Revue des sciences de l'eau
Journal of Water Science
Volume 18, numéro 3, 2005
Sommaire (6 articles)
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L'impact des prélèvements d'eau pour l'irrigation sur les régimes hydrologiques des sous-bassins du Tescou et de la Séoune (bassin Adour-Garonne, France)
G. Galéa, B. Vasquez-Paulus, B. Renard et P. Breil
p. 273–305
RésuméFR :
Les besoins en eau pour l'irrigation des cultures des sous-bassins du Tescou et de la Séoune (Bassin Adour-Garonne) se sont considérablement accrus ces trente dernières années. Cela s'est manifesté, entre autres, par la création de très nombreuses retenues collinaires. Pour le sous-bassin du Tescou, aux crues rapides et peu volumineuses, on totalise 184 retenues individuelles dont le volume théorique cumulé s'élève à 4,3 Mm3 et qui interceptent environ un tiers (92 km2) de sa superficie (287 km2). Pour la Séoune, la pression due à l'usage de l'eau pour l'irrigation est un peu moins forte, compte tenu de sa taille (463 km2) et d'une ressource relativement abondante en hautes eaux. Près de 160 retenues collinaires sont dénombrées, elle représentent un volume de stockage théorique de 6,5 Mm3 pour une superficie interceptée d'environ un quart du sous-bassin (122 km2). Le suivi hydrométrique des sous-bassins permet de disposer pour chacun d'eux d'une chronique de débit influencée Q(t) sur une période d'observation d'environ 30 ans. A partir des débits observés, notre objectif a été d'identifier et de quantifier l'impact anthropique pour trois composantes du régime hydrologique : crue, module et étiage. L'approche saisonnière des crues et modules a permis une différenciation de l'impact anthropique selon les saisons "hiver" (mois 12 à 6) et "été" (mois 7 à 11). Cette saisonnalisation hydrologique reflète bien le mode de gestion actuel de la ressource en eau de ces sous-bassins agricoles : stockage l'hiver et irrigation à partir des retenues collinaires durant les premiers mois d'été. Pour identifier l'impact, nous avons fait usage de tests de détection de rupture de stationnarité des chroniques hydrologiques : de LANG (2004) pour les crues et d'une adaptation du test de BOIS (1986) pour les modules et étiages des sous-bassins. Pour ce qui concerne les crues d'été et les modules d'été les tests montrent que les chroniques sont stationnaires sur l'ensemble de la période d'observation. Pour les crues et les modules d'hiver par contre, les tests relèvent des ruptures de stationnarité des chroniques qui vont nous permettre de définir des sous-périodes stationnaires. Ces sous-périodes sont sensiblement cohérentes avec l'évolution des prélèvements théoriques cumulés de ces trente dernières années. L'analyse des ruptures de stationnarité menée sur les débits a été de même effectuée sur les pluies pour consolider nos résultats. La stationnarité des chroniques de pluie observées montre qu'il n'y a pas de composante climatique, autrement dit que la tendance détectée sur les débits est essentiellement d'origine anthropique. Il ne semble pas y avoir d'impact des éventuels pompages sur les débits d'étiage et tout particulièrement pour ce qui concerne la norme VCN30 "débit moyen minimum annuel sur 30 jours consécutifs" des deux sous-bassins. Finalement, l'usage de l'eau pour l'irrigation affecte essentiellement les crues et les modules de la saison hiver. Un essai de quantification de cette tendance a été menée à partir d'une analyse statistique associant les observations des sous-périodes stationnaires et les débits simulés pour une même référence pluviométrique. A partir des modélisations statistiques réalisées et des courbes de pression des besoins théoriques de l'irrigation, nous en avons déduit une tendance vraisemblable sur les quantiles de crue et les modules d'hiver. De manière générale, les crues de la saison hiver des deux sous-bassins sont fortement réduites en pointe et volume par l'ensemble des petites retenues. L'impact observé sur les quantiles de crue reste cohérent par rapport aux volumes théoriques prélevés dernièrement référencés. Les retenues collinaires sont sans action significative sur le temps de transfert (19j environ) du sous-bassin de la Séoune dont les crues sont volumineuses. Pour le Tescou par contre, aux crues rapides et peu volumineuses, le temps de transfert augmente sensiblement de 8h entre l'état de prélèvement zéro ("naturel" : 1,73j) et l'état actuel proche de 6 Mm3 (2,07j). Pour ce qui concerne les modules d'hiver des sous-bassins de la Séoune et du Tescou le coefficient d'écoulement moyen d'hiver diminue respectivement de 31% en moyenne et de 42% en moyenne entre l'état "naturel" et l'état anthropisé actuel. Cette diminution des coefficients d'écoulement est sans commune mesure avec les volumes théoriques stockés à partir des retenues collinaires. Autrement dit, les volumes théoriques des retenues collinaires ne peuvent expliquer à eux seuls la forte diminution des coefficients d'écoulement observés. Cependant, la cohérence des divers contrôles effectués, tant sur les chroniques observées que sur les modélisations effectuées, nous incitent à valider ces résultats. Ceux-ci devraient être retenus pour des objectifs de gestion immédiats ou ultérieurs de la ressource, si les conditions climatiques et d'occupation du sol n'évoluent guère.
EN :
The water needs for farming irrigation in the Tescou and Séoune sub-basins (Basin Adour-Garonne) have increased considerably over the past thirty years. The needs were met, in part, by the creation of numerous reservoirs. For the Tescou catchment, with rapid but small-volume floods, we have 184 individual reservoirs with an accumulated theoretical volume of 4.3 Mm3, which intercept about a third (92 km2) of its surface (287 km2). For the Séoune catchment, the need for irrigation is a little less strong, considering its size (463 km2) and the presence of a relatively more abundant water resource. Close to 160 reservoirs can be counted, with a theoretical storage volume of 6.5 Mm3 for an intercepted surface of about a quarter of the sub-basin (122 km2). Hydrological monitoring data are available in the form of an influenced time series Q(t) with a period of observation of about 30 years for each sub-basin. From the observed discharges, our objective was to identify and to quantify anthropogenic impacts on three components of the hydrological regime: floods, annual mean discharge and low-flows. The seasonal approach of floods and annual mean discharges permitted a differentiation of the anthropogenic impact according to the "winter" (months 12 to 6) and "summer" (months 7 to 11) seasons. This approach reflects the present management of water in these agricultural sub-basins: storage in winter and irrigation during the first months of summer. To identify the impact, we used tests to detect stationnarity breaks in the time series: LANG (2004) for floods and an adaptation of BOIS (1986) for annual mean discharges and low-flows. For summer floods and summer annual mean discharges, the tests showed that the time series were stationary during the period of observation. For winter floods and winter annual mean discharges the tests showed stationnarity breaks in the time series, which allowed us to define the stationary sub-periods. These sub-periods were consistent with the evolution of the accumulated theoretical withdrawals during the last thirty years. The same analysis of stationnarity breaks made on flows was also done on rainfall to strengthen our results. The stationnarity of the rainfall observed over the time series shows that there is not a climatic component; in other words, the trends detected in the streamflow record are essentially of anthropogenic origin. For both sub-basins, the BOIS statistical test did not reveal any impact of possible pumping on the low-flows, and especially for the VCN30 norm (minimum annual mean flow over a period of 30 consecutive days).
Finally, the use of water for irrigation essentially affects winter floods and annual mean discharges. A test to quantify this trend was carried out with a statistical analysis associating the observations of each stationary sub-period and the discharges simulated for a similar rainfall. From the resulting statistical models and the curves of pressure of theoretical irrigation requirements, we deduced a probable trend for the quantiles of winter floods and mean annual winter discharges. In a general way, winter floods in both sub-basins were strongly reduced in peak and volume by the set of the small reservoirs. The impact observed on the flood quantiles remains coherent in relation to the theoretical withdrawal volumes referenced above. The reservoirs are without significant action on the transfer time (approximately 19 days) in the Séoune sub-basin, where the floods are voluminous. On the other hand, for the Tescou sub-basin, with rapid and small-volume floods, the time of transfer increases considerably (8 h) between the state of zero withdrawal (natural: 1.73 days) and the present state close to 6 Mm3 (2.07 days). Concerning winter annual mean discharge in both sub-basins, the winter mean runoff coefficient decreased 31% and 42%, for the Séoune and Tescou sub-basins respectively, between the natural state and the present state. This reduction of the runoff coefficients does not correspond to the theoretical volumes stocked in the reservoirs. In other words, the theoretical volumes of the reservoirs cannot completely explain the observed strong reduction of the runoff coefficients. However, the consistency of the various controls, both on the observed time series and the modelled results, lend credibility to the overall results. These results should be taken into consideration in water management, if the climatic conditions and soil occupation don't change.
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Les substances pharmaceutiques dans les milieux aquatiques. Niveaux d'exposition et effet biologique : que savons nous?
J. Garric et B. Ferrari
p. 307–330
RésuméFR :
Nous présentons ici une revue synthétique des récents résultats disponibles sur la présence, le devenir et les effets des principales familles thérapeutiques de médicaments à usage principalement humain, détectées dans les milieux aquatiques. Un exemple d'illustration du risque d'effet biologique, lié à la présence d'un ß-bloquant, le propranolol est présenté.
EN :
This paper reviews the recent data available on the exposure, fate and effects of human pharmaceuticals in aquatic ecosystems. Since the 1980s, pharmaceuticals have been detected in urban wastewater and receiving waters. More recently, some events have stressed the issue of the continuous presence of such compounds in the aquatic environment. Indeed, it is now well established that veterinary and human pharmaceuticals are widely measured in effluents, surface and ground water, and more rarely, in tap water. Measured concentrations normally vary in the µg/L to ng/L range. Some of these pharmaceuticals, such as steroidal hormones used as oral contraceptives, can be toxic at very low concentrations (ng/L) in several organisms (such as fish, amphibians or molluscs). Recent European regulations dealing with pharmaceutical environmental risk assessment, as well as the Water Framework Directive, have stimulated research on the issue of the pharmaceuticals in the environment.
Most available data deal with the occurrence of pharmaceuticals in various aquatic settings, but fewer data are available on the fate of these compounds, in particular in aquatic ecosystems, sediments and biota, or their toxic effects. Much of the latter information concerns acute lethal toxicity, as determined from acute testing on algae, invertebrates and fish in laboratory studies. These results tend to show that effects are most often detected at concentrations above 1 mg/L, i.e., higher than environmental exposure concentrations. Nevertheless, for some pharmaceuticals, recent ecotoxicological findings have shown a range of acute to chronic ratios (i.e., acute toxicant concentration divided by the no-effect concentration) covering several orders of magnitude. Indeed, recent results on sublethal toxic effects, such as the modification of reproduction or growth rates, or perturbations of fish metabolism, indicate that these effects can occur at much lower concentrations. Therefore, due to the continuous release of a mixture of numerous pharmaceuticals into aquatic ecosystems, and considering that these are biologically active compounds, possible long-term environmental effects cannot be excluded, even at low concentrations of exposure. Moreover, few data are currently available concerning the fate of pharmaceuticals, such as their ability to accumulate in sediment or to bioaccumulate in aquatic organisms.
A cumulative frequency distribution of surface water concentrations of carbamazepine, diclofenac, clofibric acid, propranolol and sulfamethoxazole shows that 90% of the available data exceed 10 ng/L, the threshold concentration above which an environmental risk assessment is required for human and veterinary pharmaceuticals. As an example, we present here a probabilistic risk assessment carried out for the widely detected ß-blocker propranolol. This assessment is based on the comparison between the exposure concentrations in surface water and the toxic effect concentrations, gathered from a literature survey. The results indicate that chronic toxic effects are likely to arise in aquatic species. They also highlight the need to improve the knowledge base, both for the behaviour and the fate of pharmaceuticals in wastewater treatment plants and the receiving aquatic ecosystems (e.g., sorption on particles, accumulation in sediment, biotic and abiotic degradation), and for toxic effects at low levels of exposure, using several levels of biological organisation, to improve the environmental risk assessment of pharmaceuticals.
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Régionalisation des modules annuels et des régimes d'étiage du bassin hydrographique de la Moselle française : lien entre modèles régionaux
G. Galéa et S. Canali
p. 331–352
RésuméFR :
Les modélisations régionales proposées sur les modules annuels et les débits moyens d'étiage des sous-bassins de la Moselle française devraient contribuer à l'amélioration des connaissances sur le fonctionnement physique actuel des hydrosystèmes. Elles s'inscrivent dans le contexte des directives de la loi Pêche et de la loi sur l'Eau et plus récemment de la Directive Cadre Européenne. Quarante neuf sous-bassins répartis en trois jeux ont permis de caler et valider un modèle régional des modules annuels et un modèle régional d'étiage. Dans le cas du bassin hydrographique de la Moselle française une certaine dépendance existe entre modèles régionaux dont la loi statistique choisie est la loi de Weibull à 2 paramètres. Une pseudo-dépendance est observée entre la loi régionale des modules annuels et la loi régionale des débits moyens d'étiage pour les années moyennes à sèches. Cette propriété va permettre en particulier l'usage d'une procédure simplifiée commune, établie à partir de la connaissance de jaugeages épisodiques d'étiage, pour l'estimation des descripteurs de débit d'un sous-bassin non observé : le module médian /qa et le débit quotidien minimal médian /vcnd=1. Pour le modèle régional d'étiage un deuxième descripteur local est nécessaire. Il s'agit d'un temps caractéristique d'étiage du sous-bassin ∆e (j) permettant de généraliser le modèle à toute durée d. Le concept débit-durée-fréquence QdF appliqué aux étiages exploite la convergence observée des distributions de différentes durées d et est indépendant de la loi fréquentielle choisie. Le caractère opérationnel de ces modélisations régionales dépend essentiellement de la précision d'estimation des descripteurs de débit du sous-bassin étudié /qa, pour les modules annuels et /vcnd=1 pour les étiages. Ces descripteurs de débit ont été estimés selon deux approches : l'approche classique par régression multiple et selon une approche simple de recherche d'un coefficient de tendance k entre jaugeages épisodiques d'étiage concomitants au sous-bassin étudié (pas ou peu d'observations) et au sous-bassin de référence (chronique de débit continue). Pour cela, un choix de cinq jaugeages d'étiage par an sur les douze dernières années en moyenne a été fait. Le descripteur de débit du sous-bassin étudié est ensuite déduit du produit de k par le descripteur de débit du sous-bassin de référence. Pour /vcnd=1, sb. étudié nous observons dans la majorité des cas une nette amélioration de l'estimation obtenue par régression, notamment une forte réduction des écarts les plus importants. Une similitude des classes de superficie entre sous-bassin étudié et sous-bassin de référence n'est pas exigée. La proximité géographique des sous-bassins semble donner de meilleurs résultats. En ce qui concerne le module médian /qasb. étudié, son estimation par régression multiple est assez performante. Parallèlement à cela, le coefficient k de tendance permet, de même que pour, une estimation cohérente de /qasb. étudié. Ce résultat un peu inattendu laisse supposer que la pseudo-dépendance observée entre modèles régionaux a bien une réalité physique. Nous avons insisté sur cette démarche "de régionalisation" nécessitant un faible investissement en mesures de débit des sous-bassins non observés par rapport au réseau national de suivi hydrométrique. Elle se présente à notre avis comme une alternative (ou complémentarité) intéressante aux méthodes de régionalisation à bases géostatistiques : telles que l'identification du voisinage hydrologique homogène du sous-bassin étudié ou encore la prise en compte de l'effet structurant du réseau hydrographique dans la cartographie du descripteur de débit. L'ensemble des connaissances relative à cette recherche est repris dans un Système d'Information Géographique pour répondre éventuellement à la demande.
EN :
Regional modelling of the annual mean discharge and average low-flow discharge of the French Moselle sub-basins should improve our knowledge of its hydrosystem functioning. These models are part of the directives of the Water Act and Fishery Act and more recently of the European Framework Directive. Forty-nine sub-basins divided into three groups were used to calibrate and validate a regional model of the annual mean discharge and a regional model of low-flow discharge.
A two-parameter Weibull distribution was used to represent the regional models of the Moselle catchment. Results show a relative dependence between the regional models. A pseudo-dependence was observed between the regional annual mean discharge model and the regional average low-flow discharge model for the average years to the dry ones. This property allowed us to use a common simplified procedure, established from the low-flow episodic discharge measurements, to estimate the flow descriptors of an ungauged sub-basin, namely the median annual mean discharge /qa and the median minimal daily low-flow discharge /vcnd=1. For the low-flow regional model a second local descriptor was necessary, the characteristic time of low-flow discharges of the sub-basin ∆e (j), which allowed us to generalize the model for every duration (d). The QdF flow-duration-frequency concept, applied to the low-flow discharge, is independent of the selected frequency law and uses the observed convergence of the distributions of various durations (d). The operational character of these regional models depends strongly on the accuracy of the estimation of the flow descriptors of the studied sub-basin (/qa for the annual mean discharges and /vcnd=1 for the low-flow discharges). These flow descriptors were estimated according to two approaches: a traditional approach based on multiple regression and a simple approach based on a trend coefficient (k) calculated between low-flow episodic discharge measurements that are concomitant between the studied sub-basin (no or few observations) and the reference sub-basin (time series of continuous discharges). A choice of five low flow discharge measurements per year over the last twelve years (on average) was made. Knowing the flow descriptor of the reference sub-basin, the flow descriptor of the studied sub-basin was then deduced from the trend coefficient k. For /vcnd=1, sb. étudié we observe in the majority of cases a significant improvement of the estimation obtained by regression, especially a net reduction of the most important variations. A similarity of the surface classes between the studied sub-basin and the reference sub-basin is not required. Geographical proximity of the sub-basins seems to provide better results. The estimation of the median annual mean discharges /qasb. étudié using multiple regression was rather impressive. In addition, the trend coefficient k established for the low-flow discharges allowed a coherent estimation of /vcnd=1, sb. étudié and /qasb. étudié. This quite unexpected result suggests that the observed pseudo-dependence between regional models has a physical reality.
The "regionalization" technique detailed herein does not require a significant investment in flow measurements of the ungauged sub-basin compared to the national hydrometric network. It is an interesting (or complementary) alternative to the regionalization approach based on geostatistical methods that, for instance, identify the homogeneous hydrological vicinity of each sub-basin or take into account the structuring effect of the hydrographic network in the cartography of the flow descriptor.
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Saisonnalité du transport de carbone organique dissous dans le ruisseau de l'Hermine, un bassin versant de tête de réseau du Bouclier Canadien
M.-C. Turmel, J. M.L. Turgeon, C. François et B. Cloutier-Hurteau
p. 353–380
RésuméFR :
Nous avons étudié la variabilité saisonnière de la relation entre les fluctuations des concentrations en carbone organique dissous (COD) dans le ruisseau de l'Hermine (Québec, Canada) et les changements du débit (Q). Un total de 93 événements hydrologiques échantillonnés de 1994 à 2003 et regroupés sur une base saisonnière (hiver-printemps, été, automne) a été analysé. Le modèle de régression linéaire est utilisé afin de déterminer, pour chaque événement, la pente de la relation entre la concentration en COD dans le ruisseau et le débit. Ces pentes sont regroupées par saison et selon un seuil arbitraire de un qui permet de contraster les conditions hydrologiques et climatiques initiales des événements répertoriés. Les résultats du test de Kruskal-Wallis, visant la comparaison entre les événements de pentes supérieures et inférieures à un, montrent clairement la saisonnalité de la relation entre le COD et le débit. La saisonnalité de la relation COD/Q est ensuite mise en relation avec des variables climatiques et hydrologiques susceptibles de conditionner le transport du COD dans le bassin de l'Hermine. Les résultats montrent que les changements saisonniers des conditions climatiques et hydrologiques dans le bassin versant ont un impact significatif sur la relation entre le COD et le débit. Ainsi, le volume de précipitation tombé durant l'événement, la température moyenne de l'air et la température du sol régissent significativement (p =0,041; 0,001 et 0,009 respectivement) le transport du COD pour la période hiver-printemps. Les basses températures du sol et l'apport élevé en eau via les précipitations et la fonte favorisent le lessivage intense du COD soluble déjà limité par les basses températures. Au cours de l'été, l'état initial d'humidité du bassin est le principal facteur contrôlant l'évolution des concentrations de COD lors d'une crue; les fortes relations avec le pourcentage d'humidité des sols et le débit total 24 h avant l'événement le prouvent (p =0,039 et 0,0003 respectivement). Les changements les plus prononcés du COD surviennent, au cours de l'été, suite à une période prolongée de sécheresse. À l'automne, le transport du COD est influencé par le volume de précipitation tombé durant l'événement (p =0,031) et la température du sol (p =0,042). La modélisation de la relation COD/Q par les variables hydro-climatiques montre que 40% de la relation COD/Q s'explique par la température du sol durant la période d'hiver-printemps. Durant l'été, les conditions initiales d'humidité du bassin, traduites par le débit 24 h avant l'événement, expliquent à 51% la relation COD/Q. À l'automne, la relation COD/Q est gouvernée à 50% à la fois par le volume de précipitation tombé durant l'événement et la température du sol. L'analyse de ces données établit clairement la saisonnalité de la relation COD/Q et que des variables climatiques et hydrologiques permettent de quantifier ces fluctuations saisonnières.
EN :
The terrestrial organic carbon (C) pool, estimated to 1.5 x 1015 kg C for the first meter of soil (Amundson, 2001), represents a major terrestrial elemental stock for which the recycling rate and the response to perturbations are still unknown. Under the present changing climatic conditions, C fluxes in terrestrial ecosystems could be significantly disturbed during the next decades. Indeed, the multi-annual changes in temperature and precipitation are likely to have a major impact on the net primary production and on organic matter decomposition in soils. This situation influences the production of the dissolved organic carbon (DOC) in soils, its transport to surface waters and hence, water quality. In this context, a better knowledge of the climatic and hydrologic factors influencing seasonal variations in DOC export is crucial to improve our understanding of the potential transformation of carbon stocks and fluxes in terrestrial ecosystems.
The objectives of the present study were 1) to evaluate the seasonality in the relationship between dissolved organic carbon (DOC) concentrations in the stream and streamflow (Q) and 2) to quantify the impact of seasonal changes in climatic and hydrological conditions in the watershed on the DOC/Q relationship.
The Hermine catchment is located about 80 km north of Montréal, Québec, Canada. An intermittent first-order stream drains the 5.1 ha catchment. Soils are Orthic and Gleyed Humo-Ferric and Ferro-Humic Podzols. The stream water was sampled daily, from 1994 to 2003, with an automatic sampler. The stream discharge was calculated from the water level above a 90º V-notch weir using a Global level sensor bubbler. Soil organic C content was analysed by the modified Walkley-Black method. Because of the high cost of DOC analysis for numerous samples, the DOC content was estimated by the relationship obtained between eight stream water samples analysed with a Shimadzu TOC analyser (Shimadzu, Kyoto, Japan) and the corresponding absorbance measured at 254 nm. From the initial year of the project, 1994, the regression used was Y=-0.05 + 32.60 X with an r2 value of 0.58 and a precision of 0.05 mg·L-1.
The relationship between the DOC concentration and Q at the Hermine was positive and significant (p < 0.01) when all data were considered (n=1960). Because of the weakness of this relation (r2 =0.12), the stream samples, from 1994 to 2003, were seasonally split into 93 distinct hydrological events: 33 for winter-spring, 34 for summer and 26 for fall. A linear regression model was used to determine, for each event, the slope of the relationship between the DOC concentrations in the stream and Q. To contrast the antecedent conditions of the Hermine watershed, the events from a given season were divided into two groups. The Kruskal-Wallis test was then used to establish the link between the slope of the DOC/Q relationships on the one hand, and the environmental watershed conditions on the other hand: the climatic variables (volume of precipitation during event, mean air and soil temperatures) and the hydrological variables (stream discharge 24 h before the event, soil moisture, and ground water level).
The DOC concentrations in the stream varied on an annual, a seasonal and an event basis. For the period 1994 to 2003, the annual mean concentrations, calculated from daily samples, varied from 2.0 to 2.5 mg DOC·L-1. On a seasonal basis, mean daily DOC was higher during the summer and the fall (2.9 and 2.8 mg DOC·L-1 respectively), and lower in the winter-spring (2.1 mg DOC·L-1). The relation between DOC concentrations and Q fluctuated as a function of the seasonal evolution of climatic and hydrological conditions in the Hermine catchment. For winter-spring events, 79% of the events had a DOC/Q slope lower than one. This period was characterised by high streamflow levels and high total DOC fluxes even though the daily mean DOC concentrations were low (2.1 mg DOC·L-1). The volume of precipitation during the event (p =0.041), the mean air temperature (p =0.001) and the soil temperature (p =0.009) were significantly related to the difference between events with slopes lower and higher than one. Indeed the slope of the relation increases when soil temperatures are elevated. When the temperatures are higher, DOC export increases and subsurface flow in soil horizon is enriched in DOC. Under colder temperature, the DOC production is limited and the soluble organic substances stored in soils are leached out the catchment with the high volume of precipitation and with the water coming from the snowmelt. For the summer period, there were 20 events with slopes greater than one against 14 with slopes lower than one. The soil humidity (p =0.039) and the total streamflow 24 h before the event (p=0.0003), were the two variables that significantly distinguished both slope groups. Rapid changes in DOC concentration occur during hydrological events following a long drought period. Under dry conditions, the subsurface flow in soil horizons rich in organic matter, the re-hydration of bed sediments and the hydrophobic behaviour of soil particles can all contribute to the export of very high DOC concentrations, even during small events. The relationships between DOC and Q, for the fall season, were significantly influenced by the volume of precipitation during the event (p =0.031) and the mean soil temperature (p =0.042). The events with the lower slopes showed the highest volume of precipitation during event and the lowest soil temperature. For these events occurring under wet conditions, the water originates essentially from the B and C horizons, and DOC fluctuations are then limited because of the low concentrations of the DOC in these horizons (anionic sorption of soluble organic substances by iron oxides).
Best-fit from multiple regressions indicated that 40% of the link between DOC and Q was explained by the soil temperature during the winter-spring period (p =0.0001). For summer, the streamflow 24 h before events accounted for 51% of the variation in DOC/Q relationships (p =0.00001). For the fall period, the volume of precipitation during event and the soil temperature both contributed equally to the DOC/Q relationships (p =0.001). From these results, obtained from a multi-year project, it is clear that the relation between DOC and Q is a function of the variability in the climatic and hydrological watershed conditions. In a context of global warming, it is possible that warmer air temperatures have an effect on soil temperature. Thus, during winter-spring and fall periods, the duration and the intensity of the DOC production in soils will increase and the export of DOC from the watershed to other surface water system could become more important under equivalent or higher streamflow. Higher air temperature also means higher evapotranspiration by the forest during the summer period, and consequently dryer watershed conditions. A low streamflow and a low soil humidity level could be expected and then, brief rain events will sporadically flush the soluble organic carbon accumulated in the soil. The DOC export would be insignificant for that period, but the DOC would reach the highest annual level. The new knowledge on the DOC/Q relationships, at the hydrological event scale, will be added to the accumulated data on the possible effects of global warming on the carbon cycle in forested ecosystems.
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Une contribution expérimentale à l'étude de l'érosion d'une digue par submersion et son analyse
N. E. Zerrouk et C. Marche
p. 381–401
RésuméFR :
Dans cet article, on décrit un essai réalisé sous conditions contrôlées en laboratoire concernant l'initiation et le démarrage de la rupture par submersion d'une digue de revanche homogène et en moraine, un matériel utilisé dans les ouvrages réels, de granulométrie étendue et sans cohésion.
Les résultats obtenus sur cette digue expérimentale ont montré que le mécanisme de formation et d'érosion de brèche est très différent du mécanisme global et moyen de développement et de progression de la brèche adopté dans les modèles courants de calcul des ruptures de barrages. L'essai souligne l'importance de la turbulence et des pertes de charge locales dans certaines zones spécifiques de l'écoulement et met en évidence le rôle de l'instabilité des parois latérales de la brèche dont la base est sapée continuellement.
L'essai a été stoppé à un moment précis, soit lorsque l'accroissement rapide du débit de rupture était confirmé, afin de préserver les caractéristiques géométriques précises de la brèche en cours de formation. Les données ainsi recueillies sur la rupture de la digue d'essai sont utiles à tout développeur voulant valider sa compréhension physique de l'érosion de brèche ou un outil de calcul visant à reproduire ce mécanisme. Le texte présente aussi une analyse comparative effectuée par un outil informatique de prévision, BRECHE, et la confrontation des résultats produits selon cinq méthodes publiées durant les dernières décennies et reconnues.
Une appréciation des résultats obtenus par prévision et des nombreuses données issues de l'essai réalisé sur le modèle en laboratoire est présentée et discutée.
EN :
It has been recognized for several decades that the reliability of forecasts for flooding downstream from a dam failure depends not only on the local topography but also on the failure mode of the dam, specifically on the breach outflow hydrograph. It is therefore of primary importance that the mechanism of formation of the breach is anticipated with an acceptable degree of accuracy. Several approaches to model this phenomenon have been reported in the literature, but the results from these models do not appear to be reliable when the predicted values are compared with those deduced from observations carried out on real or simulated dam failures. Each failure of a dam generates a particular form of hydrograph that will have a specific impact on the affected population. The most frequent cause of failure of earthfill and rockfill dams is by overtopping of the crest, although in rockfill dams initial piping failure followed by partial collapse of the crest resulting in breach initiation has been observed. Once initiation of a breach has occurred, continuous development until complete failure occurs is virtually assured if sufficient energy from the reservoir volume is available to sustain the breaching process. For this reason, breach formation is recognized as one of the essential factors in the modeling of a dambreak.
To anticipate the real hazard from dam overtopping, a predictive model for breach initiation and development would be extremely useful. Currently, the majority of dam safety studies assume a standard scenario for the breach formation, development and final failure based on some norms established as a result of regression analyses on some actual failures. Modeling of the breach and therefore prediction of the outflow hydrograph do not take into account specific local data on the construction techniques and soil properties, mainly because currently available methods that attempt to incorporate these factors still do not provide reliable results. To contribute to the understanding of the mechanism of breach formation and to determine the details of the process, a test of erosion failure was performed and documented at the Hydrodynamics Laboratory of the École Polytechnique de Montreal. This test, coupled with the subsequent development of a numerical model incorporating the interactions of the hydraulics-erosion process, has formed the basis of a doctoral dissertation, the principal objective being to reproduce as accurately as possible the mechanisms involved in the formation of a breach (ZERROUK, 2004; ZERROUK et MARCHE, 2004).
This paper describes a test carried out under controlled laboratory conditions on a homogeneous dam composed of moraine, a material used in the construction of real dams with an extended non-cohesive granulometry. The test simulated the initiation and the start of the failure by dike overtopping known as a " fuse plug " i.e. a dike that, during an event of exceptional rain or extreme inflow, would be used to limit the volume retained in the reservoir. The test, carried out on a laboratory scale but extrapolated to prototype dimensions without similarity considerations, nevertheless allowed identification of the various mechanisms that intervene in the breaching process.
The results obtained on this experimental dike showed that the mechanism of formation and erosion of a breach is quite different from the mechanisms assumed in standard methods of computation of the rupture. Current models give undue weight to a single failure mechanism, independent of lateral slope instability, surface erosion or shear stress energy. The laboratory test however indicated the importance of turbulence and erosion in certain specific zones of the flow and highlighted the role of sidewall instability at the base of the breach, which erodes continuously leads to lateral instability.
Currently, engineers attempt to predict breach outflow based on the formation of the breach using physical properties of the component material such as the angle of friction, the slope angle of the breach channel and a factor for the rate of growth of breach width. The present authors recognize major deficiencies in this approach such as the use of assumptions for the breach geometry, the progression of the rupture, the use of material transport expressions based only on shear stress considerations (FREAD, 1984c) or the use of empirical 'adjustment' factors influencing the erosion of compacted cohesive soils (SINGH et SCARLATOS, 1989).
The data acquired from the experimental dike were used in a data-processing tool for comparative analysis called BREACH, in which five methods for predicting the formation of a breach by overtopping of dams composed of granular material were programmed (ZERROUK, 2004; ZERROUK et MARCHE, 2001). Starting with the same data obtained from the laboratory test, each of the models was applied and the results discussed with respect to whether the principal factor for breach evolution that is presumed predominant for the breaching process in the model, corresponds in fact to the mechanism observed during the test.
The analysis highlights the factors, ignored in the current models, which may in fact explain the mediocre results obtained for the predictions. It indicates that the characterization of the breach geometry is the major uncertainty in these models, which result in peak outflows and corresponding times never being simultaneously predicted correctly.
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Estimation de la température de l'eau de rivière en utilisant les réseaux de neurones et la régression linéaire multiple
M. Bélanger, N. El-Jabi, D. Caissie, F. Ashkar et J. M. Ribi
p. 403–421
RésuméFR :
La température de l'eau en rivière est un paramètre ayant une importance majeure pour la vie aquatique. Les séries temporelles décrivant ce paramètre thermique existent, mais elles sont moins nombreuses et souvent courtes, ou comptent parfois des valeurs manquantes. Cette étude présente la modélisation de la température de l'eau en utilisant des réseaux de neurones et la régression linéaire multiple pour relier la température de l'eau à celle de l'air et le débit du ruisseau Catamaran, situé au Nouveau-Brunswick, Canada. Une recherche multidisciplinaire à long terme se déroule présentement sur ce site. Les données utilisées sont de 1991 à 2000 et comprennent la température de l'air de la journée en cours, de la veille et de l'avant-veille, le débit ainsi que le temps transformé en série trigonométrique. Les données de 1991 à 1995 ont été utilisées pour l'entraînement ou la calibration du modèle tandis que les données de 1996 à 2000 ont été utilisées pour la validation du modèle. Les coefficients de détermination obtenus pour l'entraînement sont de 94,2 % pour les réseaux de neurones et de 92,6 % pour la régression linéaire multiple, ce qui donne un écart-type des erreurs de 1,01 C pour les réseaux de neurones et de 1,05 C pour la régression linéaire multiple. Pour la validation, les coefficients de détermination sont de 92,2 % pour les réseaux de neurones et de 91,6 % pour la régression linéaire multiple, ce qui se traduit en un écart-type des erreurs de 1,10 C pour les réseaux de neurones et de 1,25 C pour la régression linéaire multiple. Durant la période d'étude (1991-2000), le biais a été calculé à +0,11 C pour le modèle de réseaux de neurones et à -0,26 °C pour le modèle de régression. Ces résultats permettent de conclure qu'il est possible de prévoir la température de l'eau de petits cours d'eau en utilisant la température de l'air et le débit, aussi bien avec les réseaux de neurones qu'avec la régression linéaire multiple. Les réseaux de neurones semblent donner un ajustement aux données légèrement meilleur que celui offert par la régression linéaire multiple, toutefois ces deux approches de modélisation démontrent une bonne performance pour la prédiction de la température de l'eau en rivière.
EN :
Water temperature is a parameter of great importance for water resources. For instance, modifications of the thermal regime of a river can have a significant impact on fish habitat. Therefore, understanding and predicting water temperatures is essential in order to help prevent or forecast high temperature problems. In order to predict water temperatures, data series are necessary. Many data series exist for air temperatures, but water temperature series are relatively scarce and those available are often short or have missing values. This study presents the modelling of water temperature using neural networks and multiple linear regression to relate water temperature to air temperature and discharge in Catamaran Brook, New Brunswick, Canada.
Catamaran Brook is a small stream (51 km2) where long-term multidisciplinary habitat research is being carried out. Many variables can impact water temperatures in a river, such as air temperature, solar radiation, wind speed, discharge, groundwater flow, etc. For this study, only air temperature and discharge were used. These were judged to be the most often available parameters for modelling temperatures in rivers, and to have the greatest impact on water temperature. More precisely, input variables included current air temperature (°C), air temperature of the previous day (°C), air temperature two days earlier (°C), discharge (m3 /s) and a trigonometric function of time (days). Data used for the analysis were from 1991 to 2000. Data from 1991 to 1995 were used to calibrate the model while data from 1996 to 2000 were used for validation purposes. Observed and predicted water temperatures for each model were presented for the calibration data and the validation data. The coefficient of determination, R2, was used to compare the efficiency of both models as well as the residual standard deviation and the bias. This is equivalent to basing the comparison on the standard deviation (or variance) of the residuals. Coefficients of determination for calibration were 94.2% for the neural networks and 92.6% for the multiple linear regression, which correspond to a residual standard deviation of 1.01°C for the neural networks and of 1.05°C for the multiple linear regression. For validation, coefficients of determination were 92.2% for the neural networks and 91.6% for the multiple linear regression, which correspond to a residual standard deviation of 1.10°C for the neural networks, and of 1.25°C for the multiple regression. The overall bias during the study period (1991-2000) was calculated at +0.11°C for the neural network model and at -0.26°C for the regression model. Results indicated that it was possible to predict water temperature for a small stream using air temperature, flow and time, as input variables, with neural networks and multiple linear regression. The residual series obtained by both models were very similar. Of the two models, neural networks gave slightly better results in terms of fit, but the small difference in results lets us believe that both approaches are equally good in predicting stream water temperatures.