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Cet ouvrage collectif s’intéresse aux nouvelles tendances en matière de financement des systèmes éducatifs. Le fil conducteur reste qu’en introduisant une séparation entre bailleurs de fonds, dirigeants et acteurs de l’éducation, le New Public Management donne lieu à une véritable fusion des sphères publique et privée, ce qui met la table pour transformer l’école en secteur capitaliste de production de services d’enseignement (p. 25), malgré un financement surtout public.
Composée à la fois de chapitres plus généraux et d’autres traitant de cas précis, la publication allie théorie et données empiriques sur un sujet d’actualité déterminant pour les orientations futures des systèmes scolaires. Bien que la majorité des auteurs soient européens, les cas étudiés illustrent une bonne diversité de situations. Y figurent notamment le Royaume-Uni (où l’entreprise privée contribue au financement des écoles publiques dans la mesure où ses propres intérêts peuvent s’y concilier), la Russie (avec une Agence fédérale de l’Éducation qui sert en définitive de bras armé du ministère des Finances pour réorganiser l’enseignement supérieur selon une logique de marché, où l’État fédéral obtiendrait la grosse part du gâteau) et le Chili (dont les réformes du secteur éducatif, inspirées de la Banque mondiale, lui ont permis d’obtenir ses faveurs et son aide financière).
Soulignons que les différents auteurs ne se limitent guère à l’aspect proprement gestionnaire du financement et du pouvoir, mais ancrent plutôt leur analyse dans une perspective plus large propre aux sciences sociales. Ils proviennent d’ailleurs principalement du milieu universitaire, dans les secteurs de la sociologie, de l’économie et de la science politique. Aussi, la réflexion critique – du reste bien argumentée, quoique parfois avec une certaine teinte idéologique – au sujet des différents thèmes abordés est à souligner, puisqu’elle illustre une volonté de s’interroger sur les tenants et les aboutissants d’un phénomène de plus en plus incontournable, non seulement en éducation, mais dans l’ensemble des interventions publiques. De plus, elle a le mérite de remettre en question quelques idées reçues quant au développement de programmes éducatifs dans les pays du Sud.
Cependant, on déplore le manque de transition d’un chapitre à l’autre, où se succèdent à la fois les études de cas et les réflexions de nature plus philosophique. C’est, par exemple, ce qui se produit quand, après avoir traité de la création plus ou moins artificielle d’acteurs idéaltypiques en éducation (chapitre 5), on passe soudain à la formation professionnelle en France (chapitre 6). Cette présentation, plus souvent adoptée par les manuels, aurait eu avantage à mieux regrouper par thèmes ces différents chapitres, qui restent toutefois pertinents. Aussi, comme on le mentionne dans l’avant-propos, le travail amorcé par le réseau FOREDUC (à la base de cet ouvrage) demeure encore en chantier, ce qui se répercute dans le texte et surtout dans le dernier chapitre sur le financement privé en lien avec les conjonctures financières, alors que la dimension historique laisse le lecteur nettement sur sa faim.
Enfin, ce livre est surtout destiné aux chercheurs, étudiants, professeurs et autres professionnels intéressés par la gestion scolaire et les politiques publiques en enseignement.