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10 propositions pour changer d’école, voilà un texte qui nous semble a priori être un heureux aboutissement de la quête inlassable d’une école des chances en vue de pallier le déclin de l’institution. Il ne s’agit pas de clore le débat. Ce livre ne saurait livrer des solutions clés à la main (p. 7). Il ne présente pas une panacée pour toute école en crise. Mais, on ne peut malheureusement plus se satisfaire de dénoncer. Il faut oser s’inscrire dans une visée thérapeutique. Dubet et Duru-Bellat formulent les propositions suivantes :
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Transmettre et préparer à la vie : l’école française doit cesser d’être, pour l’essentiel, un appareil distribuant des diplômes qui permettent de se placer, pour jouer pleinement son rôle d’instruction et d’éducation des jeunes.
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Faire plus que jamais l’éloge de la pédagogie : La relation entre enseignants et élèves ne doit pas être reléguée au second plan : la qualité de l’expérience scolaire va de pair avec la qualité des apprentissages. Un apprentissage réussi dépend largement du climat de la classe.
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Choisir le métier d’enseigner : une formation de type universitaire ne saurait ipso facto se substituer à une formation professionnelle. Ce qui vaut pour l’hôpital, l’industrie et la recherche scientifique vaut aussi pour l’éducation. Enseigner s’enseigne.
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Éduquer ensemble : entre des lycées au public socialement défavorisé et des lycées au public favorisé, il faut tendre vers une formation à l’unisson en souscrivant à une plus grande mixité sociale ou ethnique à l’école.
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Construire l’égalité des sexes : l’égalité des chances doit s’accompagner d’une égalité des sexes. Comme l’ont montré des travaux canadiens, l’affranchissement des stéréotypes de sexe s’accompagne d’une meilleure réussite scolaire pour tous les jeunes.
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Former des citoyens : pour une école française juste, on peut soit étendre l’interdiction des signes religieux à tous les établissements scolaires, soit se proposer d’être véritablement tolérant, à l’image du Québec.
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Combattre l’hégémonie du diplôme : en France, c’est la logique de niveau qui supplante la logique de compétence. Pourtant, l’école ne peut pas toujours tout. Parfois, il faut laisser la logique de marché se déployer.
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Bâtir une école juste : l’égalité des chances ou égalité de traitement de tous les élèves doit être prioritaire. Mieux, on peut se tourner du côté de l’égalité des résultats, considérant les différences.
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Réinventer l’institution scolaire : le fonctionnement de l’école républicaine repose sur un idéal bureaucratique qui doit beaucoup à l’Église. Or, professionnel, un enseignant ne saurait se contenter d’obéir. Entre travail réel et travail statutaire, le métier d’enseigner doit être redéfini.
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Rétablir la confiance démocratique : aujourd’hui, nul ne devrait logiquement être écarté du processus d’apprentissage des élèves. Une école juste et démocratique élargit le débat scolaire au-delà du sanctuaire.
Au final, ce livre de Dubet et Duru-Bellat a le mérite de nous plonger à mains nues au plus profond de certaines contradictions flagrantes de l’école républicaine. Plus qu’un traditionnel procès de l’école française, c’est l’expression d’un noble souci : proposer des orientations précises. Un texte qui aurait d’ailleurs pu gagner davantage en concision. Cependant, on peut comprendre le choix d’éduquer. À lire absolument et à méditer.