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Quel est l’objectif premier des écrivains qui produisent de la littérature pour la jeunesse ? Est-il le même depuis Les aventures de Télémaque de Fénélon paru en 1699 ? Mais surtout, quelle latitude laisse-t-on aux enfants et aux adolescents dans des écrits aussi différents que Vendredi et la vie sauvage de Michel Tournier et le cycle Harry Potter de J. K. Rowling ? Le paradoxe de la littérature pour la jeunesse étudiée dans ces actes de colloque permet de comprendre que les auteurs, en créant, oscillent entre une volonté d’éduquer le lectorat, et ainsi le pousser vers l’ère adulte, et la nostalgie de retrouver une enfance perdue.
C’est cela et plus encore qui fait l’objet de cet ouvrage rigoureux préparé par quelque trente-six chercheurs de tout horizon. Des psychanalystes, des linguistes, des historiens tissent une réflexion soutenue, avec pour point de départ cette dualité qui se situe au coeur de la littérature de jeunesse. Le livre se divise en trois parties. Une première, qui compte six articles, dans laquelle les conférenciers montrent comment certains personnages sont amenés, voire forcés à sortir de l’enfance. La deuxième partie est sans doute non seulement la plus importante puisqu’elle regroupe vingt-deux articles, mais aussi la plus pertinente, puisqu’elle rassemble des textes qui permettent de saisir toute la place que le personnage enfant occupe dans cette littérature et surtout le droit qu’il a de rester petit. Virginie Douglas ouvre cette plénière avec un texte brillant dans lequel elle met en lumière toute la complexité de la définition de cette littérature constamment trimballée entre la vision des grands sur ce qu’elle doit être et l’objet premier de celle-ci, en l’occurrence le lecteur enfant. Enfin, dans la troisième section, les auteurs écrivent sur le dialogue entre les deux mondes, qui laisse place à la porosité des frontières.
Pour ceux qui auraient aimé voir une étude chronologique des oeuvres, vous y trouverez plutôt une réflexion évolutive sur le paradoxe de cette littérature. Grâce à cette façon de faire, les oeuvres se chevauchent d’une étude à l’autre, se croisent et ouvrent la voix à des pistes nouvelles. Fort de plus de 490 pages, cet ouvrage contient des réflexions claires, parfois pointues, mais toujours pertinentes sur différents textes aussi variés que Pinocchio, Je ne t’aime plus, Paulus d’Agnès Desarthe ou alors Le Seigneur des anneaux de Tolkien. L’intérêt de ce recueil réside pour beaucoup dans l’objet central de la problématique qui questionne tout en posant un regard sociologique sur une littérature de plus en plus populaire et de plus en plus étudiée. Il est, par ailleurs, un outil d’analyse porteur permettant d’élargir le spectre des recherches. Toutefois, l’absence de bibliographie en fin de certains articles constitue un manque considérable au sérieux de l’ouvrage, ce qui réduit la portée de quelques textes. Il faut aussi savoir qu’aucune mention, sinon des qualificatifs vagues tels que la comparatiste, l’historienne, la linguiste ne nous renseigne sur les auteurs des articles, nous laissant ainsi un peu dans le flou. Pourquoi, par exemple, un psychanalyste se tourne-t-il vers la littérature de jeunesse ? Et quelle est sa contribution dans ce champ de recherche ? Enfin, indéniablement, l’ouvrage s’adresse à un public averti, c’est-à-dire professeur, chercheur ou quiconque s’intéresse de façon soutenue à la littérature de jeunesse.