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Présenté comme une anthologie historique ou plus précisément une histoire de la littérature de jeunesse française (p. 6), cet ouvrage volumineux (473 pages) constitue une référence incontournable à ajouter dans les bibliothèques. Les trois premières parties (Naissance d’une littérature de jeunesse, L’enfant reconnu comme lecteur et Ouverture sur l’enfant et le monde) sont entièrement rédigées par Denise Escarpit, tandis que la dernière (Le monde contemporain) comprend sept articles, écrits par Escarpit ou d’autres collaborateurs.
La première partie permet de découvrir les débuts de la littérature de jeunesse, des abécédaires aux fables, en passant par les ouvrages à caractère religieux. On y apprend, entre autres, que les jeunes se sont approprié de nombreuses histoires : récits historiques ou de chevalerie, contes, etc. Quant à la seconde partie, elle dévoile l’importance des contes, qui instruisent et divertissent en même temps, dans la culture populaire. En outre, cette partie met en lumière les apports de la psychologie et de la psychanalyse, qui ont permis de mieux cerner la notion de l’enfant. De son côté, la troisième partie montre les divers motifs (ex. : la robinsonnade, les récits d’Indiens, etc.) qui ont été récupérés par la littérature de jeunesse, ainsi que l’apparition de nouveaux thèmes (ex. : l’histoire et la science). Un second article présente les répercussions de l’enseignement obligatoire sur les productions éditoriales. Dans la dernière et plus importante partie, chacun des genres suivants fait l’objet d’un article : l’image, l’album, la littérature documentaire, le conte, la poésie, le théâtre et le roman.
À n’en pas douter, cet ouvrage résulte de recherches approfondies et témoigne de l’érudition de ses auteurs. Soulignons la précieuse contribution de Pierre Bruno et Philippe Geneste (Le roman pour la jeunesse), en quatrième partie. Avec plusieurs exemples pertinents à l’appui, les thèmes que l’on retrouve dans les productions actuelles y sont recensés et critiqués intelligemment. Mentionnons également le soin avec lequel ont été choisis les nombreux extraits qui segmentent les trois premières parties de cet ouvrage : souvent inconnus de la majorité des gens, ils restent néanmoins représentatifs d’un thème ou illustrent bien la diversité des oeuvres pour la jeunesse. Bref, ces incursions littéraires peuvent donner le goût au lecteur d’approfondir sa culture en retournant aux textes originaux.
Cependant, l’abondance de ces extraits alourdit parfois la lecture. En outre, on peut regretter que très peu de commentaires accompagnent ceux-ci. Autre point à déplorer : la profusion de titres mentionnés entraîne un manque de fluidité dans l’écriture, qui s’apparente parfois à un collage de références. Autrement dit, lire cet ouvrage donne l’impression, par moment, de parcourir un catalogue… Souvent, les liens entre les idées demeurent flous et certains faits historiques (ex. : la prospérité post-Waterloo [p. 75]) sont à peine évoqués, alors qu’ils mériteraient d’être plus approfondis, surtout pour aider un public non européen à comprendre leur véritable impact sur les productions éditoriales. Un lecteur non averti devra s’accrocher et peut-être même recourir à d’autres références, s’il souhaite tout saisir de cette bible d’informations trop peu expliquées. À prendre donc, mais à petites doses…