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Ce numéro thématique sur l’éducation à la santé se veut un espace francophone international d’échange sur un sujet aussi crucial que la santé de nos jeunes.

Selon l’Organisation mondiale de la Santé (1986), l’acquisition de compétences permettant d’effectuer des choix pour favoriser la santé doit se faire dès l’entrée à l’école. D’emblée, l’école joue un rôle déterminant dans le développement de saines habitudes de vie chez les jeunes, puisque les connaissances et les comportements acquis en bas âge peuvent influencer leur conduite à l’âge adulte (Hopper, Munoz, Gruber et Nguyen, 2005 ; Lavallée, Marchildon, Bouchard, Quesnel, et Granier, 2004 ; Rivard et Trudeau, 2006). Dans la foulée, les jeunes inactifs sont peu susceptibles de devenir des adultes actifs, et les comportements établis pendant l’enfance et l’adolescence sont des déterminants essentiels de la santé des adultes (Simon, Klein et Wagner, 2005, p. 217).

De plus, maintes études révèlent des liens positifs entre l’alimentation, l’activité physique et la performance scolaire des adolescents (Sigfusdottir, Kristjansson et Allegrante, 2007) et entre des comportements-santé, l’environnement social et la réussite scolaire (Jourdan et Simar, 2008). Bref, si la santé et la réussite scolaire sont étroitement liées, il s’avère essentiel, pour que les élèves adoptent, dès leur jeune âge, des comportements de bonne santé, que les écoles puissent remplir leur mission éducative principale (Storey, Nanney et Shwartz, 2009).

Il ne fait plus de doute : l’éducation à la santé impose que tous s’impliquent. Dans une vision intégratrice, Harvey (2010) résume les objectifs d’une approche globale pour la santé en milieu scolaire : favoriser l’adoption de comportements sains et la création d’environnements facilitant l’adoption et le maintien de ces comportements. Nous observons donc de plus en plus de changements tant au niveau des politiques éducationnelles que des structures organisationnelles. En effet, nous retrouvons des programmes d’études qui intègrent l’éducation à la santé, et ce, tant au Canada qu’en France et dans d’autres pays.

Ce numéro thématique nous emmène dans l’univers complexe de l’éducation à la santé où les principaux acteurs participent : élèves, enseignants et parents. Il présente sept articles, tous aussi pertinents les uns que les autres.

Commençons par l’article de Marie Agostini et Jeanne Mallet, qui vise à nous faire Comprendre les résistances à l’éducation à la santé : la nature de l’ignorance dans la philosophie de Socrate. Comme le soulignent les auteures, il peut sembler incongru de faire appel à Socrate pour comprendre les résistances à l’éducation à la santé, mais la philosophie antique n’est-elle pas une discipline qui vise à privilégier l’efficacité du discours et à éclairer les conditions de cette efficacité ? D’emblée, grâce aux maîtres de la philosophie, Agostini et Mallet rappellent que le concept de santé ne s’applique pas uniquement au corps… mais aussi à l’âme. Ainsi, confrontant théorie et pratique, elles tentent de comprendre comment la philosophie de Socrate permet d’expliquer les différentes résistances que rencontre l’éducation à la santé et de voir comment elle propose d’y répondre. Pour illustrer cette approche théorique, le fumeur devient le cas concret de la résistance à l’éducation à la santé. En effet, le fumeur informé de tous les risques courus continue-t-il de fumer par ignorance, par plaisir ou par choix ? Que propose donc l’examen de ce cas sous la houlette de la perspective de Socrate ? Dans le cas de résistance à l’éducation à la santé par ignorance, il n’y a qu’une adhésion logique, car l’individu comprend les informations relatives aux risques, mais ces informations factuelles ne l’affectent pas suffisamment au point de remettre en question son rapport à l’existence… pour une prise de conscience réelle. À l’opposé, nous pouvons trouver la possibilité d’une résistance légitime à l’éducation à la santé par choix existentiel délibéré. L’éducateur doit alors amener son apprenant à prendre pleinement conscience de ce que représente chacun des termes santé, mort, souffrances, dangers, risques, etc. Le travail de l’éducateur est complexe, car il s’agit de travailler sur les représentations de chacun, alors même que chacun nourrit des représentations différentes selon ses expériences et ses réalités socioculturelles.

Il faut donc que cette éducation à la santé ne soit pas seulement une éducation à la santé du corps, qui se contente d’informer sur la gestion médicale des risques, mais bien également une éducation à la santé de l’âme, qui engage une démarche réflexive donnant à chacun la possibilité de découvrir le sens même de l’éducation à la santé : pourquoi préserver sa santé ? Autrement dit, pourquoi vivre ? En tant que démarche réflexive sur le sens et la valeur que l’on accorde à l’existence, l’éducation à la santé devient philosophique et se transforme en une médecine de l’âme

p. 643-644

La conception socratique de la relation éducative consiste à mieux comprendre les choix de chacun afin d’accompagner l’apprenant dans une démarche philosophique qui lui permettra une connaissance de soi plus approfondie. L’article d’Agostini et Mallet nous amène à une réflexion fort juste pour mieux comprendre les cas de résistance à l’éducation à la santé.

Jean Bélanger, Michel Janosz, Isabelle Archambault et Hélène Riberdy dressent un Portrait de la violence dans des écoles secondaires montréalaises : enjeux pour l’éducation à la santé. Devant l’ampleur de la violence, en 2004, l’Organisation mondiale de la Santé a proposé un plan d’action interpellant différents acteurs, dont les écoles. En fait, les auteurs soulignent que la violence en milieu scolaire est un problème important qui doit être abordé sous l’angle de l’éducation à la santé. Les études révèlent, entre autres, que la victimisation chez les jeunes est souvent associée à un faible sentiment de compétence scolaire et d’auto-efficacité, au manque d’intérêt envers les activités scolaires, ainsi qu’au décrochage scolaire (Buhs et collab., 2006 ; Kochenderfer et Ladd, 1996 ; Paul et Cillessen, 2003). Si la violence dans les écoles est un domaine de recherche relativement assez étudié, il demeure que celle qui survient dans l’intimité des premières relations amoureuses est peu abordée.

C’est pourquoi les auteurs s’attardent à mieux comprendre non seulement la victimisation entre pairs, mais aussi celle vécue dans les relations amoureuses et selon différentes variables, comme le sexe, l’âge et le secteur de formation (régulier et adaptation scolaire). Cette étude a été menée en 1999-2000 auprès de plus de 20 000 élèves fréquentant 36 écoles secondaires publiques francophones de Montréal.

Les résultats ne laissent aucun doute sur l’ampleur de la victimisation de la violence vécue par les élèves qui fréquentent les écoles publiques francophones de la région de Montréal. Il appert que dans les six premiers mois de l’année scolaire, près de 60 % des élèves ont été victimes au moins une fois de violence de la part d’un de leurs pairs. En ce qui a trait à la violence dans les relations amoureuses, près d’un jeune sur cinq en est victime, indépendamment du sexe ou du niveau scolaire.

L’éducation à la santé peut-elle être la panacée ? Non. Conscients de la complexité de la problématique, les auteurs affirment que l’intervention pour contrer la violence doit comprendre à la fois des actions de promotion de la santé, de prévention, d’intervention situationnelle et de réadaptation (Desbiens, Lanaris et Massé, 2005). C’est donc un ensemble d’interventions bien coordonnées qui permettra d’aider à la résolution de ce problème, et l’éducation à la santé en fait partie (p. 663).

Article très touchant qui révèle toute la complexité des premières relations amoureuses chez les jeunes.

Parlant de relations amoureuses, Lise Renaud et Louise Sauvé exposent la conception et l’évaluation d’un jeu éducatif sur les infections transmises sexuellement ! Quoi de plus agréable que de jouer ? Et combien encore plus plaisant de jouer et d’apprendre ! C’est le sujet de l’article Validation par les experts et évaluation de l’efficacité d’un jeu éducatif en ligne sur les attitudes des jeunes de 13 et 14 ans à l’égard de la santé sexuelle.

La revue des écrits de recherche présentée dans l’article nous révèle que l’intégration de contenus d’apprentissage dans les jeux peut entraîner des changements d’attitudes (Bijker, Van Buuren et Wynants, 2006 ; Bottino, Ferlino, Ott et Tavella, 2007). Cependant, la méta-analyse de Bailey, Murray, Rait, Mercer, Morris, Peacock, Cassell et Nazareth (2009) sur l’efficacité de 15 interventions en ligne au sujet de la promotion de la santé sexuelle montre un effet majeur sur les connaissances et un léger effet sur les attitudes des participants, comparativement à une intervention face à face. Malgré ce résultat, les deux chercheuses partent à l’aventure et développent, à l’aide d’enseignants, de praticiens de la santé pour la prévention et la promotion de la santé et d’une équipe technique, le jeu ITS : Stopper la transmission ; ce jeu porte sur les infections transmissibles sexuellement et il s’adresse aux élèves de 13 à 14 ans.

Leur étude tente de répondre à la question : Le jeu ITS : Stopper la transmission favorise-t-il le changement sur le plan des attitudes envers les infections à transmission sexuelle chez les jeunes ? Tout développement d’un objet exige une étape cruciale : l’évaluation formative avant sa mise en application. Ainsi, le jeu a été soumis à dix experts. À la suite des commentaires reçus, il été modifié pour mieux répondre à son jeune public. Suivant une méthodologie expérimentale, avec pré et post-test, le jeu éducatif en ligne a été évalué auprès de 173 élèves du secondaire. Globalement, […] 1) une amélioration de la perception générale des jeunes à l’égard des infections transmissibles sexuellement, 2) une perception accrue de leur vulnérabilité, 3) une meilleure perception de la gravité des conséquences, 4) un fort sentiment de contrôle, 5) une perception accrue de leur capacité à contrer les obstacles pour passer à l’action (p. 688).

Or, si le jeu éducatif en ligne ITS : Stopper la transmission a permis de révéler des attitudes plus favorables à des actions en lien avec les infections à transmission sexuelle, le jeu conduit-il les jeunes à l’utilisation de préservatifs ? La lecture de cet article riche en information vous révèlera la réponse !

Dirigeons-nous maintenant vers trois articles qui interrogent les pratiques des enseignants.

Caroline Bizzoni-Prévieux, Joanne Otis, Corinne Mérini, Johanne Grenier et Didier Jourdan abordent L’éducation à la santé à l’école primaire : approche comparative des pratiques au Québec et en France. D’abord, les auteurs exposent de façon globale des éléments spécifiques aux systèmes éducatifs français et québécois. Quant à l’éducation à la santé, à l’école primaire française, les activités d’éducation en ce domaine peuvent être mises en place selon une approche pluridisciplinaire susceptible d’inclure des dimensions physiologiques, de connaissance de soi ou de respect de soi et d’autrui, dans toutes les situations de la vie quotidienne ou dans le cadre d’approches plus spécifiques (Jourdan, 2006). Par comparaison, à l’école primaire québécoise, l’éducation à la santé se situe à deux niveaux : dans le domaine d’apprentissage du développement personnel, par le biais des cours en éducation physique et à la santé où l’enfant est amené à adopter un mode de vie sain et actif, et dans un domaine général de formation intitulé Santé et bien-être, qui se retrouve sous la responsabilité de l’équipe-école.

Or, comme le soulignent les auteurs, même si l’éducation à la santé constitue un devoir, il n’en demeure pas moins que celle-ci semble plutôt négligée par les instances scolaires. C’est en souhaitant ancrer l’éducation à la santé à l’école que les auteurs se posent la question suivante : Quelles sont les similitudes et les différences des actions en éducation à la santé mises en oeuvre dans les écoles françaises et québécoises ? L’étude vise donc à analyser des pratiques en éducation à la santé dans six écoles primaires en France et six écoles primaires au Québec. D’abord, en analysant des actions à travers la définition de Mérini (2007), qui permet de caractériser la nature de ces actions et leur niveau de complexité ; ensuite, en s’appuyant sur des traces de pratiques explicites, soit tous les écrits professionnels ayant trait à l’éducation à la santé, produits dans les écoles pendant une année scolaire.

À partir d’une analyse comparée, la recherche s’appuie sur une logique qualitative, descriptive et interprétative et repose sur l’étude de cas multiples (Merriam, 1988).

D’emblée, certains résultats sont frappants : d’abord, 106 actions en éducation à la santé ont été répertoriées dans les écoles au Québec, comparativement à 33 actions dans les écoles en France. Également, au Québec, les écoles semblent davantage promouvoir le rapport à soi que les autres types de rapports, comme le préconise le programme de formation. En France, ce sont les rapports aux autres et au passé qui semblent être privilégiés, éléments qui caractérisent l’école française dans sa manière de penser la santé en relation avec la citoyenneté.

Une autre différence : dans les écoles françaises, les actions liées à l’éducation à la santé seraient mises en place à travers des savoirs n’appartenant pas au domaine de l’éducation physique, alors que dans les écoles québécoises, ces actions s’inscrivent dans le cadre de l’éducation physique (Turcotte 2006 et Michaud, 2002). Cette divergence s’expliquerait par la présence ou non d’un enseignant spécialiste en éducation physique au primaire.

En mettant en lumière les pratiques mises en place, cette étude contribue […]à l’ouverture d’un nouveau paradigme, celui de l’éducation à la santé à l’école, qui donne le primat à la question éducative plutôt qu’à celle de la prévention, habituellement soutenue par la santé publique (p. 711).

Parlant d’enseignant en éducation physique, à point nommé, Sylvain Turcotte, Louise Gaudreau, Joanne Otis et Jean-François Desbiens, dans leur article, étudient aussi Les pratiques pédagogiques d’éducateurs physiques du primaire en éducation à la santé. Au Québec, le nouveau programme d’éducation physique et à la santé, l’Adoption d’un mode de vie sain et actif, doit permettre à l’élève de s’engager dans une démarche visant l’amélioration de ses habitudes de vie au regard de sa santé et de son bien-être (Ministère de l’Éducation du Québec, 2001).

Les auteurs se demandent comment les éducateurs physiques abordent l’enseignement en éducation à la santé, sachant que, d’ores et déjà, des études recensent plusieurs problèmes quant à cette pratique : manque de temps d’enseignement, manque de préparation professionnelle lors de la formation initiale et durant les formations continues, manque de ressources matérielles, difficultés dans l’évaluation des apprentissages, difficulté à établir un partenariat avec d’autres intervenants, empiètement du temps d’enseignement en éducation à la santé sur celui de l’éducation physique (Beaudoin, Trudel et Mathias, 2006 ; Bizzonni-Prévieux, Grenier, Mérini, Jourdan et Otis, 2008). En outre, Cogérino et ses collaboratrices (1998) constatent que même la conception des éducateurs physiques diffère quant aux objectifs de l’éducation à la santé et aux conditions de mise en oeuvre de cet enseignement.

Ainsi, de façon spécifique, les objectifs de cette recherche consistent, premièrement, à identifier et à décrire les principales pratiques pédagogiques d’éducateurs physiques québécois du primaire lorsqu’ils interviennent en éducation à la santé ; et deuxièmement, à dégager les motifs invoqués par ces derniers dans le choix de ces pratiques. La méthodologie privilégiée est l’étude de cas multiples à laquelle dix éducateurs physiques ont participé. Plusieurs méthodes de cueillette de données ont été utilisées : un questionnaire auto-administré, de l’observation à l’aide de caméras et une entrevue semi-dirigée.

Les résultats révèlent que les deux orientations pédagogiques prédominantes recensées diffèrent largement de celles privilégiées dans le nouveau programme de formation de l’école québécoise, qui repose sur une perspective de gestion appropriative de sa santé et de son bien-être. Il semble que les éducateurs physiques tendent à transposer certaines pratiques pédagogiques de l’éducation physique en éducation à la santé. D’où l’importance d’encourager un décloisonnement des pratiques pédagogiques des enseignants en éducation physique et à la santé par rapport aux pratiques traditionnelles reliées à cette discipline scolaire. Décloisonnement qui ne peut s’effectuer sans une clarification des fondements sur lesquels a reposé jusqu’à maintenant l’identité professionnelle des éducateurs physiques. Cette clarification permettrait également d’établir les besoins véritables reliés à une éducation à la santé en milieu scolaire et au rôle dévolu à l’éducation physique dans la mise en oeuvre d’une approche de santé globale en milieu scolaire (p. 735).

Cet article expose des résultats surprenants, mais à la fois attendus. Il n’est jamais facile d’intégrer du contenu nouveau dans une pratique d’enseignement habituelle. Toutefois, les auteurs proposent des pistes de solution riches et pratiques pour favoriser une intégration réussie de l’éducation à la santé dans les cours d’éducation physique. Un article incontournable, entre autres, pour tous les professeurs de formation des maîtres dans ce domaine.

Carine Simar et Didier Jourdan abordent l’Éducation à la santé à l’école : étude des déterminants des pratiques des enseignants du premier degré. En France, comme dans plusieurs autres pays, l’éducation à la santé doit contribuer à l’émancipation des jeunes en leur permettant de s’approprier les moyens d’opérer des choix, d’adopter des comportements responsables, pour eux-mêmes comme vis-à-vis d’autrui et de l’environnement (Ministère de l’Éducation nationale de France, 1998). L’éducation à la santé s’inscrit comme une compétence transversale que les enseignants doivent intégrer dans leur enseignement. Par leurs pratiques quotidiennes d’enseignement de l’éducation à la santé auprès des jeunes, ils jouent un rôle indéniable. À la suite d’une revue exhaustive des écrits sur les déterminants possibles des enseignants lors de leur enseignement, les auteurs concluent que les enseignants reconstruisent des dispositifs prenant en compte non seulement les prescriptions, mais aussi leurs propres représentations, les besoins des élèves et le contexte de l’école (Goigoux, 2007).

Tel que le mentionnent les chercheurs, pour la recherche en éducation, l’enjeu n’est pas de savoir si les enseignants mettent en oeuvre ou non le programme de l’éducation à la santé composé par des experts, mais bien d’identifier quels déterminants conditionnent la mise en oeuvre de pratiques destinées à promouvoir la santé chez les enseignants de l’école primaire.

Les auteurs de cette étude quantitative formulent l’hypothèse que trois types de déterminants sont susceptibles d’intervenir : ceux liés à l’enseignant lui-même (à ses représentations et à ses pratiques), ceux reliés au contexte (écoles, climat d’école) et ceux en lien avec la formation (session de formation et accompagnement des écoles) reçue. Ainsi, à partir des pratiques déclarées par les enseignants, des analyses univariée et multivariée ont été effectuées. Les résultats révèlent que trois facteurs peuvent jouer un rôle clé : l’intérêt que porte un enseignant aux questions d’éducation à la santé, la quantité de formations dont il a bénéficié, et le fait de travailler collectivement à ces questions avant d’amorcer le travail dans sa classe. Ces données conduisent à penser la formation des enseignants dans le domaine plutôt dans une logique de développement professionnel à long terme que d’implantation de modules courts, consacrés à la prévention de tel ou tel problème de santé publique (p. 754).

Les résultats de cet article permettront de guider les professeurs dans la formation des maîtres quant à l’éducation à la santé. Article essentiel à lire si vous êtes de ce nombre.

L’article de Marie-Claude Rivard, Rollande Deslandes et Marie Collet s’attache à l’Approche école en santé au primaire : points de vue des parents. Nous le savons, les parents jouent un rôle incontournable dans la réussite éducative des enfants et des adolescents (Deslandes, 2005 ; ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2005). A fortiori, ils sont des modèles sans égal pour encourager leurs enfants à l’activité physique et à une saine alimentation. Au Québec, les résultats de l’étude de Trudeau, Czaplicki, Laurencelle, Deslandes, Rivard et Blais (2008) révèlent que le père a une plus grande influence au regard de la pratique d’activités physiques, alors que la mère agirait davantage au regard d’une saine alimentation sur leurs enfants.

Il s’avère donc important de savoir ce que pensent les parents de l’éducation à la santé à l’école. Comment perçoivent-ils leur rôle en matière de santé ? Que font-ils pour y contribuer et comment s’engagent-ils au sein de l’approche école en santé ? De judicieuses questions auxquelles les chercheuses ont tenté de trouver des éléments de réponse. Pour y arriver, elles ont basé leurs assises théoriques et méthodologiques sur deux approches. Premièrement, le modèle de Christenson et Sheridan (2001), où le processus de partenariat comprend quatre thèmes : l’approche, l’atmosphère, les actions et les attitudes (ce dernier point n’est pas abordé dans l’étude). Deuxièmement, l’Approche école en santé du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (2005) comprenant deux ordres, individuel et environnemental, avec six facteurs clés du développement des jeunes. Notons qu’une seule étude ne pourrait aborder ces six facteurs. Ainsi, celle-ci a le mérite d’examiner de façon plus spécifique deux facteurs clés : 1) les habitudes de vie spécifiques à l’activité physique et à l’alimentation (ordre individuel) et 2) aux environnements scolaire et familial, avec l’apport des parents (ordre environnemental).

Les deux objectifs de l’étude consistent d’abord à examiner les perceptions des parents à l’égard de la santé à l’école et de leur rôle en matière de promotion de la santé et, ensuite, à identifier de quelle façon ils s’engagent dans le déploiement de l’Approche école en santé à travers les environnements scolaire et familial. Une étude de cas a été menée auprès de 74 parents qui ont rempli un questionnaire. Six d’entre eux ont participé à un entretien de groupe.

Comme les auteures l’appréhendaient, les résultats montrent que les parents ont une perception limitée de la santé. Si les résultats révèlent toutefois des éléments positifs quant à trois thèmes, approche, atmosphère et actions, il n’en demeure pas moins que cette étude révèle toute l’importance de dépasser le stade des habitudes de vie couramment mentionnées par les parents, afin de s’inscrire dans une réelle démarche de santé globale au sens de l’Approche école en santé, et d’étudier plus en profondeur le quatrième thème, les attitudes des personnes concernées, […] pour développer une compréhension globale du phénomène et pour en assurer la pérennité (p. 779).

Conclusion

Selon nous, le numéro thématique Éducation à la santé a atteint ses objectifs :

  • faire le point sur l’éducation à la santé aux niveaux national et international ;

  • analyser des méthodes d’apprentissage à l’éducation à la santé ;

  • évaluer l’impact des programmes d’éducation à la santé sur les jeunes et leur milieu auprès des jeunes, des enseignants et des parents ;

  • proposer des pistes d’enseignement et d’apprentissage efficaces pour l’éducation à la santé.

Si les articles diffusés dans ce numéro exposent des résultats fort pertinents d’études théoriques et empiriques menées auprès d’élèves, d’enseignants et de parents, il n’en demeure pas moins que d’autres études doivent être entreprises afin de mieux circonscrire la problématique de l’éducation à la santé et d’apporter des pistes d’actions concrètes destinées à l’école.

La réalisation de ce numéro nous a permis de constater que peu d’études abordent l’état de santé des enseignants et des gestionnaires d’école, et a fortiori, que peu ou prou d’études tentent d’analyser les pratiques mises en place par les gestionnaires d’école pour favoriser l’école en santé. Pourtant, l’importance du rôle du gestionnaire d’école dans la façon de piloter un changement n’est plus à démontrer (Collerette et Delisle, 1982 ; Fullan, 2001), qu’il s’agisse de mettre en application un programme, d’inscrire l’école sous la houlette de la santé, d’instaurer une cafétéria santé et tutti quanti. Il revient au gestionnaire d’école d’assumer un leadership dans ce domaine pour assurer la réussite scolaire de tous les élèves. Ainsi, l’éducation à la santé ne devrait plus s’adresser seulement aux jeunes, mais aussi aux adultes, eux qui représentent des modèles pour les jeunes et qui prennent des décisions pour eux.

Bref, force est de constater que même si des programmes d’intervention variés pullulent, le bilan de santé des jeunes demeure inquiétant, et les études de Gravelle (2009) et Poirel (2010) sur le stress des directions d’école imposent aux chercheurs de se pencher davantage sur les différentes facettes de l’éducation à la santé à l’école, et ce, avec tous les acteurs impliqués : élèves, enseignants, parents, directions, intervenants de la communauté, personnel de la santé, etc.

Nous vous souhaitons bonne lecture, bonne réflexion et bougeons tous ensemble !