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Quelques fondements pour caractériser l’intervention éducative dans le cadre des processus d’enseignement-apprentissage[Notice]

  • Yves Lenoir

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Ce texte a été révisé par : Claudine Sauvageau

En guise de conclusion à ce numéro thématique sur l’intervention éducative, nous nous proposons de présenter quelques fondements qui sous-tendent notre conception de l’intervention éducative, par là des processus d’enseignement-apprentissage, que nous avons élaborée au cours de nos 54 ans de pratiques d’enseignement aux divers ordres d’enseignement et de nos 33 ans de recherche sur les pratiques d’enseignement au primaire, entre autres au sein de la Chaire de recherche du Canada sur l’intervention éducative dont nous étions le titulaire de 2001 à 2015 (Lenoir, 2011, 2017). La perspective développée s’inscrit nettement en opposition au modèle éducatif néolibéral, économiciste, utilitariste et individualiste (Lenoir, Adigüzel, Lenoir, Libâneo et Tupin, 2016) qui est diamétralement opposé à un développement cognitif centré sur l’émancipation individuelle et collective des êtres humains (Lenoir, Froelich et Zúñiga, 2015). Elle se différencie aussi nettement des conceptions passéistes et élitistes qui prônent une transmission frontale et descendante de savoirs déjà tout élaborés, conceptions qui sont reliées à une vision moderne de la science élaborée à partir du 17e siècle et qui est conçue comme une inversion du modèle religieux à prétention universaliste et immuable, occultant ainsi sa genèse elle-même et son ancrage social. À la tendance présentiste et descendante de l’histoire ou à celle qui prône soit le continuiste, soit la discontinuité ou encore la rupture, nous privilégions une approche historique dialectique ascendante et socialement située, par là un relativisme sociologique qui assure la réinscription des données dans leur contexte temporel, spatial et social de production et qui recourt à la notion allemande haufheben qui indique un dépassement des interprétations en vigueur en les surmontant pour réinterpréter, pour réaménager et fournir de nouvelles significations (Blondiaux et Richard, 1999 ; Bloor, 1983 ; Bouilloud, 1999 ; Holton, 1973/1991  ; Serres, 1991 ; Simon, 1996 ; Rossi, 1999). En conséquence, nous adoptons bien davantage une approche dialectique et, par là, dialogique, fondée sur des démarches à caractère scientifique de « re-production » du savoir par les élèves en privilégiant la perspective constructionniste sociale et en situant ces démarches, prioritairement de conceptualisation — et non de résolution de problèmes que véhicule le modèle néolibéral —, dans un contexte sociohistorique. En plus de l’ouvrage de synthèse sur la notion d’intervention éducative et les concepts qui lui sont étroitement associés (médiation, situation, démarche, etc.) (Lenoir, 2017), nous avons déjà précisé à maintes occasions ce que nous entendons par intervention éducative (par exemple, Lebrun et Lenoir, 2001 ; Lenoir, 2009, 2011 ; Lenoir, Larose, Deaudelin, Kalubi et Roy, 2002 ; Lenoir, Roy et Lebrun, 2001). Rappelons ici simplement que nous avons défini cette notion, non de manière générique et englobante comme a pu le faire par exemple Postic (1986), mais bien de façon restrictive et spécifique pour désigner non les pratiques enseignantes, mais bien les pratiques d’enseignement (Altet, 2002 ; Bressoux, Bru, Altet et Leconte-Lambert, 1999 ; Vinatier et Altet, 2008) dans leurs phases préactives, interactives et postactives, en faisant appel à l’origine entre autres aux travaux de Durkheim (1922/1966), de Freitag (1973, 1986) et de Not (1979, 1984), ce dernier prônant une approche généticostructurale de l’enseignement très marquée par la pensée piagétienne et privilégiant le modèle d’interstructuration cognitive pour qualifier l’action professionnelle d’un formateur. Nous retenons, au-delà de diverses interprétations que relèvent Nélisse (1997) et Couturier (2001, 2005), une double perspective pour en appréhender la signification complexe : la première empirique, opérationnelle et pragmatique est appréhendée « sous l’angle praxéologique, l’intervention [étant] un agir opérationnel caractéristique de tout métier relationnel » (Lenoir, 2017, p. 297) ; la seconde, conceptuelle, repose en tant que rapport social d’objectivation sur un processus dialectique en ce …

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