Résumés
Résumé
Ce texte est une réplique à la réponse de Félix Bouvier à propos de mon article L’Histoire nationale du Québec et le débat sur le programme d’histoire : quand l’idéologie militante essaie de se faire passer pour de la science publié dans un numéro précédent de cette revue. J’y avance l’idée que la posture de Bouvier est davantage marquée par des impératifs militants que des considérations scientifiques.
Mots-clés :
- histoire,
- programme,
- secondaire,
- Québec,
- controverse
Abstract
This text is a reply to Félix Bouvier’s response to my article L’Histoire nationale du Québec et le débat sur le programme d’histoire : quand l’idéologie militante essaie de se faire passer pour de la science published in a previous issue of this journal. I put forward the idea that Bouvier’s position is marked more by militant imperatives than scientific considerations.
Keywords:
- history,
- curriculum,
- high school,
- Quebec,
- controversy
Resumen
Este artículo es una réplica a la respuesta del señor Félix Bouvier a mi artículo La Historia de Quebec y el debate sobre el programa de historia: cuando la ideología militante intenta hacerse pasar por ciencia, publicado en un número anterior de esta revista. En él, desarrollo la idea de que la postura del señor Bouvier está más marcada por imperativos militantes que por consideraciones científicas.
Palabras clave:
- historia,
- programa,
- secundaria,
- Quebec,
- controversia
Corps de l’article
À bien des égards, la réponse de Félix Bouvier me donne raison. Le point principal de mon texte dans la rubrique Argumenta de cette revue était de mettre en évidence le manque de rigueur méthodologique et la teneur hautement militante du chapitre 12 dans l’ouvrage collectif qu’il a codirigé avec Charles-Philippe Courtois. Dans un texte à l’écriture brouillonne, au lieu de montrer la faiblesse de certaines de mes affirmations en avançant des faits et des contrarguments logiques et rationnels, il affirme des « vérités » qu’il ne démontre pas ; il les accompagne de passages accusateurs où se reflète sa mauvaise humeur et tente de faire diversion en amenant le lectorat vers d’autres pistes censées me faire mal paraitre.
Compte tenu de l’espace qui m’est imparti, je ne commenterai ici que quelques exemples de raisonnements captieux. Ainsi, ce passage du deuxième paragraphe où il affirme que l’ouvrage collectif, ci-haut mentionné, « prône une approche scientifique […] en multipliant […] les points de vue sur cette question identitaire » qu’est le débat sur l’histoire nationale. Si, pour Bouvier, la scientificité d’un ouvrage découle de la multiplicité des points de vue qu’on y trouve, on mesure bien toute la distance qui nous sépare sur le plan méthodologique.
Dans la même veine, au paragraphe suivant, Bouvier parle de « l’instrumentalisation antinationaliste » à laquelle le programme Histoire et éducation à la citoyenneté adopté en 2006 (HEC2006) « s’adonnait à l’évidence ». Mais de quelle « évidence » parle-t-il ? Elle n’est ni démontrée ici ni dans son chapitre 12. Pour lui, si le gouvernement Couillard a adopté le programme Histoire du Québec et du Canada en 2017 (HQC2017), c’est la « preuve » qu’il y avait instrumentalisation antinationaliste ! Selon mon hypothèse, s’il recourt à ce type d’amalgame, c’est parce qu’une analyse comparative fine entre HEC2006 et le programme précédent de 1982 montrerait que ce dernier n’était pas non plus nationaliste, au sens où il l’entend ; par conséquent, en utilisant les mêmes critères, il pourrait lui aussi être taxé d’antinationaliste. De même, une analyse en 2011 de la Progression des apprentissages de HEC2006, précisant les connaissances devant être mobilisées par le programme, montrerait que la plupart des faits à teneur nationaliste et supposément cachés y sont bel et bien mentionnés ! Il n’est d’ailleurs pas surprenant que Bouvier et ses collègues ne mentionnent qu’en passant ce document embarrassant pour leur thèse.
Un des passages les plus représentatifs de la « technique Bouvier » concerne son argumentaire à propos de ma supposée appartenance, avec Létourneau et Laville, à une École de Québec 2.0. Dans un passage alambiqué, il réaffirme d’abord, sans avancer le moindre fait, que nous faisons tous trois partie d’une « communauté bon-ententiste à l’Université Laval ». Pour lui, réaffirmer avec conviction quelque chose semble suffire à en démontrer la véracité. Puis, il prend soin de nommer des historiens de ce même établissement qui ne sont pas, comme nous, de fieffés bon-ententistes ; dans son monde manichéen, eux, ce sont les « bons ». Enfin, pour faire diversion, il cite un passage d’un article que j’ai écrit en 2007 dans lequel, citations à l’appui, je fais état du délire qui s’est emparé de certains nationalistes s’étant manifestés sur des forums de discussion lors de la première phase du débat (2006-2007). Merci à Bouvier de faire la promotion de cet article qui, malheureusement, souligne une tendance qui s’est accentuée depuis l’arrivée des réseaux sociaux.
Le reste est à l’avenant. Je laisse aux lecteurs le soin de juger de la qualité des autres arguments à teneur militante contenus dans la réponse de Bouvier. On notera l’insistance qu’il manifeste à revenir constamment au débat sur HEC2006 plutôt que de répondre directement à mes affirmations concernant son chapitre 12 ; à ses yeux, le fait d’avoir « gagné » ce débat avec l’adoption de HQC2017 « prouve » que ses thèses et ses arguments sont en soi valables et irréfutables ! Un peu comme ces complotistes antivaccins qui sont convaincus que le retrait des mesures sanitaires résulte de leur croisade victimaire…
Cela dit, deux petites mises au point. D’abord, contrairement à ce que dit Bouvier, la dissolution du Groupe de recherche sur l’éducation à la citoyenneté et l’enseignement de l’histoire, que j’ai animé au tournant des années 2010, est due au non-renouvèlement de son financement et non à la parution de son article en 2013. J’ai tous les documents pour le démontrer. Ensuite, contrairement à ce qu’il sous-entend (par amalgame, encore une fois), la critique que j’ai faite de la thèse d’Olivier Lemieux dans l’ouvrage de Bouvier et Courtois à propos du Rapport Parent n’a rien à voir avec celle que je fais de son chapitre 12. Comme je l’avais écrit dans mon texte dans Argumenta, la démarche de Lemieux m’apparait irréprochable sur le plan éthique et méthodologique ; c’est toutefois son interprétation fondée sur l’« argument d’autorité » que je remets en cause, tout en la trouvant légitime.
Enfin, je signale que d’autres que moi ont relevé le caractère problématique du chapitre 12 de Bouvier (Bédard, 2021 ; Derradji, 2021) à l’occasion de recensions de l’ouvrage de Bouvier et Courtois. Bédard (2021), pourtant un compagnon d’armes de Bouvier, affirme à ce propos : « [o]n se serait attendu d’un chercheur qui a suivi ce débat d’aussi près un peu plus de complexité et de nuances » (p. 13). Tout est dit.
Jean-François Cardin
Professeur, Université Laval
Parties annexes
Bibliographie
- Bédard, É. (2021). Quel destin pour l’histoire nationale ? Compte rendu de Dorais, F.-O. et Pâquet, P. (dir.). (2020). L’enseignement de l’histoire au premier cycle. Bulletin d’histoire politique, 29(1), 9-77.
- Bouvier, F. et Courtois, C.-F. (dir.). (2021). L’Histoire nationale du Québec. Entre bon-ententisme et nationalisme, de 1832 à nos jours. Septentrion. Les Cahiers de lecture de L’Action nationale, 16(1), 12-13. https://id.erudit.org/iderudit/97290ac
- Derradji, F. (2021). Compte rendu de Bouvier, F. et Courtois, C.-P. (dir.). (2021). L’Histoire nationale du Québec. Entre bon-ententisme et nationalisme. Revue des sciences de l’éducation, 47(3), 261-263. https://doi.org/10.7202/1089285ar
- Goyette, J. et Bienvenue, L. (dir.). (2020). Bilan et perspectives en historiographie de l’Amérique française. Revue d’histoire de l’Amérique française, 74(1-2), 1-266.