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Ce collectif présente les résultats d’un programme de recherche qui a regroupé plusieurs didacticiens du français s’intéressant à la part didactique des écrits professionnels d’enseignants de diverses disciplines. L’originalité tient à l’invitation faite à des chercheurs d’autres domaines à discuter des travaux, chaque texte étant accompagné d’un point de vue extérieur afin de dégager la spécificité de l’approche didactique. Ainsi, une critique sociolinguiste remettra en question la pertinence de la recherche à partir de tels corpus sans un rattachement et un ancrage forts dans les conditions matérielles de leur production et de leur utilisation. Un ouvrage original et audacieux !
La recherche vise à comprendre le travail des enseignants par l’analyse d’écrits professionnels selon une approche didactique qui prend comme objet les écrits produits dans le métier au quotidien, des outils négligés dans la recherche en didactique. La méthodologie de construction des données est commune à l’ensemble (entretiens, observations, recueil des écrits) ; celle de l’analyse a été laissée à chacun.
Qu’est-ce qu’un écrit didactique ? Daunay propose une tentative de catégorisation des écrits professionnels selon deux critères : leur fonction et leur circulation. La fonction didactique serait dominante dans les écrits des enseignants, la plupart ayant un rapport avec l’organisation concrète de l’enseignement d’un contenu de savoir. Le groupe délimitera l’objet d’étude : un écrit qui entretient un lien avec le système didactique, c’est-à-dire où il y a présence des trois éléments savoir, enseignant et élève. Un critère complémentaire pour catégoriser les écrits : leur circulation, ils sont destinés principalement aux élèves et à l’enseignant lui-même.
Un phénomène apparaît dès les premières analyses : l’écart entre travail visible et caché. Ainsi, certaines formes d’écriture, ne relevant pas d’actes d’enseignement explicites, ne sont pas mentionnées spontanément, ne sont donc pas perçues comme des tâches réelles du métier. On rejoint les conclusions de travaux en ergonomie du travail et en didactique professionnelle à propos du travail prescrit et du travail réel.
Les chapitres détaillent les analyses selon divers types d’écrits : tableaux de classe, journaux de bord, préparations et supports de cours, faisant bien ressortir leur spécificité et leur hétérogénéité. Ainsi, le tableau peut être utilisé comme organisateur et fixateur de savoirs si ce qu’on y inscrit est préconstruit, ou évolutif dans un cours dialogué si les savoirs sont coconstruits avec les élèves. L’analyse des préparations de cours soulève certaines tensions structurelles du travail, comme l’enjeu lié à l’autonomie professionnelle prescription/standardisation ou liberté/improvisation. Mentionnons également une caractéristique des supports de cours produits : leur anonymat. S’agit-il d’un indice de déresponsabilisation de la part des enseignants, ou du peu de valeur accordée au matériel produit ?
La conclusion fait ressortir les principaux apports didactiques et méthodologiques de l’étude, avance d’autres dimensions, émotionnelle et artisanale, du travail enseignant dans la création de ces écrits et propose de poursuivre l’étude dans un environnement numérique (blogue, forum, etc.).
Ce rapport de recherche présente un intérêt indéniable pour la didactique et les pistes d’études et de formation qu’il soulève. L’ouvrage interpellera et intéressera les chercheurs et les didacticiens formateurs d’enseignants.