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L’auteure du présent ouvrage examine l’ouverture au pluralisme en milieu scolaire dans quatre contextes sociaux décrits comme des majorités fragiles : la Belgique, la Catalogne, l’Irlande et le Québec. Par « majorités fragiles », on entend les majorités qui évoluent dans des rapports ethniques particuliers et qui, historiquement, ont été victimes d’inégalités sur le plan national. Dans ce contexte, ces majorités détiennent un pouvoir plus partagé. Marie Mc Andrew s’interroge d’abord sur le rapport à l’autre majoritaire, dont elle parle en termes de « diversité profonde », en examinant les structures scolaires mises en place pour favoriser des rapports ethniques harmonieux entre ces deux groupes. Dans un deuxième temps, elle se penche sur le rapport à l’autre minoritaire, c’est-à-dire, à la diversité issue de l’immigration, à travers les politiques d’intégration linguistique et d’égalité des chances mises en place pour ces élèves.
Dans son ensemble, l’ouvrage s’avère pertinent pour les raisons suivantes. Premièrement, la notion de majorité fragile apporte un éclairage nouveau sur la situation de certains groupes qui occupent une place que l’on pourrait qualifier « d’ambiguë » dans la sphère publique. L’utilisation d’un tel concept met ainsi en lumière la grande complexité des rapports entretenus avec la majorité et les nuances à apporter dans l’examen de ces rapports, tout en nous éloignant d’une vision essentialiste des rapports ethniques. Deuxièmement, le caractère comparatif de l’analyse descriptive présentée permet de mieux saisir cette complexité. En effet, la description des quatre réalités montre bien les points communs, mais également les nuances à apporter lorsque l’on tente de comprendre les rapports de force dans lesquels ces majorités fragiles ont évolué dans le temps et les enjeux auxquels elles font face dans le monde d’aujourd’hui. Une troisième force de l’ouvrage est de brosser un tableau détaillé de la façon dont les politiques sont mises en oeuvre à travers les programmes scolaires et autres interventions auprès des élèves. Cette approche permet ainsi de mieux comprendre les défis auxquels font face les intervenantes et intervenants de l’éducation dans la mise en oeuvre de ces initiatives.
Les lectrices et lecteurs auraient pu bénéficier cependant de précisions en ce qui concerne la méthodologie utilisée. Une mise en contexte aurait en effet été utile. L’analyse présentée repose en grande partie sur les travaux de l’auteure en ce qui a trait au Québec. Dans le cas des trois autres majorités fragiles, il s’avère plus difficile de savoir comment l’auteure a procédé. Est-ce à partir de travaux collaboratifs avec des chercheures et chercheurs de ces territoires ? Est-ce à partir des écrits de recherche qui existent sur le sujet ? Cette deuxième possibilité pourrait sans doute expliquer pourquoi ces études de cas sont parfois moins détaillées que celle du Québec. Il n’en demeure pas moins que cet ouvrage s’avère un outil important pour les chercheures et chercheurs qui travaillent en éducation, dans le domaine particulier des majorités fragiles, et dans celui des minorités linguistiques en général. Notons, pour finir, qu’en 2013, cet ouvrage a été traduit sous le titre Fragile Majorities and Education : Belgium, Catalonia, Northern Ireland, Quebec, aux Presses universitaires Mc Gill-Queen’s.