Résumés
Résumé
La technique d'épuration des eaux usées par chenal algal à haut rendement se distingue du lagunage traditionnel par un temps de séjour plus court, une faible profondeur, et une agitation mécanique constante. Cette agitation peut se faire soit par un jet d’eau, une roue à aube, ou encore un diffuseur d’air (air lift).
Une comparaison du comportement hydrodynamique entre deux systèmes d’agitation les plus souvent utilisés pour des installations de traitement des eaux usées de type chenal algal à haut rendement (diffuseur d’air et roue à aube) est proposée. La puissance énergétique consommée par ces deux systèmes d’agitation est comparée par rapport à des vitesses de circulation de l’effluent usuellement rencontrées dans ce type de filière de traitement des eaux usées. Les performances épuratoires relatives des deux systèmes sont aussi analysées.
Les résultats obtenus ont montré qu’en matière de consommation énergétique, le diffuseur d’air semble trois à cinq fois plus économique que la roue à aube. Cet avantage est confirmé aussi sur le plan des performances épuratoires puisqu’on a observé une meilleure élimination de l’azote total (NTK) et du phosphore en utilisant le système de diffusion d’air.
Les résultats de ce travail montrent qu’un bon fonctionnement du chenal algal peut être obtenu en utilisant le diffuseur d’air comme système d’agitation.
Mots-clés :
- chenal algal à haut rendement,
- diffuseur d’air (air lift),
- roue à aube,
- hydrodynamique,
- efficacité épuratoire
Abstract
The purification technique of wastewater by High Rate Algal Ponds (HRAP) is distinguished from the traditional lagoon by a shorter residence time, a shallow depth and constant mechanical agitation. This agitation can be done by a water jet, a paddle wheel, or an air lift. A comparison of the hydrodynamic behaviour of the two agitation systems most often used for wastewater treatment systems similar to High Rate Algal Ponds (air lift and paddle wheel) was undertaken. Power energy consumed by these two agitation systems is compared for typical effluent circulation rates usually encountered in this type of wastewater treatment process. The purification performances for both agitation systems are also analyzed.
The results showed that energy consumption using the air lift is about 3 to 5 times less costly than the paddle wheel. This advantage is also confirmed in terms of treatment efficiency since better removal of nitrogen and phosphorus using the air lift system is observed. This study shows that good functioning of the High Rate Algal Ponds can be obtained using the air lift as the agitation system.
Keywords:
- high rate algal ponds,
- agitation,
- air lift,
- paddle wheel,
- hydrodynamics,
- purification efficiency
Corps de l’article
1. Introduction
La technique d'épuration des eaux usées par chenal algal à haut rendement (CAHR) semble présenter plusieurs atouts aussi bien à l’échelle de l’efficacité épuratoire qu’à l’échelle des surfaces requises. Cette technique, proposée par Oswald et ses collaborateurs depuis les années 50, met en oeuvre un chenal fonctionnant en boucle. Il se distingue du lagunage traditionnel par un temps de séjour plus court, une faible profondeur, et une agitation mécanique constante.
Ce procédé est connu comme un véritable réacteur de cultures intensives d’algues. Il est basé sur l’interaction symbiotique entre les bactéries hétérotrophes et les algues produites (OSWALD, 1977) dont le but est d’accélérer le processus d’épuration en favorisant la production algale. Ce processus d’épuration est basé sur l’élimination de la charge organique et des nutriments (phosphore et azote). L’élimination du phosphore dans un chenal à haut rendement se fait par deux mécanismes : l’assimilation algale et la précipitation chimique (El HALOUANI et al., 1993; PICOT et al., 1991), tandis que l’élimination de la pollution azotée se fait par la volatilisation de l’ammoniac et par l’assimilation par la biomasse algale.
L’agitation dans un chenal algal est d’une importance capitale. Elle permet de faire circuler et de mettre l’eau en mouvement grâce à un jet d’eau, une roue à aube, ou encore un diffuseur d’air. Cette agitation permet également d’homogénéiser la colonne d’eau et empêche ainsi tout dépôt.
La caractérisation du mode d’écoulement d’un réacteur est indispensable car celui-ci a une incidence sur la cinétique des réactions ainsi que sur les processus pouvant avoir lieu au sein du réacteur (décantation, aération, etc.). Cette caractérisation ne peut se faire qu’à travers une étude hydrodynamique de l’installation de traitement. Cet écoulement hydrodynamique peut être approché par un modèle piston dispersif avec recirculation, comme cela a été montré sur des installations réelles à Rabat et Ouarzazate (EL OUARGHI et al., 2003).
Cependant, mis à part les études menées par ZOUHIR (2004), peu de travaux ont comparé les différents systèmes de mise en circulation du liquide, ainsi que leur influence sur l’hydrodynamisme des réacteurs. Pour cela, une comparaison de deux systèmes d’agitation, diffuseur d’air et roue à aube a été conduite dans une installation de taille réelle située dans la commune de Saada, Marrakech, au Maroc. De plus, une confrontation entre l’hydrodynamique du système et les performances opératoires a été réalisée.
Cette étude vise à :
Comparer des paramètres hydrodynamiques principaux (temps de circulation, vitesse de circulation, nombre de Péclet « Pe », coefficient de diffusivité axiale « Ezl », nombre de réacteurs en série « n ») pour les deux systèmes d’agitation, pour divers réglages, ainsi que la comparaison des deux systèmes au point de vue de la consommation énergétique;
La comparaison des performances épuratoires du chenal algal en fonction du système d’agitation utilisé sous les conditions climatiques semi-arides de la ville de Marrakech.
2. Matériel et méthodes
2.1 Site d’étude
La région de Marrakech se trouve à une altitude de 468 m par rapport au niveau de la mer. Dans cette région, les précipitations sous forme de pluie sont très faibles et restent en dessous de 300 mm•an-1 en plaine. Elles sont très irrégulières et présentent deux maxima, l’un en hiver (novembre-décembre) et l’autre au printemps (mars-avril). Les températures présentent une grande amplitude de variations journalières et saisonnières. Les températures maximales enregistrées sont très élevées. Les valeurs moyennes calculées sur une période de 20 ans sont de 11,5 °C en janvier et 28,8 °C en juillet avec des températures extrêmes de -3 °C en janvier et 48,1 °C en juillet.
2.2 Description de l’installation Saada Marrakech
Dans le cadre d’un projet d’optimisation et de valorisation d’une filière d’épuration des eaux usées par chenal algal conduit dans le cadre d’une coopération entre la Belgique et le Maroc, une station d’épuration des eaux usées par lagunage a été construite à Saada dans la banlieue de la ville de Marrakech. Il s’agit d’un CAHR équipé de deux systèmes d’agitation (diffuseur d’air et roue à aube) afin de mener cette étude comparative (Figure 1). Le même site abrite aussi une station météorologique.
Les caractéristiques du chenal algal sont résumées dans le tableau 1. Le diffuseur d’air est constitué d’une fosse de 16 m³, séparée en deux parties. L’injection de l’air est assurée dans une seule partie (4 m²) par un suppresseur Hibon type SF+H00 raccordé à 12 diffuseurs d’air à membrane perforée de type Bioflex III 750 placés à 23 cm du fond de la fosse (Figure 2). Un variateur de fréquence de type Lenze modèle Smd contrôle le moteur du suppresseur de manière à faire varier la fréquence d’alimentation et, de ce fait, le débit d’air dans le diffuseur d’air.
La circulation et l’homogénéisation de l’effluent dans le chenal de Saada peuvent aussi être assurées par une roue à aube munie de huit palettes de dimension (180 cm * 45 cm) entraînées par un moteur hydraulique type ORBITAL AS 25 d’une puissance de 4 kW, équipé d’un distributeur manuel PUNGER type 1-CEX SD5 pour pouvoir régler la vitesse de rotation de la roue (Figure 2).
2.3 Conditions opératoires
Dans le but de comparer l’hydrodynamique entre les deux systèmes d’agitation, le chenal a été d’abord alimenté par de l’eau claire. Par la suite, il a été alimenté par des eaux résiduaires réelles venant d’une agglomération urbaine. Ces eaux résiduaires ont subi un prétraitement (dégrillage et dessablage), puis un traitement primaire avant d’alimenter le chenal algal. Le débit d’entrée a été réglé pour garder un temps de séjour de six jours environ durant toute la période d’expérimentation. Sous ces conditions, un suivi des performances épuratoires du chenal avec les deux systèmes d’agitation a été réalisé.
2.4 Échantillonnage
L’évaluation des performances épuratoires du chenal avec les deux systèmes d’agitation est faite après une période de stabilisation du système correspondant à trois fois le temps de séjour après chaque changement des conditions d’agitation. Pour chaque système d’agitation, un échantillon ponctuel est prélevé et analysé mensuellement pendant la période estivale (mai-août).
2.5 Hydrodynamique
La caractérisation de l’écoulement dans le chenal est réalisée par un traçage au NaCl (150 kg). L’évolution de la conductivité est suivie au cours du temps avec une sonde de type YSI 6920. Les données de conductivité recueillies sont converties en concentrations « C » grâce à une courbe d’étalonnage préétablie.
Afin de comparer l’hydrodynamique des deux systèmes d’agitation, nous avons réalisé quatre essais de traçage en eau claire pour chacun des deux systèmes d’agitation. Nous avons travaillé à quatre débits d’air différents (26, 37, 59 et 82 Nm³•h-1) et quatre vitesses différentes de rotation de la roue à aube (2, 3, 4, et 5 tour•min-1).
Les puissances consommées par les deux systèmes ont été déterminées de la manière suivante :
Pour le diffuseur d’air, les courbes caractéristiques fournies par le fournisseur du suppresseur SF+H00 ont permis d’établir une corrélation entre la fréquence, la température de refoulement, la perte de charge déterminée au préalable, le débit d’air aspiré et la puissance consommée.
Pour la roue à aube, nous avons mesuré la pression et le débit de l’huile dans le circuit fermé entre le moteur hydraulique et la roue à aube. La mesure de pression était relevée sur un manomètre, tandis que le débit était mesuré par un débitmètre à ultrasons portable Panametrics modèle PT878. La connaissance de la pression et du débit dans le circuit hydraulique permet de calculer la puissance consommée.
2.5.1 Modélisation de l’écoulement hydrodynamique
Cette courbe C/C0 = f (t), avec C, la concentration du traceur (NaCl) et t, le temps obtenu lors de l’étude hydrodynamique a l’apparence d’une sinusoïde amortie lesquelles peuvent être modélisées par l’équation de Vonken (Éq. 1) (ZOUHIR, 2008).
avec :
θ : Temps réduit, (sans dimension); C : concentration en sel en g•L-1 à l’instant (t); C0 : concentration à la fin du traçage en g•L-1; Pe : nombre de Péclet (sans dimension); Uc : vitesse moyenne d’écoulement (m•s-1).
Dans cette expression, le nombre de Péclet règle l’amplitude des sinusoïdes et θ (temps réduit = t/temps de circulation) l’étalement de la sinusoïde. Pour étalonner le modèle, on fait correspondre la courbe expérimentale et la courbe de Voncken en faisant varier les deux paramètres (Pe et θ). L’ajustement a été réalisé avec un programme sous Matlab. Il s’agit d’un ajustement par moindres carrés avec une valeur de coefficient de corrélation proche de 1.
2.6 Paramètres mesurés et méthodes d’analyses utilisées
2.6.1 Température de l’eau, oxygène dissous, conductivité, pH et turbidité
La température de l’eau, la teneur en oxygène dissous, le pH ainsi que la turbidité sont enregistrés en continu à l’aide d’une multisonde (YSI 6920). Un étalonnage des différentes électrodes est réalisé d’une façon régulière.
2.6.2 Matières en suspension (MES)
Les matières en suspension sont déterminées selon la norme AFNOR NF T90-105. Après filtration d’une prise d’essai sur des filtres micropores préalablement séchés et pesés, ces filtres sont placés à l’étuve à 105 °C pendant deux heures, puis refroidis dans un dessiccateur. Par la suite, ils sont pesés. La différence entre poids humide et poids sec permet d’évaluer les MES.
2.6.3 Demande Chimique en Oxygène (DCO)
La demande chimique en oxygène (DCO) est déterminée sur des échantillons bruts et filtrés (sur des filtres de 0,45 µm de pores) selon la norme AFNOR NF T90-101. La DCO est une oxydation de la matière organique contenue dans l’échantillon par un excès de dichromate de potassium (K2Cr2O7), en milieu acide (H2SO4) et en présence de sulfate d’argent (Ag2SO4) et de sulfate de mercure (HgSO4). Après deux heures de minéralisation à 150 °C, on lit la densité optique à 620 nm.
2.6.4 Demande Biochimique en Oxygène (DBO)
La DBO5 exprime la quantité d’oxygène (mg•L-1) nécessaire à l’oxydation de la matière organique biodégradable par voie biologique en cinq jours à 20 °C et à l’obscurité. Elle permet donc d’exprimer la quantité de pollution organique biodégradable par respiration de la biomasse.
2.6.5 Phosphore total
Le phosphore total (PT) est déterminé selon la norme AFNOR NF T90-023 (sur un échantillon brut). Il est dosé après minéralisation du phosphore de l’eau en présence de persulfate de potassium en milieu acide à 150 °C pendant deux heures. Les différentes formes du phosphore sont ainsi transformées en orthophosphates (PO43-), qui sont dosés par la méthode colorimétrique des orthophosphates décrite ci-après.
2.6.6 Orthophosphates
Les orthophosphates (PO43-) sont déterminés selon la norme AFNOR NF T90-023 sur un échantillon filtré par méthode colorimétrique. Cette méthode repose sur la formation en milieu légèrement acide (2 < pH <7) d’un complexe phosphomolybdique avec le molybdate d’ammonium et le tartrate double d’antimoine et de potassium.
2.6.7 Azote total Kjeldahl
L’azote total Kjeldahl (NTK) est déterminé selon la norme AFNOR NF T90-110 (sur un échantillon brut). Il est dosé après minéralisation de l’azote organique en azote ammoniacal en milieu acide et en présence de catalyseur à base de sélénium. L’ammonium est ensuite évalué par acidimétrie après entraînement à la vapeur sur une unité de distillation.
2.6.8 Azote ammoniacal (NH4+)
L’azote ammoniacal est déterminé selon la norme AFNOR T90-015 sur un échantillon filtré par méthode colorimétrique au bleu d’indophénol.
2.6.9 Chlorophylle a
Dans cette étude, la chlorophylle a (chl a) a été choisie pour caractériser la biomasse algale. Elle est dosée selon le protocole expérimental décrit dans la norme AFNOR NF T90-117.
3. Résultats et discussion
3.1 Étude hydrodynamique
L’ensemble des courbes des essais de traçage par le sel sur la station de Saada présente plusieurs pics. Ce phénomène est le résultat de la recirculation des eaux (Figure 3).
Plusieurs informations peuvent être tirées de cette courbe (EL OUARGHI et al., 2000) :
Le temps de circulation Tc est défini comme le temps mis par un élément de volume pour parcourir une boucle dans le chenal. Ce temps de circulation correspond à l’intervalle de temps entre deux pics successifs de la courbe précédente;
La vitesse de circulation Uc (Uc = L/Tc; avec L, la longueur linéaire du chenal). Elle intervient dans le maintien d’une bonne homogénéisation du milieu.
Pour mieux exploiter ces données, un lissage a été effectué selon la méthode de Savitzky Golay (EDELINE, 1998) afin d’éliminer le bruit de fond expérimental. À partir de la courbe lissée, une dérivation est réalisée, toujours selon la méthode de Savitzky Golay (EDELINE, 1998) pour repérer les temps correspondant aux maxima de la conductivité (Tpic) et par la suite calculer le temps de circulation (Tc) comme suit :
Les tableaux 2 et 3 résument les résultats obtenus pour l’ensemble des essais de traçage des deux systèmes d’agitation étudiés sur le CAHR.
Les résultats obtenus montrent une diminution de temps de circulation Tc lorsque le débit d’air pour l’« air lift », ou la vitesse de la roue à aube sont augmentés. La vitesse de circulation, Uc, varie inversement par rapport au temps de circulation. Les vitesses de circulation calculées sont dans la gamme des vitesses optimales pour ce type d’installation de traitement des eaux usées.
L’ajustement des courbes expérimentales du traçage avec l’équation de Voncken (Éq. 1) nous a permis de déterminer le nombre de Péclet (Pe) caractéristique de l’hydrodynamique du réacteur algo-bactérien. À partir de la valeur du nombre de Péclet ainsi déterminée, on peut directement déterminer le coefficient de diffusivité axiale Ezl (m²•s-1) et aussi calculer le nombre de cuves parfaitement mélangées en série (n) correspondant au chenal (VILLERMAUX, 1995). Le coefficient de diffusivité axiale Ezl englobe le mélange dû à la diffusion et celui dû au transport par la turbulence. Théoriquement, ce coefficient Ezl tend vers l’infini lorsque le mélange est parfait et quand il est égal à 0, l’écoulement tend vers un modèle piston.
avec L : la longueur linéaire des chenaux parcourue par le liquide entre l’entrée et la sortie du réacteur (en m).
avec d : le nombre de dispersion (d = 1/Pe), sans dimension.
Les tableaux 4 et 5 résument les résultats obtenus, suite à l’ajustement par l’équation de Voncken. Le nombre de Péclet obtenu dans le chenal fonctionnant avec un diffuseur d’air ou avec la roue à aube est différent de celui observé dans d’autres installations de même type, à Ouarzazate (70) ou à Rabat (116,60) (EL OUARGHI et al., 2000). Ceci peut s’expliquer par une géométrie propre à chaque installation de CAHR.
Le nombre de dispersion « d » calculé est très faible et proche de zéro. Ceci nous a permis de dire que notre système se comporte macroscopiquement comme un réacteur piston dispersif avec recirculation. Ceci confirme les premières études menées sur des installations réelles à Rabat et Ouarzazate, qui ont montré que l’hydrodynamique de ce type de système peut être caractérisé par un écoulement de type piston dispersif avec un débit de recirculation élevé (EL OUARGHI et al., 2000).
3.2 Comparaison de la consommation énergétique
La comparaison du point de vue de la consommation énergétique entre les deux systèmes d’agitation (diffuseur d’air et roue à aube) est réalisée pour les différentes vitesses de circulation de l’effluent. Pour cela, nous avons reporté sur un même graphique l’évolution de la puissance consommée en fonction de la vitesse de l’eau dans le chenal pour les deux systèmes d’agitation (Figure 4).
Comme on le constate clairement sur la figure 4, le système « diffuseur d’air » semble nettement trois à cinq fois plus économique que la roue à aube, et ceci pour des vitesses d’eau usuellement rencontrées pour des installations de ce type. Ce résultat va dans le même sens que RICHMOND et BECKER (1986) qui avaient estimé une consommation de la roue à aube de 600 W pour une surface de 100 m², et une consommation de l’« air lift » de 195 W pour une surface de 95 m², soit un rapport de 3 (ZOUHIR, 2008).
Le système « diffuseur d’air » peut présenter un autre avantage : ce système peut créer un type de mélange « écoulement hélicoïdal ». Ce type de flux est suggéré par MIHALYFALVY et al. (1998) pour empêcher des zones mortes dans les sections verticales.
Pour éliminer tout dépôt dans le bassin, il existe un système de rotation axial dans la direction de l’écoulement qui peut produire à la sortie un mélange systématique (RICHMOND et BECKER, 1986). Ce genre de mouvement Vortex peut être créé dans le cas de diffuseur d’air.
En matière de consommation énergétique et au point de vue du coût de fonctionnement des deux systèmes, le diffuseur d’air se révèle beaucoup moins cher bien que son coût d’investissement soit plus élevé (7 000 Euros) que celui de la roue à aube (2 000 Euros). En effet, sur un an environ, le gestionnaire récupère la différence. Toutefois, pour conclure sur le système le plus efficace, il faudra réaliser des essais de transfert d’oxygène pour les deux systèmes d’agitation.
3.3 Performances épuratoires
3.3.1 Charge organique
D’une manière générale, le CAHR ne semble pas avoir une efficacité remarquable en matière de réduction de la charge organique. Ceci a été démontré auparavant sur un chenal pilote (NACIR et al., 2010). Les teneurs en sortie du chenal en matière de DCO filtrée, DBO5 et MES (Figure 5) ne diminuent pas beaucoup, que ce soit avec la roue à aube ou le diffuseur d’air. Ceci s’explique par le fait que, dans ce genre de système, si on ne procède pas à une récupération des algues produites, on assiste à une sorte de transformation de la matière organique entrante sous forme de biomasse.
Donc, même avec le changement de système d’agitation, on n’assiste pas à une amélioration des performances épuratoires en matière de charge organique, malgré un léger avantage pour le diffuseur d’air. Concernant la DCO brute et les MES, on peut déduire que le mode d’agitation n’a pas beaucoup d’influence sur ces paramètres, bien que les réglages des systèmes d’agitation aient été effectués pour avoir presque la même vitesse d’agitation pendant l’expérimentation.
3.3.2 Nutriments
Les résultats obtenus montrent que le système présente une grande aptitude pour l’élimination des nutriments (azote ou phosphore) d’une façon générale, ceci quel que soit le système d’agitation utilisé (Figure 6).
Dans le CAHR, l’élimination de la pollution azotée se fait par deux voies qui sont la volatilisation de l’ammoniac, ou « stripping », et l’assimilation par la biomasse algale.
L’ammonium représente le produit final de la réduction de l’azote organique (BONTOUX, 1983). Cette forme d’azote (NH4) représente la part la plus importante de l’azote total. Donc les phénomènes d’épuration touchent d’autant plus les ions ammonium que les autres formes de l’azote avec des rendements de l’ordre de 56 % et 50 % respectivement avec la roue à aube et le diffuseur d’air (Figure 7). Sur le chenal d’Ouarzazate, qui présente presque les mêmes conditions climatiques que celles de Marrakech, on assiste à un rendement moins important de l’ordre de 41 %, sachant que ce chenal fonctionne avec une roue à aube (EL HAMOURI et al., 2003). Aucune différence entre les deux systèmes d’agitation en matière d’élimination d’azote ammoniacal n’est observée. Cependant, on note que le rendement remarquable d’élimination de l’azote total (NTK) quand le chenal est agité par le diffuseur d’air (70 %) dépasse largement celui enregistré avec la roue à aube. En Chine, CHEN et al. (2003) ont obtenu un rendement très proche en matière d’azote total (environ 76 %). Ceci est dû essentiellement à l’élimination des autres formes d’azote et surtout la volatilisation de l’ammoniac. Cette dernière consiste en un transfert de NH3 à partir de la solution aqueuse vers l’atmosphère. Cette forme d’azote devient dominante à des pH supérieurs à 9 (EL HAFIANE et al., 2003). Ce phénomène de « stripping » est contrôlé par plusieurs facteurs physicochimiques (pH, T°, etc.) et hydrodynamiques (conditions d’écoulement) du milieu aqueux (EL HALOUANI et al., 1993).
La volatilisation d’azote devrait être considérée comme le principal mécanisme d’élimination d’azote. Ceci montre que le rapport NH3/NH4 est en faveur de la forme gazeuse NH3, dans le chenal de Saada, qui présente des pH élevés suite à une activité algale intense qui s’accompagne d’une augmentation du pH (8 à l’entrée du CAHR et 8,9 à la sortie) suite à l’assimilation photosynthétique des bicarbonates. Également, la présence d’une agitation mécanique par le barbotage de l’air via l’« air lift » favorise ce transfert de NH3 de la solution aqueuse vers l’atmosphère.
En plus de cette volatilisation d’azote, on peut assister également à une assimilation algale de l’azote minéral. Cette assimilation dépend de l’activité biologique du système. Elle est affectée par la température, la charge organique et les caractéristiques des eaux brutes. La plupart des travaux effectués sur la nutrition algale ont montré que l’assimilation représente 7 à 10 % du poids sec des algues (PICOT et al., 1991).
Pour le phosphore total, le CAHR en élimine 31 % et 45 % respectivement avec la roue à aube et le diffuseur d’air, alors qu’en matière de PO4, il élimine 26 % avec la roue à aube et 44 % avec le diffuseur d’air (Figure 8). De ceci, on constate clairement que le chenal, quand il est agité par le diffuseur d’air, donne des rendements d’élimination supérieurs à la roue à aube. Sur le chenal d’Ouarzazate, on enregistre un taux d’abattement de 44 % pour le PO4 (EL HAMOURI et al., 2003). MOUTIN et al. (1992) ainsi que CHEN et al. (2003) ont pu obtenir des rendements très proches.
Dans le chenal, les pertes en phosphore peuvent être dues à trois facteurs : la sédimentation, l’assimilation et la précipitation. Le premier facteur peut être assimilé à une décantation qui dépend essentiellement de la taille des MES (EL HAFIANE et al., 2003). Dans le cas de cette étude et grâce aux systèmes d’agitation utilisés, l’impact de ce facteur sur les performances d’élimination du phosphore dans le CAHR est minime.
L’assimilation du phosphore par la biomasse est une voie d’élimination importante. Selon EL HAFIANE et al. (2003), elle contribue au prélèvement de 17 à 25 % du P admis dans le système. Il faut noter également que l’assimilation bactérienne contribue à la réduction du taux de P, surtout les orthophosphates, pendant le jour. Ce phénomène continue pendant la nuit surtout quand on utilise le diffuseur d’air comme système d’agitation car il continue de fournir de l’oxygène pendant cette phase où on a un arrêt de l’activité photosynthétique.
La précipitation chimique reste le processus le plus important dans l’élimination des composés phosphorés. Les ions phosphates révèlent une grande affinité avec les cations métalliques multivalents (Ca2+, Fe2+, Al3+). Cette affinité est contrôlée par le pH. En effet, pour chaque élément il y a un pH optimum de précipitation. Dans les domaines de 5 < pH > 6, 6 < pH > 7 et pH > 8, les phosphates précipitent avec le fer, l’aluminium et le calcium respectivement. Dans le chenal de Saada, on assiste toujours à une activité photosynthétique intense qui conduit à une augmentation du pH et, par conséquent, favorise la précipitation de P sous forme de phosphates de calcium. Les travaux d’EL HALOUANI et al. (1993) ont révélé que 92 % du phosphore contenu dans le dépôt recueilli après deux ans de fonctionnement est lié au calcium. Donc, on peut dire que cette précipitation est généralement corrélée positivement avec le pH et négativement inversée avec le calcium. Elle est donc très conditionnée par l’activité photosynthétique. Finalement, la différence nette observée entre les deux systèmes d’agitation au profit de diffuseur d’air est due en fait à l’activité photosynthétique importante dont témoignent les teneurs en « Chlorophylle a » enregistrées et qui sont de l’ordre de 2 et 3,8 mg•L-1 respectivement avec la roue à aube et le diffuseur d’air.
4. Conclusion
D’après les résultats obtenus, l’hydrodynamique du réacteur correspond bien à un modèle piston dispersif avec recirculation qui s’ajuste bien au modèle de Voncken. En matière de consommation énergétique, le diffuseur d’air semble bien être plus économique que la roue à aube.
Sur le plan épuratoire, l’utilisation du diffuseur d’air comme système d’agitation permet d’obtenir des performances supérieures à celles de la roue à aube, notamment pour l’élimination de l’azote par activation du processus de stripping », et pour l’élimination du phosphore par précipitation.
Les performances épuratoires obtenues par le diffuseur d’air sont dues essentiellement à l’activité photosynthétique intense observée avec ce système d’agitation et qui influence par conséquent tous les autres phénomènes épuratoires dans ce système de traitement des eaux usées.
De ceci on peut dire qu’un bon fonctionnement du chenal algal peut être obtenu en utilisant le diffuseur d’air comme système d’agitation, mais il faudra encore faire des essais de transfert gazeux et notamment de transfert d’oxygène pour conclure lequel des deux systèmes étudiés est le plus efficace.
Parties annexes
Remerciements
Ce travail a bénéficié du soutien de :
• Projet d’Initiative propre (PIP), Maroc/Belgique, 2003-2007. Optimisation et valorisation d’une filière d’épuration des eaux usées par chenal algal, entre le Pôle de Compétences Eau et Environnement (Université Cadi Ayyad) et l’Université de Liège.
• Projet de coopération entre le Maroc et la Communauté Française de Belgique. Développement des technologies économiques de traitement des eaux usées à forte valeur ajoutée. 2009-2011, entre le Pôle de Compétences Eau et Environnement (Université Cadi Ayyad) et l’Université de Liège.
• Projet fédérateur du Pôle de compétences Eau et Environnement (PC2E-Maroc).
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