À la manière du Monsieur Jourdain de Molière qui faisait de la prose sans le savoir, le discours sur l’éducation cache souvent des concepts sociologiques. Quand on explique, par exemple, les inégalités scolaires par la différenciation du « bagage familial » des enfants, les sociologues qui connaissent les concepts de Pierre Bourdieu y voient un habitus et des capitaux plus ou moins bien adaptés aux attentes de l’école. Or, l’univers conceptuel de Bourdieu peut paraitre plutôt abscons pour plusieurs. Pour y remédier, la lecture de l’ouvrage de Simon Lemoine s’avère fort instructive et éclairante pour qui souhaite se familiariser avec le mythique sociologue. À propos de l’utilité de cet ouvrage, Lemoine explique que le fait de détenir les outils qui servent à mieux comprendre notre situation dans le monde social permet de s’affranchir de l’aliénation et de reprendre du pouvoir sur son existence. « Constat qui, malgré les apparences, n’a rien de désespérant : ce que le monde social a fait, le monde social peut, armé de ce savoir, le défaire » (p. 22). L’école peut d’ailleurs constituer un instrument d’aliénation. Cet extrait illustre bien la langue claire de Lemoine quand il explique la reproduction chez Bourdieu : « l’éducation préserve l’ordre établi. Les rapports de force entre les hommes sont structurés ; ces rapports de force sont reproduits par l’éducation, c’est-à-dire que non seulement ils sont défendus par elle, mais encore qu’elle en assure la perpétuation » (p. 147). L’ouvrage se structure autour de 16 courts chapitres. Après une brève introduction et quelques éléments biographiques sur Pierre Bourdieu, un chapitre discute de l’utilité du savoir sociologique. Par la suite s’enchainent différents thèmes ou concepts de la sociologie bourdieusienne : la violence symbolique, la domination, le champ, l’illusion et le capital, l’habitus, le corps, l’argent, les schèmes et le sens pratique, le langage, la reproduction, la liberté, la représentation des classes sociales et l’aliénation et la distinction et finalement les classes sociales et l’espace social. Les chapitres qui exposent ces concepts adoptent tous la même structure. D’abord, on peut lire un extrait textuellement cité de Bourdieu, après quoi Lemoine ferme les guillemets pour s’affairer à rendre explicite la pensée du sociologue, souvent touffue. Il réussit très bien à vulgariser les concepts. Comme le titre l’annonce bien, ce procédé permet de bien découvrir Bourdieu. Évidemment, pour le lectorat rompu à la lecture du sociologue français, cet exercice peut permettre de réviser des concepts ou même d’en saisir certaines nuances, mais l’exercice se destine d’abord et avant tout au lectorat novice. L’agencement des thèmes n’apparait pas tout à fait logique au premier regard. En effet, il semble singulier d’amorcer la présentation des concepts par la violence symbolique. D’abord par la complexité du concept, mais surtout parce qu’il en sous-entend d’autres qui ne sont pas encore présentés. En effet, pour bien comprendre la violence symbolique, il faut connaitre l’habitus, le champ et les capitaux qui mènent plus logiquement à ce processus d’imposition d’un arbitraire qu’est la violence symbolique. L’ordre actuel des chapitres exige des allers-retours du début à la fin du livre, comme dans le chapitre sur la violence symbolique. Dans ce chapitre, Lemoine nous réfère à la reproduction sociale, à la fin du livre. Ce désagrément de lecture n’a rien de majeur, il ne fait que forcer le lectorat à une lecture plus dynamique, moins linéaire, si on veut le voir positivement ! En somme, la lecture de cet ouvrage semble fort pertinente pour qui s’intéresse à l’éducation, même si le thème peut sembler loin des préoccupations pédagogiques. En effet, ce livre donne accès à une pensée complexe qui offre des outils …
Lemoine, S. (2020). Découvrir Bourdieu. Éditions sociales
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Frédéric Deschenaux
Université du Québec à Rimouski
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