Recensions

Chartier, R. (2022). Cartes et fictions (XVIe-XVIIIe siècle). Collège de France

  • Kevin Péloquin

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  • Kevin Péloquin
    Université de Montréal

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Couverture de Volume 49, numéro 3, 2023, Revue des sciences de l’éducation

Dans cet essai consacré aux cartes dans les oeuvres de fiction publiées entre le 16e et le 18e siècle, l’historien et spécialiste de l’histoire du livre Roger Chartier propose une nouvelle interprétation de ces représentations géographiques et narratives des récits auxquels participent des héros·oïnes. En plongeant dans l’étude des cartes d’ouvrages connus comme Don Quichotte, Les Voyages de Gulliver, Robinson Crusoé et l’Utopie de Thomas More, pour ne nommer que ceux-ci, Chartier fait la démonstration que la présence des cartes géographiques dans les récits de fiction de cette époque assume des rôles variés, dont ceux de localiser des mondes imaginaires dans des lieux connus (pays), de produire un effet d’authenticité pour inviter les lecteur·rice·s à croire au récit et de nourrir l’imagination et le monde du rêve pendant l’expérience de lecture. En contextualisant chacune des cartes géographiques savamment choisies, l’auteur montre qu’elles apparaissent au même moment que sont conçues et diffusées celles des nouveaux et anciens mondes explorés par les Européen·ne·s, cartes qui représentent aussi une façon de rendre véridiques et authentiques les « conquêtes » européennes. Le gout pour les cartes géographiques dans les oeuvres d’imagination n’est pas étranger à ce besoin de faire coexister pays imaginaires et géographie authentique dans un même espace. Par ailleurs, la présence de ces cartes n’allait pas de soi, puisque leur intégration exposait les éditeur·rice·s à des enjeux techniques (gravure sur cuivre impliquant deux impressions) et économiques (augmentation des couts). Au-delà de l’étude de la production de ces cartes empruntant le lexique, les techniques et les conventions à la cartographie de cette période, c’est surtout l’analyse du rapport entre les représentations géographiques d’un lieu et le récit des chemins parcourus par les protagonistes de ces fables qui rend la lecture de cet ouvrage fort intéressant. Tout au long de la démonstration de l’auteur, nous nous demandons si la simple lecture d’un texte, sans carte, aurait pu suffire pour imaginer des parcours, des sentiments, des idées ou des convictions. Impossible de le savoir sans documents pour en faire la preuve. Néanmoins, la présence d’une carte dans ces récits du passé propose des éléments qui vont plus loin que le texte. La carte de fiction, comme le souligne Chartier, peut servir d’outil pour communiquer des émotions, du rêve et même des éléments de sens que le récit ne peut rendre. De ce constat, la carte de fiction peut être considérée comme une oeuvre d’art. Lorsque conçues pour raconter/représenter une réalité s’expliquant par les mots, les cartes de fiction peuvent avoir un effet sur notre représentation du vrai. Les cartes donnent ainsi l’impression de voir des parcours authentiques. Elles renvoient également les lecteur·rice·s à leur propre savoir et à leur expérience. Comme les illustrations, elles produisent des effets du réel. Elles permettent d’imaginer les actions d’un personnage campé dans des lieux vécus. Par exemple, dans Les Voyages de Gulliver, les cartes réalisées par des cartographes contribuent à renforcer le réel des localisations du texte. Même chose pour Robinson Crusoé. En fait, nous prenons conscience que l’utilisation de conventions associées au travail des cartographes de ce temps contribue à créer de la véracité dans une oeuvre de fiction. Ainsi, l’ouvrage de Chartier a la qualité de nous faire réfléchir à la carte comme un construit. Elle n’est pas neutre. En éducation, nous gagnerions à revoir avec une focale critique les cartes géographiques qui tapissent les pages des cahiers, des manuels scolaires et du matériel didactique produits par les maisons d’édition, puisqu’elles procèdent de la même manière que les cartes imaginaires, en tentant de convaincre les élèves de la véracité des …