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Ce livre présente le résultat d’une démarche de recherche d’une équipe rattachée à l’Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) de Montpellier. Des rencontres fréquentes et une ouverture au dialogue entre les praticiens et les chercheurs auront couronné de succès cette entreprise.
L’ouvrage se divise en deux parties très distinctes. La première comporte deux longs chapitres qui présentent les fondements épistémologiques et éthiques qui sous-tendent les travaux, ainsi que le modèle théorique de l’agir enseignant et ses ajustements (p. 3). La seconde partie aligne douze recherches empiriques, servant à regarder à la loupe (p. 1) les débuts de cours ou de courts moments de classe. Ces études au microscope ont ainsi permis de mettre en évidence l’importance de la composante langagière dans l’agir professionnel et de dégager quatre gestes qui se retrouvent dans l’ensemble des situations étudiées, malgré leur variété disciplinaire et la dispersion dans le cursus scolaire (p. 271) : les gestes d’atmosphère, de tissage, de pilotage et d’étayage.
Une grande force de cet ouvrage est l’orientation pratique manifeste qui s’en dégage. Les chercheurs ont voulu comprendre la pratique enseignante en l’observant minutieusement.
Un autre point de vue positif de cet ouvrage est de relater, dans le détail, une démarche d’équipe de recherche. Ainsi, les textes sont parfois signés par des chercheurs patentés, d’autres fois par des étudiants qui présentent les résultats de leur mémoire ou de leur thèse. Cette caractéristique montre bien la formation à la recherche que ces étudiants ont reçue.
Par contre, le lecteur qui s’attend à une démarche documentée pourrait être déçu. Notamment, dans le chapitre 2, alors que les auteurs s’efforcent de décrire le cadre conceptuel, on retrouve bien peu de références explicites dans le texte. Malgré une imposante bibliographie de plus de 200 titres, on lit de longues descriptions des concepts assorties d’extraits de mémoires de maîtrise ou de thèse de doctorat d’étudiants de l’équipe, afin d’illustrer le propos. Les auteurs marquants sont parfois effleurés, parfois évités. On devine que la définition retenue pour les concepts constitue leur posture théorique, sans qu’on en discute la pertinence au regard d’autres travaux dans le champ. Du point de vue de la reproductibilité de la démarche, on peut faire mieux, car bon nombre de sources (une sur cinq) sont issues de communications ou de textes inédits, difficilement accessibles aux lecteurs désireux d’approfondir la lecture.
Bien que les auteurs aient annoncé une démarche éthique et méthodologique, cet aspect s’avère décevant. Les auteurs des études empiriques relatent chacun leur méthodologie, parfois de manière explicite, mais souvent de manière succincte, voire implicite. De plus, les études sont d’ampleur variable, se basant parfois sur une entrevue d’une heure, d’autres fois sur une collecte de données étalée sur plus d’une année. La qualité relatée plus haut devient ici un défaut. L’hétérogénéité des parcours étudiants induit une disproportion, qui se remarque moins quand un ouvrage ne présente que des travaux de chercheurs universitaires. Davantage de systématisation permettrait sans doute à la recherche en éducation, encore bien jeune, de gagner en légitimité dans le champ scientifique.