Dans cet ouvrage facile à lire, le journaliste et écrivain français Christophe Boltanski emmène ses lecteur⋅rice⋅s dans la commune belge de Tervuren, connue depuis la fin du 19e siècle pour son musée colonial, lequel est aujourd’hui appelé AfricaMuseum. Le musée est né de la section coloniale de l’exposition universelle de 1897 et a été installé dans un imposant bâtiment néoclassique à partir de 1910. Tant pendant la période de l’État indépendant du Congo (1885-1908), au cours de laquelle une grande partie de l’Afrique centrale était la propriété privée du monarque belge Léopold II, que pendant celle où le Congo était une colonie belge (1908-1960), le musée a diffusé une image stéréotypée et coloniale des Congolais⋅es et de la nature congolaise. Cette image – propagée par une multitude d’objets ethnographiques, d’animaux empaillés, de photographies et de statues prétendant refléter la réalité – a perduré après la décolonisation formelle du Congo belge en 1960. L’exposition permanente est restée une expression largement inchangée de la propagande coloniale. En raison des critiques croissantes à l’encontre du « dernier musée colonial du monde » (p. 46), l’institution a fermé ses portes pour rénovation en 2013, avec la décolonisation comme objectif principal. Le musée, rouvert en 2018, est le point de départ du récit de Boltanski. King Kasaï, qui fait partie de la série Ma nuit au musée, raconte la nuit de l’auteur à l’AfricaMuseum et guide ses lecteur⋅rice⋅s à travers les salles rénovées. Il raconte des histoires sur les objets exposés, leur origine et leur signification. L’auteur complète la description très authentique des salles et des objets par une mise en contexte historique minutieuse. Les passages où il fournit le contexte alternent avec un récit plus personnel et prosaïque, guidé par les expériences sensorielles de l’auteur lors de sa visite. En outre, il compare l’exposition ancienne et renouvelée du musée et analyse comment cette dernière tente de se défaire du joug colonial, « délivré de ses préjugés et de son lourd passé » (p. 47). Ce faisant, Boltanski ne se limite pas à l’histoire coloniale, mais en explore aussi la mémoire. Il note à juste titre que le musée constitue « les soubassements de notre mémoire » (p. 61) : il a joué un rôle crucial dans la formation de la mémoire de la Belgique sur son passé colonial. La rénovation du musée était avant tout une tentative de faire évoluer cette mémoire dans une autre direction. Une toute nouvelle exposition permanente, sous-tendue par un réflexe autocritique et une multitude de voix et de perspectives, en témoigne. Cette tentative n’a pas échappé à Boltanski qui, à l’instar d’autres intervenant⋅e⋅s dans le débat public et académique, n’hésite pas à la critiquer. De manière parfois humoristique, mais surtout légèrement ironique, l’auteur expose les paradoxes qui ont accompagné la rénovation du musée et la décolonisation qui l’a accompagnée. Cela est évident en particulier lorsque l’auteur parle des statues stéréotypées qui reflètent une vision coloniale. Le musée a placé certaines d’entre elles dans un « dépôt de statues ». Bien que, selon l’institution, elles « n’ont pas leur place dans l’exposition permanente actuelle » (p. 45), le dépôt est le premier espace auquel la visite se heurte : Le musée a fourni un contrepoids artistique à certaines statues similaires qui ne pouvaient pas être déplacées en raison des règlementations en matière de patrimoine. Là encore, l’auteur est critique : Dans le passé, le projet colonial européen en Afrique a souvent été présenté dans la culture historique occidentale comme l’ouverture d’un continent « sombre » à « civiliser ». Boltanski se débarrasse de ce mythe. Il démonte …
Boltanski, C. (2023). King Kasaï. Stock
…plus d’informations
Brent Geerts
KU Leuven
L’accès à cet article est réservé aux abonnés. Seuls les 600 premiers mots du texte seront affichés.
Options d’accès :
via un accès institutionnel. Si vous êtes membre de l’une des 1200 bibliothèques abonnées ou partenaires d’Érudit (bibliothèques universitaires et collégiales, bibliothèques publiques, centres de recherche, etc.), vous pouvez vous connecter au portail de ressources numériques de votre bibliothèque. Si votre institution n’est pas abonnée, vous pouvez lui faire part de votre intérêt pour Érudit et cette revue en cliquant sur le bouton “Options d’accès”.
via un accès individuel. Certaines revues proposent un abonnement individuel numérique. Connectez-vous si vous possédez déjà un abonnement, ou cliquez sur le bouton “Options d’accès” pour obtenir plus d’informations sur l’abonnement individuel.
Dans le cadre de l’engagement d’Érudit en faveur du libre accès, seuls les derniers numéros de cette revue sont sous restriction. L’ensemble des numéros antérieurs est consultable librement sur la plateforme.
Options d’accès