Résumés
Résumé
Cette recherche vise à adapter un Modèle initial de la compétence interculturelle des directions d’établissement scolaire de langue française au Québec et au Nouveau-Brunswick. La méthode des entretiens de groupe a été employée lors de rencontres avec sept directions d’établissement au Québec et 17, au Nouveau-Brunswick. Une analyse de contenu a montré que, dans l’ensemble, les indicateurs des composantes Connaissances, Attitudes et Habiletés du Modèle initial étaient bien adaptés au contexte des deux provinces. Cependant, six indicateurs ont été ajoutés afin de permettre une meilleure adaptation du Modèle initial au contexte des dites provinces. Cette recherche permet donc de présenter un Modèle adapté de la compétence interculturelle des directions d’établissement scolaire de langue française au Québec et au Nouveau-Brunswick qui peut servir d’outil d’(auto)formation.
Mots-clés :
- compétence interculturelle,
- inclusion,
- diversité,
- direction d’établissement scolaire,
- gestion
Abstract
This research aims to adapt an original Model of intercultural competence for principals of francophone schools in Quebec and New Brunswick. The method of focus group interviews was used to meet seven school principals in Quebec and 17 in New Brunswick. A content analysis demonstrated that overall the indicators of the components Knowledge, Attitudes, and Abilities of the original model were adapted to the context of Quebec and New Brunswick. However, six new indicators are also included in order to adapt the original Model to these provinces. By this research, we present an adapted Model of intercultural competence for principals of francophone schools in Quebec and New Brunswick which can be used as a (self)training tool.
Keywords:
- Intercultural competence,
- inclusion,
- diversity,
- school principal,
- management
Resumen
Nuestra investigación se propone analizar un modelo inicial de la competencia intercultural de las direcciones de centro escolar de lengua francesa en Quebec y en Nuevo Brunswick. Se empleó el método de entrevistas de grupo con la finalidad de reunirnos con siete direcciones de centro en Quebec y 17 en Nuevo Brunswick. El análisis de contenido realizado muestra que, en general, los indicadores de los componentes conocimientos, actitudes y habilidades del modelo inicial estaban bien adaptados al contexto de las dos provincias. Sin embargo, se añadieron seis indicadores para permitir una mejor adaptación del modelo inicial al contexto de estas provincias. Así, nuestra investigación permite presentar un modelo adaptado de la competencia intercultural de las direcciones de centro escolar de lengua francesa en Quebec y en Nuevo Brunswick, que puede servir de herramienta de (auto)formación.
Palabras clave:
- Competencia intercultural,
- inclusión, diversidad,
- dirección de centro escolar,
- gestión
Corps de l’article
1. Introduction et problématique
Au Canada, le Québec et le Nouveau-Brunswick enregistrent la population francophone la plus importante en valeur relative (Statistique Canada, 2012). Par ailleurs, selon l’Enquête nationale auprès des ménages menée en 2011, 12,6 % de la population québécoise a un statut d’immigrant et, au Nouveau-Brunswick, il s’agit de 3,9 % de la population (Statistique Canada, 2014). Parmi ces nouveaux arrivants, plusieurs sont de nationalités et de cultures diverses, parlent différentes langues et pratiquent des religions multiples (Statistique Canada, 2014). Cette situation a des incidences sur de nombreuses institutions, et les établissements d'éducation ne font pas exception. Au Québec, en 2011-2012, 23,7 % de l’ensemble des élèves fréquentant le préscolaire, le primaire et le secondaire sont des élèves issus de l’immigration, c’est-à-dire qu’ils sont nés à l’extérieur du pays (1re génération) ou nés au Canada, mais d’au moins un parent né à l’extérieur de ce dernier (2e génération) (ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2014a). Au Nouveau-Brunswick, trois districts scolaires sont francophones. Au District scolaire francophone sud (2013 : cité par Kamano, 2014), on retrouvait 450 élèves immigrants et, depuis septembre 2012, 100 nouveaux élèves issus de l’immigration ont été accueillis. De plus, le Conseil multiculturel du Nouveau-Brunswick-CMNB du ministère de l’Éducation indique que les étudiants internationaux et les nouveaux immigrants représentent approximativement 8,5 % des inscriptions des étudiants du Nouveau-Brunswick (Leblanc, 2015, para 7).
Bien que certains milieux ruraux de ces deux provinces accueillent peu d’élèves issus de l’immigration, Ouellet (2000) mentionne que l’éducation interculturelle s’applique tout autant aux écoles dont la diversité ethnoculturelle, linguistique et religieuse est plus ou moins grande, car tous les élèves doivent apprendre à vivre dans une société caractérisée par cette diversité. Ainsi, les différents ministères de l’Éducation, les commissions scolaires au Québec et les districts scolaires au Nouveau-Brunswick proposent des encadrements pour favoriser l’inclusion de la diversité (District scolaire francophone Sud, 2013; ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance, 2014; ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2014b; ministère de l’Éducation du Québec, 1998).
De la même manière, les directions d’établissement scolaire ont le mandat de favoriser l’inclusion de la diversité pour, entre autres, accroître la réussite éducative des élèves issus de l’immigration (Bauer et Akkari 2015; Pereira Braga et Magnan, 2015). En effet, plusieurs chercheurs mentionnent que les leaders en éducation, dont les directions d’établissement scolaire, doivent posséder une compétence interculturelle (par exemple, Bouchamma, 2016, 2009, 2008; Fry, 2015; Gélinas-Proulx, IsaBelle et Meunier, 2014) et promouvoir l’inclusion, l’équité et la justice sociale (par exemple, Riehl, 2000; Ross et Berger, 2009; Ryan, 2014). De surcroît, l’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture-UNESCO (2008) recommande de développer les compétences des administrateurs scolaires pour favoriser la réussite de tous les élèves et leur inclusion à l’école. Enfin, dans le document ministériel présentant le référentiel des compétences des directions d’établissement scolaire du Québec, il est mentionné que l’immigration nécessite que l’on recoure à une gestion de la diversité qui permet de valoriser l’altérité ainsi que de solutionner les enjeux en découlant (ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2008). Toutefois, la compétence à développer au regard de l’inclusion de la diversité ethnoculturelle, linguistique et religieuse n’y est pas précisée et le programme d’évaluation des directions d’école du Nouveau-Brunswick n’y fait pas non plus référence (ministère de l’Éducation du Nouveau-Brunswick, 2005).
Comme cette compétence, ses composantes et ses indicateurs n’ont pas été clairement circonscrits pour les directions d’établissement scolaire de langue française au Canada, Gélinas-Proulx (2014) a entrepris de la modéliser. Ce Modèle initial s’intitule : Modèle hypothétique des composantes et des indicateurs visés de la compétence interculturelle des directions et futures directions d’école de langue française au Canada en milieu de valorisation culturelle et linguistique (Gélinas-Proulx, 2014). La locution milieu de valorisation culturelle et linguistique désigne le milieu francophone minoritaire au Canada. Dans le cadre de cet article, ce modèle sera désigné par l’expression Modèle initial. Toutefois, il importe de vérifier si ce Modèle initial est bien adapté aux directions d’établissement scolaire de langue française, spécifiquement du Québec et du Nouveau-Brunswick, car ces deux provinces présentent les pourcentages de francophones les plus élevés. Pour y arriver, nous tenterons de répondre à la question suivante : En quoi le Modèle initial de la compétence interculturelle pour les directions d’établissement scolaire de langue française est-il adapté à celles oeuvrant au Québec et au Nouveau-Brunswick?
2. Cadre conceptuel
De prime abord, les ouvrages collectifs de référence sur la compétence interculturelle comme celui de Deardorff (2009) et de Moodian (2009) restent muets sur la compétence interculturelle des directions d’établissement scolaire. Qui plus est, bien que la recension des écrits rigoureuse sur les compétences en matière de diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique dans la formation du personnel scolaire effectuée par Potvin, Larochelle-Audet, Campbell, Kingué-Élonguélé, Chastenay (2015) soit fort pertinente, elle ne concerne pas spécifiquement les directions d’établissement scolaire. En fait, peu d’auteurs s’attardent à cerner cette compétence interculturelle spécifiquement chez les directions d’établissement scolaire (Lindsey, Robins et Terrell, 2009; Wilson Cooper, 2009), et encore moins en contexte francophone au Canada (Bouchamma, 2016, 2009; Gélinas-Proulx, 2014; Ouellet, 2010). D’une part, des auteurs traitent cette compétence de la direction d’établissement scolaire ou certains de ces indicateurs seulement d’un point de vue théorique, entre autres, par des recensions d’écrits ou par des textes prescriptifs (par exemple : Bouchamma, 2016; Fry, 2015; Lindsey et al., 2009; Moisset, 2010; Ouellet, 2010; Riehl, 2000; Ross et Berger, 2009). D’autre part, plusieurs études empiriques s’attardent seulement à certains indicateurs de la compétence interculturelle des directions : croyances vis-à-vis de la diversité, promotion de pratiques pédagogiques inclusives auprès des enseignants, mais laissent dans l’ombre bon nombre d’autres indicateurs (par exemple : Billot, Goddard et Cranston, 2007; Bouchamma, 2009; Bouchamma et Tardif, 2011; Bustamante, Nelson et Onwuegbuzie, 2009; Gardiner et Enomoto, 2006; Shields, 2010; Wilson Cooper, 2009; Young, Madsen et Young, 2010). Enfin, certains auteurs étudient de façon empirique la compétence interculturelle de la direction, mais en utilisant un cadre théorique de la compétence qui n’est pas spécifique à ce corps d’emploi (par exemple, El Ganzoury, 2012).
Ces études nous informent sur les capacités requises des directions d’établissement scolaire en contexte de diversité, mais l’étude de Gélinas-Proulx (2014) circonscrit cette compétence pour les directions en contexte francophone au Canada à partir d’une revue des écrits scientifiques, mais aussi au moyen d’une recherche qualitative qui a permis d’interroger, par des entrevues semi-dirigées, six directions d’établissement scolaire et une future direction de quatre provinces canadiennes (dont une seule en provenance du Nouveau-Brunswick et aucune du Québec). D’une analyse de contenu découle un Modèle initial de la compétence interculturelle (figure 1). Cette dernière constitue un savoir-agir qui nécessite que les directions mobilisent des ressources lors de tâches complexes de nature interculturelle. Par interculturel, il est question des relations et des interactions entre des groupes et des individus de diverses cultures (Abdallah-Pretceille, 2011), mais, également, nous ajoutons que ces relations sous-tendraient les principes d’inclusion, d’équité et de justice sociale (Gérin-Lajoie et Jacquet, 2008; McKenzie, Christman, Hernandez, Fierro, Capper, Dantley et Scheurich, 2008; Shields, 2010), tout comme ceux de cohésion sociale (Ouellet, 2002). Quant aux ressources, elles font référence à trois composantes de la compétence interculturelle (Connaissances, Attitudes et Habiletés) auxquelles Bennett (2009) et Deardorff (2015) font référence. Ces composantes se décomposent en 12 indicateurs, c’est-à-dire la manifestation qui évoque la présence de la compétence (Legendre, 2005). La composante Connaissances comprend les indicateurs suivants : 1) les connaissances pour soutenir les enseignants, 2) sur les théories du domaine de l’interculturel et de la justice sociale, 3) sur différents systèmes d’éducation et 4) sur différentes cultures. La composante Attitudes comprend les indicateurs suivants : 5) la conscience de soi, 6) l’ouverture et 7) le sentiment d’autoefficacité. La composante Habiletés comprend les indicateurs suivants : 8) mettre en pratique des stratégies d’apprentissage d’autres cultures, 9) analyser/s’autoanalyser, 10) s’adapter, 11) inclure et 12) réaliser l’une des missions de l’école de langue française : assurer la vitalité et la pérennité de la langue. Ces indicateurs soutenus par les écrits scientifiques sont définis à l’annexe 1.
Les trois bulles du modèle représentent les composantes de la compétence interculturelle (Connaissances, Attitudes et Habiletés). Chaque composante est détaillée par des indicateurs. Un des indicateurs de la figure 1 est en caractère gras, car il a été mentionné par les participants de la recherche de Gélinas-Proulx (2014), mais il ne semble pas avoir été évoqué dans les écrits scientifiques. Les indicateurs en italique n’ont pas été mentionnés par les participants de la recherche précédente, mais se retrouvent pourtant dans les écrits scientifiques. Tous les autres indicateurs ont été mentionnés par les participants de cette recherche, et peuvent être relevés dans les écrits scientifiques. Dans un autre ordre d’idée, certains liens semblent exister entre les indicateurs (King et Baxter Magolda, 2005). Ces interactions sont illustrées dans le modèle à l’aide du diagramme de Venn aussi utilisé par Davis (2010). La flèche évoque l’évolution et la maturation de la compétence. Les modèles développementaux de la compétence interculturelle (par exemple, King et Baxter Magolda, 2005; Lindsey et al., 2009) montrent qu’elle progresse à la suite d’expériences interculturelles variées et complexes. Par ailleurs, il semble que les indicateurs peuvent se développer à des rythmes variables (Earley et Mosakowski, 2004), ce qui est symbolisé, dans le modèle, par des bulles de différentes grosseurs.
Bref, le Modèle initial de la compétence interculturelle des directions d’établissement scolaire montre les indicateurs et sous-indicateurs des trois composantes de la compétence qu’il serait souhaitable que les directions d’établissement scolaire de langue française au Canada développent. Toutefois, avant de proposer ce Modèle initial, il importe de vérifier, auprès de directions d’établissement scolaire de langue française au Québec et au Nouveau-Brunswick, si ce modèle est bien adapté à leur contexte.
3. Méthodologie
La présente recherche s’inscrit dans un projet plus large, de nature pragmatique, et fait appel à une méthodologie de recherche mixte (Onwuegbuzie, Bustamante et Nelson, 2010). Ce projet comprend trois phases, dont la première est présentée dans cet article. Pour cette première phase, qui consiste à vérifier si le Modèle initial de la compétence interculturelle des directions d’établissement scolaire de langue française est adapté au contexte du Québec et du Nouveau-Brunswick, nous adoptons une approche qualitative (Savoie-Zajc et Karsenti, 2011). Selon ces auteurs, notre posture épistémologique est donc interprétative.
3.1 Participants
Pour adapter le Modèle initial de la compétence interculturelle des directions d’établissement scolaire de langue française au contexte éducationnel du Québec et du Nouveau-Brunswick, nous avons rencontré des directions d’établissement scolaire de ces deux provinces. Pour les recruter, nous avons contacté, au Québec, la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement et, au Nouveau-Brunswick, le District scolaire francophone Sud. Il s’agit donc d’un échantillonnage de type intentionnel. Les informations sociodémographiques sur les participants ont été recueillies par l’entremise d’un questionnaire que nous avons construit pour les besoins de l’étude.
Au Nouveau-Brunswick, 17 directions d’établissement scolaire participantes, d’une communauté d’écoles du District scolaire francophone Sud, ont été interpelées. Elles ont toutes accepté notre invitation. Les caractéristiques de 16 participants seront présentées, car une participante n’a pas rempli le questionnaire, même si elle a participé au groupe de discussion. Tout compte fait, ce sont sept hommes et dix femmes qui ont pris part à l’étude. Les directions d’établissement scolaire sont âgées de 35 à 59 ans (un autre participant n’a pas répondu). Tous les répondants s’identifient au groupe ethnique : Blanc / Caucasien, et ont mentionné que leur nationalité actuelle et à la naissance est canadienne. Parmi eux, cinq parlent seulement le français et 11 parlent le français et l’anglais. Il s’agit de 10 directions adjointes (deux occupent aussi des fonctions d’enseignant) et de six directions. De plus, 15 participants estiment que le pourcentage d’élèves immigrants (1re et 2e générations combinées) qui fréquentent leur école se situe entre 1 et 3 %, et une seule participante situe ce nombre à 0,01 %. Tous ont répondu qu’aucun enseignant issu de l’immigration ne travaille à leur école. Parmi les 16 participants, 15 disent avoir travaillé en contexte scolaire de diversité ethnoculturelle, linguistique et religieuse.
Au Québec, ce sont 28 directions d’établissement scolaire nommées conseillersaux affaires professionnelles de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement qui ont été interpelées. Parmi elles, sept ont accepté de participer à l’étude. Il s’agit de quatre hommes et de trois femmes, âgés de 40 à 59 ans. Tous les répondants s’identifient au groupe ethnique : Blanc / Caucasien, et ont mentionné que leur nationalité actuelle et à la naissance est canadienne. Cinq parlent seulement le français, et deux parlent le français et l’anglais. Il s’agit de trois directions adjointes et de quatre directions d’établissement scolaire. Elles travaillent dans différentes régions du Québec : Bas-Saint-Laurent, Centre-du-Québec, Lanaudière, Laurentides, Montérégie, Outaouais et Saguenay-Lac-Saint-Jean. En ce qui concerne le pourcentage d’élèves immigrants (1re et 2e générations combinées) qui fréquentent leur école, deux participants mentionnent qu’ils en ont 0 %, quatre en ont de 1 à 9 % et un participant indique que la proportion est de 70 à 79 %. En outre, six participants ont répondu qu’aucun enseignant issu de l’immigration ne travaille à leur école, et un participant indique qu’il y en aurait de 40 à 49 %; c’est celui dont la proportion d’élèves issus de l’immigration est de 70 à 79%. Six participants disent avoir déjà travaillé en contexte scolaire de diversité.
3.2 Instrumentation et déroulement
Nous avons eu recours à la méthode des entretiens de groupe (Geoffrion, 2003). Cette méthode a été privilégiée afin de donner la chance aux groupes rencontrés de définir la réalité qu’ils perçoivent, et pour qu’ils puissent identifier des indicateurs des composantes de la compétence qui conviennent à leur situation particulière (Leclerc, Bourassa, Picard, Courcy, 2011, p. 161). Un guide d’entretien semi-dirigé comportant trois thèmes a été construit : 1) les indicateurs des composantes de la compétence interculturelle que les participants jugent nécessaires que toutes directions d’établissement scolaire développent (sans que le Modèle initial leur soit présenté), 2) les indicateurs des composantes de la compétence interculturelle présents dans le Modèle initial de la compétence interculturelle des directions d’établissement scolaire non mentionnés par les participants et présentés afin de vérifier s’ils sont adaptés à leur contexte, 3) les caractéristiques observées chez une direction d’établissement scolaire qui n’a pas développé sa compétence interculturelle (pour réduire l’effet de la désirabilité sociale). Les participants ont été consultés à l’hiver 2016, lors d’une réunion avec leur organisation (communauté d’école au Nouveau-Brunswick et rencontres des conseillers aux affaires professionnelles au Québec) qui a accepté de nous accorder environ une heure. Deux groupes ont été formés au hasard au Nouveau-Brunswick (N = 9 et N = 8) et un groupe a été formé au Québec (N = 7). L’animation a été réalisée par les chercheurs de l’étude, et les séances ont été filmées pour faciliter la rédaction du verbatim.
3.3 Méthode d’analyse des données
Le protocole d’analyse de contenu de L’Écuyer (1990) et celui de Baribeau (2009) adapté à l’entretien de groupe ont été employés. Nous avons suivi cinq étapes, dont la première consiste en des lectures préliminaires et en l’établissement d’une liste d’énoncés. Pour ce faire, les entretiens de groupe ont été réécoutés par les chercheurs pour compléter la transcription en format Word des parties incompréhensibles pour l’assistante de recherche. Ensuite, les documents ont été déposés dans le logiciel NVivo 10. Les premières lectures ont permis d’identifier plusieurs indicateurs du Modèle initial. La deuxième étape est le choix et la définition des unités de classification. Ainsi, pour notre étude qualitative, l’unité de sens se révélait plus utile. Elle peut être de quelques mots ou de quelques phrases, le but étant de bien comprendre le sens évoqué. Donc, tous les passages se rapportant au Modèle initial constituaient des unités à analyser. À la troisième étape, soit le processus de catégorisation et de classification, nous avons choisi le modèle mixte de catégorisation, c’est-à-dire que les catégories sont à la fois prédéterminées et induites en cours d’analyse. À cette étape, nous avons aussi effectué le codage et la réorganisation des catégories en équipe, c’est-à-dire qu’un chercheur du Nouveau-Brunswick et un du Québec étaient toujours présents, et ont pu s’ajouter jusqu’à trois autres personnes (codage interjuge). La quatrième étape s’intitule la description scientifique. En concordance avec notre posture épistémologique interprétative, nous décrivons nos résultats et présentons des extraits de verbatim dans la section 4 afin de rendre accessible aux lecteurs la voix des participants. Finalement, la cinquième étape est l’interprétation des résultats. Celle-ci est réalisée et mise en parallèle avec notre cadre conceptuel et permet de répondre à notre question de recherche.
3.4 Considérations éthiques
Pour réaliser l’étude, un certificat d’approbation éthique a été obtenu. Afin de pouvoir collecter des données, un formulaire de consentement à la recherche a été signé par les participants. Ces derniers l’ont reçu au moins deux semaines avant les entretiens de groupe et l’ont remis à ce moment aux chercheurs. Les résultats anonymisés ont été transmis aux responsables du recrutement qui ont été invités à les transmettre aux participants de la recherche.
4. Résultats
Les participants ont mentionné divers indicateurs et sous-indicateurs constitutifs des composantes connaissances, attitudes et habiletés de la compétence interculturelle des directions d’établissement scolaire du Modèle initial. Qui plus est, de nouveaux indicateurs découlent des données de l’étude, ce qui nous permet de proposer un Modèle adapté de la compétence interculturelle des directions d’établissement.
4.1 Indicateurs de la composante Connaissances
Le tableau 1 récapitule les indicateurs et sous-indicateurs de la composante Connaissances présents dans le Modèle initial de la compétence interculturelle des directions d’établissement scolaire et ceux qui ont été cités par des participants du Nouveau-Brunswick et du Québec.
On observe que les indicateurs du Modèle initial ont été évoqués par des participants du Nouveau-Brunswick et du Québec. Seul l’indicateur Connaissances sur des théories dans le domaine de l'interculturel et la justice sociale n’a pas été cité au Québec.
Des indicateurs et des sous-indicateurs ont été induits des entretiens de groupe (indicateurs 3, 4, et 4.3). L’indicateur 3 signifie, selon les participants, que des directions d’établissement scolaire ont la volonté de posséder des connaissances sur les ressources humaines (professionnels, organismes communautaires, etc.), les structures d’accueil (types de classes et services dans une commission scolaire au Québec ou un district scolaire au Nouveau-Brunswick), les encadrements (légaux, politiques, etc.). Au Nouveau-Brunswick, Mathieu précise : On ne peut pas s’attendre qu’on va tout savoir sur tout. L’important c’est […] : est-ce qu’on sait où est-ce qu’on peut aller trouver de l’information qui est valide?
Les indicateurs 4.1 et 4.2, qui se trouvent dans le Modèle initial, peuvent être regroupés sous un indicateur plus englobant : Connaissances sur les acteurs scolaires des divers groupes ethnoculturels. Ce nouvel indicateur comprend le sous-indicateur : Connaissances sur les parcours migratoires. Il s’agit d’une connaissance du chemin parcouru par les acteurs issus de l’immigration, des expériences qu’ils ont vécues, des motivations qui les animent à vivre au Canada. Audrey, du Nouveau-Brunswick, nous explique : Ça serait important aussi de savoir la raison pour laquelle les familles arrivent chez nous, parce que ça peut faire une grosse différence. Ce sous-indicateur n’a pas été mentionné au Québec.
En résumé, les indicateurs de la composante Connaissances du Modèle initial et les nouveaux indicateurs et sous-indicateurs sont insérés dans le Modèle adapté au Québec et au Nouveau-Brunswick.
4.2 Indicateurs de la composante Attitudes
Les indicateurs et sous-indicateurs de la composante Attitudes du Modèle initial de même que ceux mentionnés par des participants du Nouveau-Brunswick et du Québec se retrouvent dans le tableau 2.
Tous les indicateurs et sous-indicateurs du Modèle initial ont été mentionnés au Nouveau-Brunswick, sauf le sous-indicateur Attachement, amitié, sentiment de proximité. Toutefois, il a été évoqué par une participante du Québec.
Au Québec, l’indicateur Conscience de soi et les sous-indicateurs qui le composent de même que les sous-indicateurs Motivation à l'apprentissage interculturel et Tolérance à l'ambiguïté n’ont pas fait l’objet d’une attention particulière. Enfin, tous les indicateurs et sous-indicateurs de la composante Attitudes du Modèle initial sont insérés au Modèle adapté au Nouveau-Brunswick et au Québec. Nous modifions toutefois le libellé du deuxième indicateur du Modèle initial, Ouverture, pour Conscience d’autrui, qui est plus inclusif des sous-indicateurs qui le constituent, ainsi que le libellé du sous-indicateur Se connaitre que nous changeons pour Perception de soi, afin d’éviter la confusion possible avec la composante Connaissance. Aucun nouvel indicateur n’a émergé de nos données.
4.3 Indicateurs de la composante Habiletés
Pour la composante Habiletés, le tableau 3 résume les indicateurs et sous-indicateurs présents dans le Modèle initial et ceux qui ont été mentionnés par les participants du Nouveau-Brunswick et du Québec.
La majorité des indicateurs et sous-indicateurs du Modèle initial ont été identifiés au Nouveau-Brunswick et au Québec. Ceux qui n’ont pas été mentionnés au Nouveau-Brunswick sont : S’autoanalyser et Répondre aux besoins des enseignants et des stagiaires des divers groupes ethnoculturels. Au Québec, il s’agit de(d’) : Analyser, S’autoanalyser, Ouvrir sa communauté à la diversité et Assurer la vitalité et la pérennité de la langue française.
Des indicateurs et des sous-indicateurs sont induits des entretiens de groupe (indicateurs 6 à 9). Premièrement, l’indicateur 6 signifie, selon les participants, que des directions d’établissement scolaire ont le souci de maintenir la vitalité de leur communauté, et ce, par deux moyens : 1) en assurant la rétention des acteurs de l’éducation des divers groupes ethnoculturels et 2) en assurant la vitalité et la pérennité de la langue française. Ce dernier sous-indicateur faisait partie du Modèle initial. Concernant l’enjeu de la rétention, Simon, du Québec, nous a fait part de la problématique suivante :
On a accueilli, il y a plusieurs années, lorsque j’étais au secondaire, une communauté bosniaque. Ils sont presque tous à Toronto aujourd’hui. J’ai accueilli des réfugiés du Congo lorsque je suis arrivé au primaire. Ils sont tous dans le coin de Montréal actuellement.
La direction pourrait donc avoir un rôle à jouer afin d’accroître la rétention des groupes ethnoculturels dans les régions éloignées des métropoles.
Deuxièmement, l’indicateur 7 fait référence aux fonctions de gestion : planifier, organiser, coordonner, contrôler. D’abord, des participants soulignent l’importance de planifier de façon stratégique une démarche d’accueil, des services et des suivis continus, et ce, à la suite d’une analyse de la situation. Guillaume, du Nouveau-Brunswick ajoute : C’est aussi d’avoir un plan : qu’est-ce qu’on veut comme école quand on parle de multiculturalisme et c’est quoi notre vision, comment allons-nous la mettre en oeuvre? Ensuite, la direction organise ou met en place l’accueil, les services, etc. Patrice, du Québec, donne l’exemple suivant : On organise tel type de francisation. La coordination des différentes ressources et des services est aussi une habileté à développer : Je dirais coordonner un petit peu le tout; tu sais les ressources qui sont nécessaires à l’accueil de l’enfant (Nadia, Nouveau-Brunswick). Finalement, nous préférons faire référence au soutien, à l’évaluation et au suivi, comme le mentionnent les participants, plutôt qu’au contrôle. Il est question de soutenir les enseignants en les informant, en les accompagnant sur le plan pédagogique, en les rassurant, en approuvant les projets qu’ils proposent. Cette habileté exige aussi des suivis par rapport à la progression des élèves issus de l’immigration, ce qui permet de maintenir des services ou d’en offrir des nouveaux. Il s’agit également d’évaluer des interventions pour s’ajuster. Emma, du Nouveau-Brunswick, mentionne : C’est aussi [d’]aller tâter le pouls assez régulièrement; parce que c’est beau [d’]avoir cet accueil-là au début, mais aller tâter le pouls régulièrement pour voir quels sont leurs besoins maintenant.
Troisièmement, l’indicateur 8 porte sur l’habileté à établir des réseaux relationnels. Bâtir une relation avec différents acteurs de l’éducation des divers groupes ethnoculturels semble nécessaire, mais c’est la relation avec les parents qui revient abondamment dans les propos des participants. Katherine, du Québec, mentionne : Pour établir un lien de confiance, il y a une chaleur, il y a un accueil qui doit être là, une ÉCOUTE. En outre, plusieurs participants indiquent qu’il importe d’établir des relations avec des partenaires externes (milieux communautaire et associatif, services dans la collectivité et à la commission ou au district scolaire). Olivier, du Nouveau-Brunswick, ajoute : Il ne faudrait pas avoir peur de consulter d’autres écoles [qui accueillent] plusieurs élèves de l’étranger. L’Université n’a pas été mentionnée, mais elle peut être un partenaire externe aux écoles. La relation avec des partenaires internes (personnel enseignant, de soutien, professionnel) a aussi été citée. Pour bâtir ce lien, François, du Québec, précise : Il faut que tu aies CONFIANCE en ton équipe. Ces différents liens à construire visent ultimement l’inclusion de la diversité.
Quatrièmement, l’indicateur 9 porte sur l’habileté à trouver des solutions et à innover lorsque la direction est confrontée à des situations interculturelles complexes. Cela signifie proposer des solutions afin de s’adapter aux changements et montrer de la débrouillardise dans les situations nouvelles. Kevin, du Nouveau-Brunswick, fait référence à la prise de risque : [il ne faut pas] avoir peur d’essayer d’autres choses.
Nous remarquons que les indicateurs et sous-indicateurs induits sont semblables au Nouveau-Brunswick et au Québec. Toutefois, les participants du Nouveau-Brunswick n’ont pas mentionné le sous-indicateur : Assurer la rétention des acteurs de l'éducation des divers groupes ethnoculturels. Au Québec, les participants n’ont pas mentionné Trouver des solutions et innover.
En conclusion, tous les indicateurs et sous-indicateurs de la composante Habiletés du Modèle initial et tous ceux qui ont émergé sont insérés au Modèle adapté.
5. Discussion des résultats
Les résultats de l’étude permettent de proposer un Modèle de la compétence interculturelle des directions d’établissement scolaire adapté au Nouveau-Brunswick et au Québec (figure 2). Ce Modèle adapté comprend tous les indicateurs et sous-indicateurs des trois composantes de la compétence du Modèle initial et les indicateurs qui ont été induits des données de cette recherche. Dans le Modèle adapté, par souci de transparence, les indicateurs et sous-indicateurs non mentionnés par les participants du Québec ont été indiqués en caractère italique et ceux non mentionnés par les participants du Nouveau-Brunswick ont été soulignés. Par ailleurs, ceux qui ont été ajoutés à la suite de la présente recherche sont en caractère gras.
Dans l’ensemble, notre étude a permis de démontrer que les indicateurs des composantes de la compétence interculturelle du Modèle initial étaient adaptés au contexte du Québec et du Nouveau-Brunswick. De surcroît, la présente recherche a permis d’ajouter six nouveaux indicateurs afin de permettre une meilleure adaptation du Modèle initial au contexte des dites provinces canadiennes.
Premièrement, l’indicateur Connaissances des ressources disponibles a été inséré au Modèle adapté. Comme les participants de notre recherche l’ont abondamment mentionné, il est précisé, dans le référentiel des compétences des directions d’établissement scolaire du Québec, que la prise de conscience des ressources tant personnelles que de l’environnement est requise pour la professionnalisation de la pratique (ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2008). Considérant l’importance de connaitre les ressources afin de favoriser l’éducation interculturelle et l’intégration des élèves issus de l’immigration, la Direction des services d’accueil et d’éducation interculturelle au Québec (2013) propose d’ailleurs aux directions, le site Internet L’école plurielle afin de rassembler ces ressources.
Deuxièmement, le Modèle adapté comprend maintenant l’indicateur Connaissances sur les acteurs scolaires des divers groupes ethnoculturels et, plus précisément, le sous-indicateur Connaissances sur les parcours migratoires. Cette connaissance s’arrime avec celle identifiée par Potvin et al. (2015) pour tous les personnels scolaires, qui consiste à considérer tout le savoir des acteurs de l’éducation. En effet, la connaissance de leurs expériences et réalités pourrait permettre de construire un environnement scolaire qui soit significatif à leurs yeux. Potvin et al. (2015) relèvent également plus d’une vingtaine d’auteurs qui reconnaissent l’importance de connaître, chez les élèves issus de l’immigration, leur cheminement social et scolaire, c’est-à-dire leur parcours migratoire, leurs réalités diversifiées, leurs expériences sociales, etc.
Troisièmement, l’indicateur Assurer la vitalité des communautés et plus précisément le sous-indicateur Assurer la rétention des acteurs de l'éducation des divers groupes ethnoculturels ont été ajoutés au Modèle initial. Ce sous-indicateur prend en compte la préoccupation de rétention des immigrants en région qu’ont les Gouvernements du Nouveau-Brunswick (2014) et du Québec (Vatz-Laaroussi et Bezzi, 2010). Les participants du Nouveau-Brunswick de notre étude n’ont pas mentionné cette habileté, mais la problématique y est présente selon le Gouvernement du Nouveau-Brunswick (2014). Ainsi, l’habileté de la direction à assurer la rétention des immigrants viendrait appuyer les différentes initiatives provinciales allant dans ce sens. Toutefois, Vatz-Laaroussi et Bezzi (2010) présentent les facteurs favorisant la rétention des familles, et plusieurs peuvent sembler hors du contrôle d’une direction d’établissement scolaire. Qui plus est, certains enjeux éthiques peuvent accompagner la régionalisation de l’immigration, et la direction aurait intérêt à en tenir compte dans les mesures choisies pour favoriser leur rétention.
Quatrièmement, le nouvel indicateur Planifier, organiser, coordonner, contrôler (soutenir, évaluer, faire des suivis) fait référence aux fonctions administratives des gestionnaires de Fayol (1916, cité dans McShane et Benabou, 2008). Certains auteurs font référence à ces fonctions pour définir le rôle des directions d’établissement scolaire en contexte de diversité. Par rapport à la planification, Bouchamma (2009) indique qu’un des rôles de la direction est de récolter des informations sur les élèves issus de l’immigration pour les accueillir. Donc, de se préparer, que ce soit par rapport à la structure d’accueil, au classement des élèves, à la planification des ressources, etc. Moisset (2010) tout comme Bouchamma (2016) réitèrent aussi l’importance de développer a priori une vision fondée sur une culture organisationnelle d’inclusion de la diversité et d’équité. En ce qui concerne l’organisation, Bouchamma et Tardif (2011) donnent plusieurs exemples d’activités que la direction d’établissement scolaire peut organiser pour faire la promotion de l’ouverture à la diversité. Ensuite, l’importance de la coordination, entre autres des services, est montrée par Jones, George, Haddad et Rock (2016). De plus, Young et al. (2010) donnent l’exemple de la mise en oeuvre d’un plan de la diversité à coordonner. En ce qui concerne le soutien, Bouchamma (2016, 2009) mentionne que le rôle de la direction est d’accompagner l’équipe-école pour améliorer l’inclusion de la diversité et l’équité.
Cinquièmement, le Modèle adapté inclut maintenant l’indicateur : Établir un réseau relationnel. Parmi ses trois sous-indicateurs, nous retrouvons : Établir une relation avec les acteurs de l’éducation des divers groupes ethnoculturels. À ce sujet, Bouchamma (2009) souligne deux rôles de la direction d’établissement scolaire : 1) accueillir les parents dans l’établissement scolaire et 2) favoriser la relation entre l’école et la famille. Quant au sous-indicateur : Établir des relations avec des partenaires internes de l'établissement d'enseignement, Bouchamma (2016) précise que la direction doit pouvoir collaborer avec tous les acteurs travaillant dans cet établissement. Finalement, par rapport au sous-indicateur Établir des relations avec des partenaires externes à l'établissement d'enseignement, Kanouté, Vierginat, Charette, Lafortune, Lavoie et Gosselin-Gagné (2011) soulignent aussi que des directions voient les collaborations entre l’école et les organismes communautaires comme une valeur ajoutée en contexte de pluriethnicité et appauvri sur le plan économique. Cette importance d’établir des relations avec la communauté est réitérée par Bouchamma et Tardif (2011) ainsi que Wilson Cooper (2009).
Sixièmement, l’indicateur Trouver des solutions et innover fait partie du Modèle adapté. Dans cette foulée, Bouchamma et Tardif (2011) donnent des exemples de pratiques innovantes et créatives que des directions ont mis en place pour pallier le manque de ressources. Par exemple, une direction a permis aux élèves immigrants de profiter d’un projet de préfrancisation dont la conception relève à la fois de l’école et d’un organisme subventionné par la municipalité. Cette habileté est d’autant plus importante à l’extérieur des grands centres urbains qui bénéficient de moins de ressources pour l’inclusion de la diversité (Bouchamma, 2015). Fry (2015) soutient également que l’utilisation créative de la technologie pourrait être une avenue pour promouvoir la compétence interculturelle.
Quant aux autres caractéristiques du Modèle initial (l’intersection entre les indicateurs, le développement de la compétence et le rythme d’apprentissage des diverses composantes), elles n’ont pas été analysées, car elles ne constituaient pas le but de la présente recherche.
6. Conclusion
Cette recherche avait pour objectif de vérifier, auprès de directions d’établissement scolaire de langue française au Québec et au Nouveau-Brunswick, si le Modèle initial de Gélinas-Proulx (2014) est bien adapté à leur contexte. Nous avons rencontré sept directions d’établissement au Québec et 17 au Nouveau-Brunswick. Une analyse de contenu a démontré que le Modèle initial et plus particulièrement les indicateurs des composantes : Connaissances, Attitudes et Habiletés étaient adaptés, dans l’ensemble, au contexte du Québec et du Nouveau-Brunswick. Afin de permettre une meilleure adaptation du Modèle initial au contexte des dites provinces canadiennes, six nouveaux indicateurs apparaissent dans le Modèle adapté.
Le Modèle adapté peut être utilisé par les formateurs en administration scolaire aussi bien que par les directions d’établissement scolaire de langue française comme outil de (auto)formation. Par ailleurs, dans le cadre de la deuxième phase de ce projet de recherche, ce Modèle adapté nous permettra de développer un questionnaire sur la compétence interculturelle des directions d’établissement scolaire de langue française qui pourra compléter ces outils de formation. Dans une troisième phase de l’étude, une modélisation statistique du Modèle adapté sera effectuée.
Cependant, la première phase de notre étude comporte quelques limites. D’abord, la faible participation à l’entretien de groupe du Québec ne nous a pas permis de former au moins deux groupes de discussion, ce qui aurait favorisé la saturation des données. De plus, aucune direction participante ne travaille à Montréal, région cosmopolite, étant donné que nous avons seulement sollicité les membres de la Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement-FQDE. En outre, le temps restreint qui nous a été alloué pour réaliser les entretiens de groupe ne nous a pas permis d’approfondir certaines réponses offertes par les participants comme nous l’aurions souhaité. En effet, les directions d’établissement scolaire sont énormément sollicitées et leur emploi du temps est très chargé (St-Germain, 2013). En fonction des trois limites évoquées et en guise de pistes pour de futures recherches, nous croyons que cette recherche pourrait très bien être répliquée avec d’autres groupes de directions d’établissement scolaire afin d’assurer la saturation des données. Par ailleurs, cette recherche pourrait être également réalisée dans les autres provinces et territoires du Canada, afin de s’assurer que le Modèle de la compétence interculturelle des directions d’établissement scolaire de langue française est bien adapté à leurs milieux respectifs.
Parties annexes
Annexe
Annexe 1
Note
-
[1]
Nous remercions : - le District scolaire francophone Sud du Nouveau-Brunswick, la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement et les participants de l’étude; les assistantes de recherche : Édith Lacasse et Camille Vallée; les agences subventionnaires suivantes : ministère de l’Éducation postsecondaire, de la Formation et du Travail du Nouveau-Brunswick, Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes du Québec, Université du Québec en Outaouais.
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