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Dans cet ouvrage, l’auteure présente sa thèse de doctorat (Université de Lausanne, 2013), qui porte sur l’autonomie des élèves inscrits en enseignement élémentaire. La méthode de collecte de données est ethnographique et comporte la réalisation d’entrevues avec des enseignants, élèves et parents, ainsi que des observations consignées dans un journal de bord par la chercheure. La collecte a été réalisée de 2006 à 2008.
La chercheure ne présente pas de cadre conceptuel. Elle ne décrit pas sa méthode d’analyse des données. À travers les divers chapitres, elle présente sa vision et l’étaye à partir de données d’observation, d’extraits d’entrevues ou d’extraits d’ouvrages plus scientifiques. La construction de l’argumentaire laisse donc à penser que les résultats de recherche ne découlent pas des données collectées. Le terrain n’amène pas à la théorisation, mais il trouve prétexte à illustrer la théorie. Dans ce contexte, il est difficile pour un lecteur averti d’évaluer la pertinence de l’avancée des connaissances apportée par cette thèse qui reprend un discours connu en Europe (théories de la reproduction sociale à travers l’École).
L’autonomie est vue comme une capacité (pouvoir faire seul) et comme une liberté (choisir, décider seul) de l’élève. Un élève autonome est un élève qui demande peu à l’enseignant. Celui-ci n’est alors qu’un soutien, un accompagnateur. L’élève apprend seul. Toutefois, tous les élèves n’arrivent pas à être autonomes et certains demandent beaucoup aux enseignants. La théorie de la chercheure est que les enseignants sont confrontés à un paradoxe : ils doivent amener un élève à vouloir ce qui lui est imposé. L’autonomie est alors vue comme une affaire de volonté et d’effort de la part de l’élève. L’auteure propose une typologie de quatre formes d’engagement (intellectuel, instrumental, moral ou expressif) au travers desquelles l’élève est amené à faire un lien entre ses actions et sa personne, le but étant qu’il s’attribue les causes de ses comportements et de ses choix.
Cet ouvrage s’inscrit en droite ligne de l’école de Bourdieu qui met de l’avant la théorie de la reproduction d’un groupe social dominant par des dispositifs scolaires invisibles axés sur des curricula cachés, implicites, dont ni les enseignants, ni les élèves et ni leurs parents n’ont conscience. Ici, le sociologue est celui qui sait, qui observe et qui dénonce : le discours sur l’autonomie n’est pas libérateur pour les élèves issus des milieux populaires. L’injonction d’autonomie nécessite un élève « idéal, » qui saurait se maîtriser, se contrôler, qui voudrait et saurait apprendre tout seul, qui possèderait des attributs déjà acquis à travers l’expérience familiale.
Très bien écrit, cet ouvrage intéressera les fervents de Bourdieu, Bernstein, etc. Sans conteste, il donnera également des éléments de réflexion aux acteurs scolaires. Si la recherche avait pour but de permettre une meilleure perception des enjeux pédagogiques cognitifs et sociaux qui sous-tendent la valorisation de l’autonomie de l’élève à l’école élémentaire, l’auteure parvient à transmettre brillamment sa thèse sans pour cela réussir à convaincre que celle-ci est la seule possible.