Recensions

Tsimbidy M. et Rezzouk, A. (2012). La jeunesse au miroir. Les pouvoirs du personnage. Paris, France : L’Harmattan[Notice]

  • Cynthia Harvey

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  • Cynthia Harvey
    Université du Québec à Chicoutimi

Cet ouvrage réunit les contributions d’une vingtaine de chercheurs sur la littérature jeunesse d’hier et d’aujourd’hui. La problématique collective porte sur la figure du méchant, tant celui des contes traditionnels, du théâtre pour jeunes, que celui des romans, films et récits du XXe siècle (Star Wars, Le Seigneur des anneaux, comic books, etc.) et contemporains (Harry Potter, etc.). « Quelle méchante idée d’organiser une journée dédiée à un personnage, ou plus exactement à un caractère négatif des histoires et des contes ! » ironise Pierre le Guirinec qui étudie la représentation du méchant dans l’album d’enfance contemporain. « De quelle façon le méchant peut-il être sauvé et par qui ? », se demande Alice Reibel qui s’intéresse quant à elle aux oeuvres de fantasy. « Les enfants ont besoin de savoir qui sont les bons et les méchants », pose Myriam Tsimbidy (p. 61) à la suite de Vincent Jouve, référence incontournable de plusieurs de ces articles. « L’impact du code affectif dans le rapport du jeune lecteur au personnage est d’autant plus fort que son identité est en construction. Passer de l’autre côté du miroir, c’est traverser » la surface spéculaire du texte pour découvrir une autre face de soi et du monde (p. 11), affirme Myriam Tsimbidy. Le rôle du méchant dans la littérature jeunesse consiste alors peut-être à traquer en soi l’innommable (p. 71) et à éviter à l’enfant d’être méchant, conclut-elle. Chacun à sa façon, les auteurs analysent la complexité des rapports du jeune lecteur avec les incarnations du méchant, envisagé comme système de significations esthétiques, idéologiques et morales jamais stables […], ce qui le rend fascinant (p. 70). Ils s’interrogent sur la contamination du mal ou encore sur les ressorts cachés d’une méchanceté qui apparaît parfois en réaction à une situation précise, une situation d’injustice, par exemple. On l’aura compris à l’éclectisme de ce compte rendu : ces articles constituent des actes de colloque. Si l’avant-propos de cet ouvrage arrive à masquer l’origine des textes, la variété des contributions et la redondance de certains postulats (la question de l’identification de l’enfant au personnage, le manichéisme des oeuvres traditionnelles pour la jeunesse, etc.) le rappellent au lecteur. Cela dit, la problématique est on ne peut plus fertile et ouvre la voie à des réflexions stimulantes pour qui s’intéresse à la littérature jeunesse, mais aussi à la littérature et à l’éthique en général. Qui ne s’est jamais préoccupé de cet autre menaçant en lui, c’est-à-dire de son adversaire, cette part sombre qui sommeille en chacun ? En examinant les conditions d’émergence de la figure du méchant dans les multiples oeuvres à l’étude, les auteurs de cet ouvrage mettent en lumière un personnage incontournable de la littérature, qu’elle s’adresse aux jeunes ou aux moins jeunes ; ils exposent également une face cachée de la condition humaine.