Recensions

Bock-Côté, M. (2019). L’empire du politiquement correct. Éditions du Cerf[Notice]

  • Félix Bouvier

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  • Félix Bouvier
    Université du Québec à Trois-Rivières

Pour le sociologue Mathieu Bock-Côté, il ne fait pas de doute que la gauche politique woke a pris en Occident, mais particulièrement au Québec et en France, le contrôle militant du politiquement correct dans les médias, ce qui est essentiellement l’objet du livre résumé et analysé ici. De là une question simple qui le taraude pendant tout le livre : « Est-ce que la gauche libérale est prête à s’allier aux conservateurs qu’hier encore elle maudissait et parviendra-t-elle à s’affranchir de l’autorité morale de la gauche radicale qui continue de l’intimider encore idéologiquement ? » (p. 17) De façon sous-jacente à cela, les médias en général « distinguent les hommes politiques fréquentables de ceux qui ne le sont pas, les philosophes éminents et les polémistes de bas étage, les intellectuels qui inspirent confiance et ceux qui ont des idées rances » (p. 25). Analysant ce phénomène sociohistorique sur le moyen terme, l’auteur observe qu’au « marxisme scientifique d’hier répond la science diversitaire d’aujourd’hui. Une fois cela entendu, le débat public doit être moins contradictoire que pédagogique […] » (p. 37-38). Le présent est célébré comme providentiel et le passé, voire l’histoire et sa propre histoire nationale, est perçu comme profondément suspect par cette gauche diversitaire. Ainsi donc, « [l]’identité nationale elle-même n’existerait pas vraiment et le passé auquel se réfèrerait ceux qui se montrent attachés au roman collectif serait fantasmé » (p. 52-53). Dans cet esprit, l’idéologie multiculturaliste serait célébrée peu importe ses failles et « toute proposition politique ne s’inscrivant pas d’abord et avant tout dans les paramètres de la philosophie diversitaire serait dorénavant irrecevable » (p. 67). Plus questionnable encore du point de vue des enseignants d’histoire nationale par exemple, mais malheureusement bien connue de ceux-ci, est l’observation suivante : « Le détournement de la lutte contre le racisme pour le transformer en lutte contre le sentiment national est certainement la stratégie idéologique la plus connue du multiculturalisme. » (p. 88) Pour l’empire du politiquement correct médiatique (en particulier chez les médias sociaux) que nous illustre le sociologue, une « dérive à droite est moins une évolution politique personnelle qu’une déchéance morale […] Autant il est valorisant d’être campé à gauche, et même, loin à gauche, autant être associé à la droite représente une forme de passif […] En règle générale, on se réclame moins de droite qu’on doit s’expliquer d’en être » (p. 94, 100 et 104). Pour faire preuve de légitimité et surtout sur la question nationale, un thème doit donc passer à gauche. La logique du progressisme serait « inquisitrice : elle ne pousse pas au conflit civilisé entre conceptions contrastées du bien commun mais à une lutte à finir entre le bien et le mal » (p. 127). Pour les wokes diversitaires, « plus la droite deviendrait elle-même, plus elle s’infréquentabiliserait […] On comprend l’idée : au fond d’elle-même, la droite ne serait qu’une extrême-droite contrariée. Une droite sans harnais serait nécessairement sauvage » (p. 116-117). Comme cela va socialement très loin comme on le voit et devant la question identitaire qui se pose en parallèle partout en Occident, cela donne l’occasion « à la gauche et à la droite libérale […] de se réconcilier » (p. 138). « Une chose semble certaine : les catégories politiques apparues dans le cadre de la modernité providentialiste, qu’il s’agisse de la gauche sociale démocrate ou de la droite néolibérale semblent de moins en moins opérantes. » (p. 147) Pour cette gauche diversitaire, nous serions « tous des immigrants [et] la figure sacralisée du migrant devant être normalisée, celle du citoyen attaché à son pays et à …