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L’intérêt de cet ouvrage réside dans le fait qu’il réunit, autour de la littérature pour la jeunesse française, plusieurs disciplines des sciences humaines afin de dresser un état des lieux des représentations du féminin et du masculin dans les productions de l’après-guerre à nos jours.
Ambitieux chantier, cet ouvrage s’articule en trois parties : 1) les représentations du masculin et du féminin ; 2) les collections et séries destinées aux filles ; et 3) les livres d’images. Chacune d’entre elles présente des chapitres originaux qui contribuent avec force diversité à ce champ du savoir. Un prologue et un épilogue comprenant des contributions placées sous le regard des sciences humaines encadrent les contenus des parties thématiques.
Vaste observatoire interdisciplinaire, la littérature pour la jeunesse est ici scrutée par des approches empruntant aux lettres, à l’Histoire, aux sciences politiques, à la sociologie ou à la pédagogie ; soit autant de disciplines pour traiter de ce complexe objet culturel. Cette pluralité des points de vue est une force de cet ouvrage : le lecteur y découvre tant certains fondements administratifs, tels des lois ayant influencé les productions pour la jeunesse et le choix des représentations du féminin et du masculin qui y sont véhiculées, que la réception de livres d’images, chez les enfants et les adolescents, en contexte familial ou scolaire, qui participent à la construction de représentations sociales plus ou moins stéréotypées.
D’emblée, les directeurs de ce collectif affirment qu’en matière de représentations, les chercheurs spécialistes de littérature tendent […] à privilégier le versant féminin (Connan-Pintado et Béhotéguy, p. 13). À cet égard, les première et troisième parties de l’ouvrage contribuent de façon audacieuse à la discipline. Ces deux sections de l’ouvrage, appréhendées sous l’angle de l’auteur (production), du lecteur (réception) ou du personnage, étudient de façon éclectique le genre, explorant l’androgynie (Bazin), les représentations de la masculinité (Aronsson), ou les stéréotypes véhiculés dans les mangas (Détrez). Les études liées à la réception des albums, apport spécifique de la troisième partie, donnent lieu à des contributions pédagogiques stimulantes. Ferrière et Morin-Messabel proposent ainsi à des enseignantes de présenter un album contre-stéréotypé à leur classe de maternelle ; de ce contexte, elles analysent les interactions filles-garçons et les relances des enseignantes. Non dénuée d’intérêt, la deuxième partie de l’ouvrage se déploie toutefois dans un certain prolongement d’études antérieures s’intéressant au versant féminin des représentations en littérature pour la jeunesse.
Ces quelques exemples ne constituent qu’un aperçu de la teneur des connaissances élaborées dans cet ouvrage. Contribution probante à la littérature pour la jeunesse, ce collectif jette un regard nouveau sur la discipline. Aussi suscitera-t-il davantage l’intérêt des chercheurs, par la diversité de ses assises théoriques, bien que certains pans plus empiriques pourraient agréablement surprendre les intervenants du milieu de l’éducation.