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Les questions théoriques auxquelles l’autorat répond sont les sept titres de chapitre de la partie 1, « Critiques d’idées reçues » ; les questions pratiques, les quatre de la partie 2, « Pédagogie ». Leur somme brosse un portrait exhaustif de l’enseignement explicite.
On y argumente d’abord – à travers une histoire partielle et partiale de la recherche éducationnelle – que la base de savoir qui fonde une discipline, si elle n’est pas encore consensuelle en éducation, se constitue peu à peu. Après avoir argumenté contre la tyrannie du contexte, on critique le fétichisme de la diversité, qui se manifeste dans l’appel impératif à varier ses méthodes pédagogiques. S’ensuit une défense et illustration des données probantes en éducation, puis on présente les limites des communautés d’apprentissage professionnelles sur la base de l’idée qu’échanger ne suffit pas à dépasser une ignorance commune. On documente l’effet neutre, voire nocif de l’enseignement virtuel. On présente la cristallisation du terme d’« enseignement explicite » par exclusion des adjectifs « direct », « efficace » et « systématique », puis la différence entre son principe et celui de l’« enseigner plus explicitement » appliqué en France.
Dans une deuxième partie – au ton moins polémique –, un chapitre est dédié à l’importance clé de la rétroaction en éducation. Un autre traite des modalités optimales de consolidation des apprentissages. L’avant-dernier concerne l’enseignement explicite des comportements et présente un système de réponse à l’intervention visant à les optimiser à l’échelle scolaire. Enfin on se demande de quelle manière l’enseignement explicite pourrait bonifier l’enseignement magistral, inévitable à l’université.
La plupart des chapitres sont des articles publiés ailleurs. Leur collection en recueil ne serait pas un problème s’il n’en ressortait une impression de courtepointe inégale et un certain agacement face aux redondances d’un chapitre à l’autre. Malgré ce léger accroc à la fluidité de lecture, le propos est tout à fait pertinent au champ de l’éducation.
La synthèse du développement de la recherche quantitative en éducation sera surtout utile au monde francophone, qui la connait moins pour y avoir moins adhéré que le monde anglophone (et surtout les États-Unis, ses principaux promoteurs). L’autorat fait le pari que la résistance des facultés d’éducation à l’enseignement explicite ne sera dépassée que par une curiosité à son égard de la part des nouvelles générations d’enseignant⋅e⋅s : on sent donc que c’est son public cible. Il l’atteint bien par sa concision, son ancrage dans la pratique et un appareillage conceptuel qui n’effraiera pas des étudiant⋅e⋅s du premier cycle universitaire. Des références nombreuses, diversifiées et pertinentes leur donneront de plus un bon exemple de rigueur scientifique.
Les étudiant⋅e⋅s des deuxième et troisième cycles y trouveront aussi leur compte, tout comme des chercheur⋅se⋅s plus avancé⋅e⋅s qui auraient tardé à s’informer des bases de leur discipline. À celles⋅ceux qui auraient trop vite adhéré à la conception négative de l’enseignement explicite que l’ouvrage tente de déconstruire, il offre une excellente occasion de découvrir ce qui se cache derrière l’épouvantail. Encore leur faudra-t-il, pour pouvoir en profiter, être resté⋅e⋅s ouvert⋅es à l’apprentissage, ce qui n’est paradoxalement pas toujours le cas des théoricien⋅ne⋅s et praticien⋅ne⋅s de l’éducation…
Les argumentaires déployés dans cet ouvrage confronteront sans doute toutes les personnes, apprenantes ou enseignantes, qui conçoivent l’éducation de manière non scientifique. Aussi, vu l’enthousiasme avec lequel les éducateur⋅rice⋅s ont adopté la notion de pratique réflexive de Schön, le fait que le recueil revienne à de nombreuses reprises sur ses limites, soutenant qu’elle peut finir par tourner à vide, dérangera probablement. De même son appel à la prudence quant à l’utilisation des technologies en contexte scolaire, dans un contexte où le numérique est parfois présenté comme une panacée éducationnelle, les rebutera-t-elle⋅il sans doute. Pourtant, sur tous ces sujets, les statistiques mobilisées par l’autorat forcent à s’incliner… quitte à devoir se désenchanter.
L’affirmation de l’existence d’une « vision étriquée de l’épistémologie si fréquente dans les facultés d’éducation » (p. 122) que diagnostique l’autorat comme une des causes de la résistance aux données probantes mérite d’être tempérée. Ou plutôt, il faut préciser qu’elle ne se trouve pas seulement dans le camp de « qui oppose de manière caricaturale un empirisme positiviste naïf au discours constructiviste », mais aussi chez celles⋅ceux qui font « usage de données probantes ». Considérant que ce débat concerne 1) ce qui prouve, et 2) les modalités de la meilleure preuve, l’expression même de « données probantes » n’y contribue d’aucune manière. Les éducateur⋅rice⋅s gagneraient à admettre leurs limites épistémologiques, et surtout à les repousser ; celles⋅ceux qui font de la recherche encore plus, vu leur double relation au savoir. Si on se fie au débat en cours, peu semblent pourtant s’y connaitre assez pour ne pas ignorer leur ignorance.
L’autorat, qu’on sait par d’autres écrits peu porté au socioconstructivisme dont il dit qu’il a le haut du pavé dans les facultés d’éducation, réussit à ne pas se laisser détourner par lui… sauf pour quelques emportements excessifs en première partie. Ceux-ci font parfois passer l’ouvrage de pédagogique à pamphlétaire et grincer des dents son lectorat : mis à part à un public déjà conquis, on se demande à qui ils pourraient plaire. Néanmoins, considérant le terrain miné que constitue en éducation cette dualité quasi dichotomique, on reconnaitra à l’autorat l’effort de neutralité qu’il déploie en général.