie des frontières et du maillage, et aussi pour l’orientation des fractures (qui doivent être orthogonales);
les résultats de calculs sont présentés dans une forme qui n’est pas facile à exploiter, ce qui nécessite l’utilisation d’un post-processeur (qui a ses propres limitations);
il a aussi été observé que certains paramètres qui contrôlent la convergence de la méthode utilisée par le code HydroGeosphere (Newton-Raphson) peuvent avoir une influence sur les résultats.
Il faut aussi rappeler qu’en conditions d’écoulement non saturé, les courbes de rétention d’eau et les fonctions de perméabilité jouent un rôle très important. Comme celles-ci sont souvent difficiles à obtenir pour le massif fracturé (roc et fractures), les résultats de simulations sont alors affectés par l’incertitude qui prévaut à cet égard (et non seulement par les incertitudes dues au code utilisé ici).
Mentionnons enfin qu'une étude paramétrique a été réalisée afin d'évaluer la sensibilité des résultats des simulations menées avec le code HydroGeosphere, selon les résultats obtenus pour diverses valeurs de paramètres clé (Ben Abdelghani, 2009). Ces analyses ont montré que les tendances observées ici reflètent bien l’importance des facteurs d’influence les plus critiques. La précision, la stabilité et la convergence numériques du code ont aussi été évaluées, sans que des problèmes puissent être décelés. Le code est donc jugé fiable, selon ces critères.
6. Conclusion
Cette étude numérique a permis de mettre en évidence l’effet de plusieurs facteurs affectant l’écoulement d’eau et le transport de contaminants autour d’une fosse remplie de rejets miniers dans un massif rocheux. Les simulations réalisées à l’aide du code numérique HydroGeosphere ont montrés que :
l’écoulement de l’eau et le transport de contaminants sont grandement affectés par le type de rejets placés dans la fosse, la nature des conditions initiales et aux limites imposées et les caractéristiques du massif rocheux avoisinant (homogène ou fracturé);
pour un massif rocheux homogène (sans fractures), l’eau a tendance à s’accumuler dans la fosse suite à l’infiltration. Ceci induit une augmentation de la pression d’eau (ou une diminution de la succion) en fonction du temps et une augmentation du degré de saturation dans la fosse et dans le massif rocheux;
quand un réseau de fractures est présent dans le massif rocheux, l’écoulement d’eau se fait préférentiellement le long des fractures. Ceci entraîne une certaine désaturation du système, surtout dans le massif. Les variations de la pression d’eau et du degré de saturation en fonction du temps sont alors moins prononcées;
la présence de fractures verticales ou d’un système de fractures orthogonales a un effet significatif sur le transport de contaminants. Les contaminants peuvent migrer plus rapidement à travers le réseau de fractures et atteindre des distances plus grandes, ce qui peut augmenter le risque de contamination des eaux souterraines ou des eaux de surface. Le panache de contamination est alors plus influencé par le gradient hydraulique régional. Le degré de fracturation du massif rocheux est donc un aspect important à considérer pour toute évaluation du transport de contaminants autour d’une fosse remplie avec des rejets miniers;
un gradient hydraulique régional peut avoir un effet non négligeable sur le réseau d’écoulement d’eau et sur le transport de contaminants. Les concentrations en contaminants sont plus importantes dans le sens du gradient régional. L’effet du gradient régional vient accentuer celui de la présence des fractures.
Cette étude a été menée afin de guider les entreprises et les organismes responsables de la gestion des rejets miniers dans le choix d’un mode d’entreposage approprié, durant l’opération de la mine et à la fermeture.
Parties annexes
Remerciements
Les auteurs de cet article tiennent à remercier les partenaires de la Chaire industrielle CRSNG Polytechnique-UQAT en environnement et gestion des rejets miniers (http://www.polymtl.ca/enviro-geremi/) pour leur support financier.
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