Résumés
Résumé
Cette recherche s’inscrit dans le domaine d’étude qui porte sur les orientations didactiques susceptibles de favoriser le développement orthographique. En ce sens, ses objectifs sont de décrire et de catégoriser les pratiques déclarées en orthographes approchées chez des enseignantes du préscolaire (N = 5). L’analyse des résultats montre que ces pratiques peuvent être exploitées de différentes façons en variant le contexte de la situation d’écriture et le regroupement de travail. La gestion du temps, la fréquence durant la semaine et les objectifs éducatifs visés sont des variables à prendre en considération lors de la mise en place de telles activités.
Mots clés:
- recherche descriptive,
- préscolaire,
- pratiques enseignantes,
- émergence de l’écrit,
- orthographes approchées
Summary
This study presents an investigation that focuses on teaching practices that foster orthographic development. In this regard, its objectives are to describe and categorize stated approximate spelling practices by preschool teachers (N = 5). Analysis of the findings reveals that these practices can be used in different ways by varying the context of the writing situation and by grouping work together. Other variables that should be taken into consideration when implementing these kinds of activities include time management, frequency during the week and educational objectives.
Key words:
- descriptive research,
- preschool,
- teaching practices,
- emergence of writing,
- approximate spelling
Resumen
Esta investigación se enmarca en el área de estudio que trata de las orientaciones didácticas susceptibles de favorecer el desarrollo ortográfico. En este sentido, sus objetivos son describir y categorizar las prácticas declaradas en ortografías aproximadas con maestras de preescolar (N = 5). El análisis de los resultados muestra que estas prácticas pueden ser utilizadas de varias formas variando el contexto de la situación de escritura y el agrupamiento de trabajo. Entre las variables que hay que tomar en cuenta al momento de implementar tales actividades se encuentran la gestión del tiempo, la frecuencia por semana y los objetivos que se pretenden lograr.
Palabras claves:
- investigación descriptiva,
- preescolar,
- prácticas docentes,
- surgimiento de la escritura,
- ortografías aproximadas
Corps de l’article
1. Introduction et problématique
Dans le système scolaire actuel, de plus en plus d’enseignants semblent adopter une nouvelle conception de l’apprentissage, qui consiste à placer les élèves dans des situations qui les invitent à construire leur connaissance. Fortement encouragée par le courant constructiviste, cette conception permet aux apprenants de prendre activement part à leur apprentissage en exploitant leurs connaissances antérieures, en interagissant avec leurs pairs et en réfléchissant sur la notion à apprendre. Si l’on considère que le jeune enfant possède un bagage de connaissances et qu’il est un être socialisé capable de réflexion, cette conception de l’apprentissage peut s’appliquer dès le préscolaire.
Les enfants de ce niveau sont amenés à développer des compétences qui les aideront pour leur entrée à l’école et parmi lesquelles celle de la langue écrite s’avère l’une des plus cruciales (Brodeur, Gosselin, Legault, Deaudelin, Mercier et Vanier, 2005). Selon Good et Kaminski (1996), développer la compétence du lire-écrire constitue une visée essentielle, et ce, dès la maternelle. Les recherches montrent que les élèves qui possèdent une bonne base à la maternelle en ce qui concerne les habiletés langagières à l’oral et à l’écrit augmentent de beaucoup leurs chances d’obtenir de bons résultats dans les années ultérieures (Ball, 1997 ; Blachman, Tangel, Ball, Black et McGraw, 1999 ; Ehri, Nunes, Willows, Schuster, Yaghoub-Zadeh et Shanahan, 2001).
Pour développer cette compétence, la résolution de problème se révèle une pratique didactique fort intéressante. Selon le groupe de recherche de Brigaudiot et ses collaborateurs (Progression - Institut national de Recherche pédagogique - PROG-INRP) :
On appelle problème de langage écrit, des situations nécessitant des mises en relations de procédures langagières, et plus largement cognitives, relatives à l’écrit. Pour qu’il y ait problème, la réponse ne doit pas aller de soi. Plusieurs types de résolution sont possibles, il y a mobilisation de compétences et de représentations et on peut vérifier le caractère opératoire de la réponse.
2000, p. 49
Souvent utilisée dans le cadre des mathématiques, la résolution de problème peut aussi être pertinente en français, comme l’ont montré des chercheurs (Allal, Bétrix Köhler, Rieben, Rouiller Barbey, Saada-Robert et Wegmuller, 2001 ; Baslev, Claret-Girard, Mazurczak, Saada-Robert et Veuthey, 2005 ; Saada-Robert, Auvergne, Baslev, Claret-Girard, Mazurczak et Veuthey, 2003) et des auteurs d’ouvrages didactiques (Angoujard, 1994 ; Brassard, 1995 ; Rilliard et Sandon, 1994). Dans cette perspective d’apprentissage, le concept d’orthographe inventé (invented spelling) témoigne de la possibilité de réaliser des situations d’écriture sous forme de problèmes de langage écrit à résoudre. Initialement explorés, du côté anglo-saxon, par Chomsky (1971, 1975, 1979) et Read (1971, 1986) et, du côté espagnol, par Ferreiro et Gomez-Palacio (1988), ce concept a permis de comprendre l’idée que les enfants se font du système d’écriture et de révéler la présence d’une véritable compétence d’écriture antérieure à toute production normée. Du côté des travaux français, Jaffré (2000), David (2003), Fijalkow et Fijalkow (1991), ainsi que Besse et l’Association pour les Apprentissages de la Communication, de la Lecture et de l’Écriture - ACLE (2000), pour ne citer que les plus connus, se sont inspirés des travaux issus du courant de l’invented spelling.
Cependant, au Québec, Montésinos-Gelet et Morin (2001) ont récemment préféré l’expression d’orthographes approchées à celles d’invented spelling ou d’orthographes inventées, pour préciser ce que fait l’enfant en approchant progressivement la norme orthographique. Comme les deux auteures le font remarquer, ce changement d’appellation n’établit en aucun cas une rupture avec la tradition, mais apporte une rectification, car l’adjectif invented, souligne Rieben (2003), n’était pas adéquat, étant donné que l’enfant n’invente pas un code.
Quoique ce concept soit connu et utilisé comme outil d’évaluation lors de recherches développementales, force est de constater que peu nombreuses sont les recherches qui s’y intéressent dans le domaine des perspectives didactiques. L’absence de documentation représente donc un réel problème, tant pour les scientifiques désireux de mieux comprendre les concepts théoriques qui sous-tendent les pratiques en orthographes approchées et leur impact comme pratiques didactiques sur le développement orthographique chez les jeunes enfants, que pour les enseignants qui souhaitent en savoir davantage sur le sujet, d’une part, pour mieux soutenir leurs élèves dans leur appropriation du français écrit et, d’autre part, pour miser sur une bonne connaissance des principes didactiques de cette démarche avant son application en classe.
3. Contexte théorique
3.1 Définition des orthographes approchées
Créées et utilisées à l’origine comme outil d’évaluation dans le domaine de la recherche, les orthographes approchées permettaient aux chercheurs d’apprécier les préoccupations des jeunes scripteurs ainsi que leurs connaissances et leur compréhension du système écrit. Mentionnons que, dans un souci de synthèse, nous avons traduit les différentes appellations (invented spelling, creative spelling, écriture inventée, orthographes inventées et écritures approchées) par orthographes approchées tout au long de l’article.
Les premiers à s’y être intéressés ont montré qu’il existe une véritable compétence d’écriture antérieure à la production normée (Chomsky, 1971, 1975, 1979 ; Read, 1971, 1986 ; Ferreiro, 1980, 1984 ; Ferreiro et Teberosky, 1982). Encore de nos jours, nombreux sont les chercheurs qui ont recours à cet outil (Besse et l’Association pour les Apprentissages de la Communication, de la Lecture et de l’Écriture, 2000 ; Ferreiro et Gomez, 1988 ; Montésinos-Gelet, 1999 ; Montésinos-Gelet et Morin, 2001 ; Morin, 2002).
Les orthographes approchées sont également exploitées dans un autre domaine, celui de la pratique enseignante, où elles constituent des situations d’écriture encourageant les élèves à tenter d’écrire des mots selon leurs connaissances du système alphabétique français. Lors de ces pratiques, qui favorisent un apprentissage intégré, c’est-à-dire prenant en compte les connaissances antérieures des élèves et permettant de travailler plus d’une habileté ou notion à la fois, les élèves s’approchent de la norme orthographique à partir de leur savoir (connaissances des lettres, de petits mots), de leurs stratégies d’écriture (phonologique, analogique et lexicale) et de leurs stratégies de révision (demander la norme à un adulte ou à un élève plus âgé, chercher dans des livres ou des dictionnaires illustrés). L’objectif de tels exercices au préscolaire n’est pas d’atteindre la norme orthographique à tout prix, mais bien de favoriser un travail de réflexion lors de situations d’écriture. De plus, Rieben, Ntamakiliro, Gonthier et Fayol (2005) ont souligné que les pratiques en orthographes approchées peuvent se réaliser avec ou sans rétroaction sur la norme orthographique, tout en notant l’accroissement de leur efficacité en cas de rétroaction.
Enfin, les travaux menés dans le domaine permettent de constater l’intérêt que suscite la mise en place de telles pratiques en classe. De nos jours, en effet, le fait d’encourager les situations d’écriture pour le développement de l’écrit chez le jeune enfant est préconisé par un grand nombre de chercheurs (Brigaudiot, 2004 ; Ehri et Wilce, 1987 ; Huxford, Terrell et Bradley, 1992 ; Read, 1986 ; Richgels, 1987 ; Shanahan, 1980 ; Snow, Burns et Griffin, 1998), et même par une organisation professionnelle (International Reading Association, 1998).
3.2 État des travaux de recherche menés sur les pratiques en orthographes approchées
Il existe quelques recherches sur les pratiques en orthographes approchées (Rieben, 2003). Certains chercheurs ont vérifié l’impact de classes réalisant ce type de pratiques, comparativement à celles qui mettent en oeuvre des méthodes différentes, sur l’apprentissage de la langue écrite, et ils ont évalué le progrès orthographique des élèves (Brasacchio, Kuhn et Martin, 2001 ; Clarke, 1988 ; Rieben et collab., 2005 ; Nicholson, 1996), tandis que d’autres se sont penchés sur la manière dont les enseignants perçoivent les orthographes approchées (Rivaldo, 1994 ; von Lehmden-Kock, 1993). À notre connaissance, seule une recherche s’est attachée à décrire celles-ci. Plus précisément, Besse et l’Association pour les Apprentissages de la Communication, de la Lecture et de l’Écriture (2000) se sont intéressés aux pratiques en orthographes approchées appliquées par des enseignants de moyenne et de grande section de maternelle. Sans contrainte, certains enseignants étaient invités à réaliser ces pratiques en classe et à faire part de leur expérience aux chercheurs. Ils créaient eux-mêmes leurs activités dans une liberté totale quant à la fréquence de leur réalisation dans la semaine. Besse et l’Association pour les Apprentissages de la Communication, de la Lecture et de l’Écriture ont étudié de façon ponctuelle les pratiques des enseignants, c’est-à-dire qu’ils ont recueilli les pratiques déclarées de certains tout en ayant également observé quelques séances, à partir de quoi ils ont montré que les orthographes approchées peuvent susciter différentes situations d’écriture et que le rôle des enseignants consiste à placer les enfants dans des conditions favorisant leur curiosité intellectuelle, à communiquer leurs stratégies, à les encourager à tenter leurs hypothèses d’écriture et à les valider. Toutefois, notons que les chercheurs n’ont pas dépassé le stade de la description des pratiques et des conditions de réalisation.
4. Objectif de la recherche
Compte tenu de l’importance des deux approches pour établir une description précise de la réalité des classes, notre recherche vise à décrire et à catégoriser les pratiques déclarées en orthographes approchées chez les enseignants de maternelle.
5. Méthodologie
Cette section comprendra les points suivants : Sélection des enseignantes du préscolaire, Formation préalable de notre échantillon, Collecte de données sur les pratiques déclarées des enseignantes en orthographes approchées, Modalités de la collecte de données et Élaboration de la grille de catégorisation des pratiques.
5.1 Sélection des enseignantes du préscolaire
Nous avons mené l’étude auprès de cinq enseignantes de maternelle dont les écoles se situent dans des milieux socio-économiques faibles ou moyens de la Montérégie, et qui avaient été sélectionnées en raison de leur engagement dans la problématique de l’éveil à l’écrit depuis de nombreuses années, ce qui nous permettait d’assurer le contrôle de certaines variables.
5.2 Formation préalable de notre échantillon
Pour les besoins de la recherche, plus d’un an avant le début du projet, les enseignantes ont suivi, une fois par mois, une formation en orthographes approchées dirigée par une chercheuse du projet de recherche et destinée à leur fournir les moyens de favoriser des situations d’écriture à la maternelle et de mieux analyser les productions écrites des enfants. Par la suite, elles ont créé leur propre style de pratiques en orthographes approchées à partir des connaissances acquises.
Les rencontres mensuelles se sont poursuivies tout au long de la recherche. Un tel choix méthodologique se justifie par le fait que la recherche se voulait collaborative, dans la mesure où chercheuses et enseignantes devaient s’allier pour contribuer à l’avancement des connaissances dans le domaine. Il importe de spécifier, d’une part, que les enseignantes étaient libres de fixer la fréquence des situations d’écriture dans la semaine, c’est-à-dire qu’elles choisissaient elles-mêmes le nombre de pratiques en orthographes approchées à accomplir par semaine ainsi que la durée de chacune d’elles, et d’autre part, que les rencontres leur permettaient de s’exprimer sur leur vécu en classe et de garder intacte leur motivation. Ces rencontres ne représentaient pas un biais pour l’étude, car elles avaient lieu non pas pour diriger les enseignantes, mais pour les soutenir dans ce processus de recherche qui leur demandait un engagement très important. Toutefois, nous sommes conscientes que l’encadrement offert aux enseignantes leur a peut-être permis de maintenir un niveau de fréquence plus élevé qu’il n’aurait été si elles n’avaient pas été encadrées, ce qui constitue une limite de notre recherche.
5.3 Collecte des données sur les pratiques déclarées des enseignantes en orthographes approchées
Cette recherche, de style longitudinal, s’est échelonnée sur une année scolaire, plus précisément sur 25 semaines. Pour recueillir les données nécessaires à la description des pratiques déclarées, nous avons décidé d’utiliser l’entretien semi-dirigé. Compte tenu de la distance physique séparant les enseignantes des chercheuses, nous avons opté pour l’entretien téléphonique hebdomadaire.
Afin de faciliter et d’uniformiser le déroulement de la collecte des données et que celle-ci soit méthodique et rigoureuse, nous avons mis en place un protocole d’entretien qui comprenait un canevas destiné à la compilation des pratiques en orthographes approchées et un référentiel (Annexe 1) présentant plusieurs objectifs éducatifs (35) en lien avec l’éveil à l’écrit et susceptibles d’être poursuivis ou atteints lors des situations d’écriture. Pour chaque séance, les enseignantes devaient décrire la mise en contexte, la réalisation, l’intégration et le transfert des apprentissages, le cas échéant. De plus, elles complétaient leur description en fournissant des informations sur la gestion du temps, la fréquence par semaine, le type de regroupements (individuel, en petites équipes et collectif) et le ou les objectifs éducatifs visés. Si les déclarations des enseignantes n’étaient pas complètes, la chercheuse pouvait poser des questions pour obtenir des informations supplémentaires.
5.4 Modalités de la collecte de données
La collecte des pratiques déclarées a commencé à la fin du mois d’octobre pour se terminer à la fin de mai. Bien entendu, il s’agit de pratiques déclarées et non nécessairement effectives. Pour nous assurer de la réalisation des pratiques déclarées, nous avons demandé aux enseignantes de conserver les traces écrites des enfants et de nous les fournir à titre de preuves. Étant donné que les pratiques enseignantes déclarées sont corroborées par la consultation des documents didactiques des enseignantes et par la vérification des fiches descriptives (séquences didactiques), nous pouvons considérer que la collecte de données complémentaires à celles qui ont été obtenues par téléphone atténue l’effet de désirabilité sociale et le décalage souvent souligné par d’autres chercheurs entre les pratiques déclarées et les pratiques réelles des enseignants (voir notamment, Giasson et Saint-Laurent, 1999).
5.5 Élaboration de la grille de catégorisation des pratiques
La grille de catégorisation (Annexe 1) a été élaborée à partir de l’examen du corpus des différentes pratiques déclarées recueillies lors des entretiens téléphoniques. Nous avons constaté que les enseignantes réalisaient leurs pratiques en orthographes approchées sensiblement de la même façon, ce qui nous a amenées à dégager une démarche didactique des orthographes approchées et à l’utiliser en guise de grille de catégorisation des pratiques déclarées des enseignantes.
6. Présentation et discussion des résultats
Cette section présente les résultats de notre étude. Afin de répondre à nos objectifs, nous allons aborder brièvement la description des pratiques déclarées en orthographes approchées chez des enseignantes de maternelle et catégoriser ensuite leurs pratiques déclarées en fournissant des informations supplémentaires concernant la gestion du temps, la fréquence des séances et les principaux objectifs éducatifs visés. Cette présentation permet de situer notre étude dans une approche centrée sur la description et l’explication du fonctionnement des pratiques en orthographes approchées mises en oeuvre par des enseignantes en maternelle.
6.1 Description des pratiques déclarées en orthographes approchées
La collecte des pratiques déclarées des cinq enseignantes nous a permis de décrire chacune d’elles. Comme les enseignantes créaient leurs propres pratiques et étaient libres de décider du nombre de séances dans la semaine, nous avons recueilli un total de 78 pratiques différentes. Notons que, dans un souci de synthèse, nous limiterons la description à la présentation des classifications sous forme de tableaux détaillés.
Cette description nous a permis d’observer que les enseignantes ont inséré les situations d’écriture en orthographes approchées dans des pratiques qu’elles réalisaient déjà en classe. Par exemple, certaines enseignantes ont modifié leur message habituel du matin en ajoutant un mot-mystère que les enfants devaient trouver selon le contexte de la phrase, pour ensuite tenter de l’écrire (Bonjour les_______. Aujourd’hui, c’est le cours de musique. Bonne journée !).
6.2 Catégorisation des pratiques déclarées en orthographes approchées
La catégorisation des pratiques déclarées permet d’observer que les enseignantes réalisent visiblement les mêmes actions pour certaines phases, tandis qu’elles empruntent des voies différentes pour d’autres.
6.2.1 Différenciation des enseignantes concernant le contenu des phases
Phase 1 : Contexte de la pratique
À la lumière des pratiques déclarées recueillies, nous avons procédé à un regroupement thématique (ex. : mot du jour, message du matin, arts plastiques, etc.). Les résultats nous indiquent, par exemple, que, dans ses onze pratiques, l’enseignante 2 a privilégié quatre thèmes. Il est important de spécifier que, dans le tableau 2, le chiffre figurant entre parenthèses correspond non pas au nombre de fois où la pratique a eu lieu en classe durant l’année scolaire, mais au nombre de possibilités différentes mises en oeuvre par l’enseignante pour exploiter le thème. Par exemple, l’enseignante 1 transmet le message du matin (thème message du matin) de quatre façons différentes (quatre pratiques différentes).
Nous remarquons que l’enseignante 1 exploite deux fois plus de thèmes que les enseignantes 2 et 5, et que les enseignantes 1, 3 et 4 se rejoignent par un nombre presque égal de thèmes. Le grand nombre de thèmes abordés par l’enseignante 1 peut se justifier par la réalisation quotidienne d’activités. En effet, la variété des thèmes semble entretenir la motivation des élèves lors des situations d’écriture, ce qui s’avère crucial lorsque l’on sait que la motivation à apprendre est l’un des facteurs favorables à la réussite scolaire (Archambault et Chouinard, 2003).
Par ailleurs, nous observons que les enseignantes tendent à mettre en oeuvre des pratiques en orthographes approchées dans d’autres disciplines. En effet, elles associent l’éveil à l’écrit aux arts plastiques, aux sciences et même aux technologies de l’information. Cette volonté d’établir des liens entre les disciplines semble prouver l’importance, pour les enseignantes, d’offrir des contextes riches qui montrent aux enfants que la langue écrite est le vecteur d’autres apprentissages, ce qui corrobore les orientations du Programme de formation de l’école québécoise (Ministère de l’Éducation du Québec, 2001).
Phase 2 : Consignes de départ (le regroupement)
Avant de mettre en place la situation d’écriture, les enseignantes donnent des consignes aux enfants à propos des conditions de travail (regroupement), car les situations en orthographes approchées peuvent s’accomplir individuellement, en petites équipes (dyade ou triade) ou de manière collective, sous forme de modélisation individuelle ou de trio modélisateur, c’est-à-dire qu’un enfant (ou trois enfants s’il s’agit d’un trio modélisateur) se présente comme modèle en tentant, avec l’aide de l’enseignante, d’écrire et de verbaliser ses stratégies d’écriture auprès de l’ensemble de la classe. Vu les résultats globaux recueillis durant l’année scolaire, nous constatons que l’enseignante 2 favorise les pratiques individuelles ; l’enseignante 3, les pratiques collectives la mettant en jeu une modélisation, et les enseignantes 1, 4 et 5, le travail en petits groupes, particulièrement en trio.
Dans la section du regroupement en petits groupes, nous remarquons que le travail en dyade est exploité uniquement par deux enseignantes, qui exploitent cependant encore plus, comme les trois autres enseignantes, le travail en triade. Cette préférence peut s’expliquer par les avantages que présente le travail en triade, en particulier la présence de conflits sociocognitifs (Perret-Clermont, 1996 ; Vygotsky, 1997) et un plus grand partage de connaissances et de stratégies d’écriture et de réflexion.
6.2.2 Points communs des enseignantes concernant le contenu des phases
Phase 1 : Choix du mot
Lors des pratiques en orthographes approchées, le mot, voire la phrase, à écrire peut être choisi par l’enseignante ou par les élèves. Toutefois, nous avons observé que ce sont les enseignantes qui le plus souvent choisissent le mot, ce qui peut s’expliquer par le fait qu’elles préfèrent sélectionner des éléments présentant différentes particularités orthographiques, telles que digramme (assemblage de deux lettres pour former un graphème : ou, au, on), trigramme (assemblage de trois lettres pour former un graphème : eau, aon, ein) ou morphogramme (lettre muette en position finale des mots : éléphant, canard, amis), ou qu’elles veulent vérifier certaines stratégies d’écriture utilisées par les enfants (ex. : vérifier si les enfants vont penser à faire une analogie orthographique avec le mot papa pour écrire le mot patate). En ce qui concerne la stratégie analogique, certains chercheurs croient qu’elle apparaît chez les élèves plus âgés (Marsh, Morton, Welch et Desberg, 1980), tandis que d’autres chercheurs (Goswani, 2002 et Nation et Hulme, 1998) ont montré que les enfants en début d’apprentissage sont capables d’utiliser cette stratégie. À la lumière de notre recension de pratiques, nous croyons qu’en offrant un contexte pédagogique qui encourage l’utilisation de la stratégie analogique, dans ce cas-ci les orthographes approchées, les enfants d’âge préscolaire en viennent à comprendre et à appliquer la stratégie analogique lors de leurs tentatives d’écriture.
Phase 2 : Tâches des élèves
Lors de la réalisation des pratiques en orthographes approchées en petits groupes, les enseignantes attribuent une tâche à chacun des élèves d’une même équipe afin d’assurer une bonne gestion de travail. Il s’agit habituellement des tâches de scripteur, de responsable de l’alphabet aide-mémoire, de responsable de la gomme à effacer ou du gardien du temps. Ce faisant, les enseignants privilégient l’apprentissage coopératif, approche pédagogique qui a fait ses preuves (Gambrell, Mazzoni et Almasi, 2000 ; Johnson, Johnson et Stanne, 2000) et qui est particulièrement encouragée lorsqu’il est question du développement des compétences langagières (Mattar et Blondin, 2006).
Phase 3 : Échange et tâche d’écriture et Phase 4 : Retour collectif sur le mot ou la phrase
Lors de ces deux phases, les enseignantes se comportent généralement de la même manière. En effet, lors de la phase 3, elles agissent à titre de guides en invitant les enfants à essayer d’écrire selon leurs connaissances du système alphabétique et en les amenant à réfléchir sur leur démarche de résolution de problème de langage écrit et à verbaliser leurs réflexions, ce qui leur permet de situer les préoccupations des jeunes scripteurs (Montésinos-Gelet, 2007). Ces deux phases de la démarche didactique permettent aux enfants de mobiliser à la fois leurs connaissances disponibles à partir de la mémoire et celles fournies par leur environnement (leurs pairs, les abécédaires, etc.). Cette mobilisation des ressources renvoie à ce que Perkins (1995) appelle individus-plus. De plus, les enseignantes tentent de créer un environnement où les enfants développeront un rapport positif à l’écrit, ainsi que le préconisent la recherche de Besse et l’Association pour les Apprentissages de la Communication, de la Lecture et de l’Écriture (2000).
Pour ce qui est de la phase 4, les enseignantes opèrent un retour collectif sur la situation d’écriture, retour qui permet aux élèves d’échanger des idées sur leurs choix orthographiques et leurs stratégies d’écriture, et d’apprendre de nouvelles stratégies. Les modalités de retour peuvent prendre différentes formes. Par exemple, un trio présente son hypothèse d’écriture à l’ensemble de la classe ou l’enseignante affiche au tableau quelques productions écrites d’élèves et les invite à expliquer leur tentative d’écriture.
Phase 5 : La norme orthographique
Parler de la norme orthographique au préscolaire peut susciter un certain malaise. Précisons de nouveau que les pratiques en orthographes approchées au préscolaire ne visent pas l’acquisition de la norme orthographique, mais cherchent à s’approcher de celle-ci à l’aide du soutien de l’enseignante. Ce soutien renvoie au concept d’étayage qui consiste, pour l’enseignante ou un élève plus avancé, à aider un élève […] dans la tâche qui excède initialement [ses capacités], lui permettant de concentrer ses efforts sur les éléments qui demeurent dans son domaine de compétences et de les mener à terme (Bruner, 1983, p. 263).
L’analyse des pratiques déclarées recueillies montre que, lors des premières séances, les cinq enseignantes fournissaient elles-mêmes la norme orthographique aux enfants. Cependant, au fil du temps, elles ont commencé à développer des stratégies de révision avec les élèves, comme celles de demander de l’aide à un adulte ou à un élève plus âgé, de se servir des affiches sur les murs, de rechercher l’information dans des livres de littérature jeunesse, des abécédaires et le dictionnaire. Pour rendre cette phase motivante et intéressante, elles ont instauré le rôle d’enquêteur ou de détective, qui consiste à partir à la recherche de la norme orthographique. Une fois la norme trouvée, les enseignantes procédaient à un retour collectif pour comparer l’orthographe proposée par les élèves à celle de la norme. Ce retour était important pour les enseignantes, car elles jugeaient cette étape de rétroaction cruciale dans le développement des compétences orthographiques des enfants, ce qui correspond aux conclusions de Rieben et ses collaborateurs (2005) qui ont observé que les groupes qui bénéficiaient de pratiques en orthographes approchées avec retour sur la norme obtiennent des résultats significativement supérieurs en ce qui concerne les aspects orthographiques en écriture et la lecture de mots, comparativement à ceux qui réalisent de telles pratiques sans retour.
Phase 6 : Conservation des traces et réinvestissement (transfert)
Les enseignantes ont conservé les traces d’écriture à l’aide du portfolio de chaque élève ou de scrapbooks. Ainsi leur était-il possible d’observer l’évolution des enfants et d’ajuster leur progression d’enseignement à la progression d’apprentissage des élèves. En ce qui a trait à la réutilisation des mots, les enseignantes réalisaient des activités de transfert à partir d’un mot ou des stratégies d’écriture et de révision (par exemple, le mardi, les élèves ont tenté d’écrire chat et, le jeudi, l’enseignante a proposé d’écrire chaton, dans le but d’observer quels enfants allaient transférer les connaissances acquises). Remarquons qu’elles ne réutilisaient pas systématiquement une activité de transfert pour chacune des pratiques en orthographes approchées.
6.3 Variables à prendre en considération lors des pratiques en orthographes approchées
Lors de la collecte des pratiques déclarées en orthographes approchées, nous avons également pris en considération certaines variables telles que la gestion du temps, la fréquence des séances durant la semaine ainsi que les objectifs éducatifs visés par la situation d’écriture. Il est important de préciser que c’est la première fois qu’on s’intéresse à ces trois variables dans les recherches sur les pratiques en orthographes approchées.
Gestion du temps
Pour chacune des pratiques déclarées, les enseignantes ont indiqué la durée en minutes. En comptabilisant la durée de toutes les pratiques déclarées réalisées durant les 25 semaines, nous avons dégagé une moyenne du temps accordé à ces pratiques par semaine. Les résultats, qui figurent dans le tableau 4, montrent d’une part, que les enseignantes 1 et 2 s’opposent à propos de ce point de vue, la première consacrant aux situations d’écriture le plus de temps par semaine (près de deux heures), la seconde le moins de temps (moins de 12 minutes), et d’autre part, que les élèves des enseignantes 3, 4 et 5 bénéficient quasiment du même temps de pratiques (un peu plus d’une quarantaine de minutes).
D’après les résultats du tableau 4, nous pouvons supposer que le peu de temps consacré chaque semaine par l’enseignante 2 aux situations d’écriture s’explique par le fait qu’elle favorise celles qui se réalisent individuellement (Tableau 2), ce qui nécessite moins de temps, à cause de l’absence d’interactions entre les enfants.
Fréquence par semaine
Les résultats présentés dans le tableau 5 paraissent indiquer que l’enseignante 1 a instauré, dans sa routine quotidienne, les pratiques en orthographes approchées, au même titre que certaines enseignantes de maternelle transmettent le message du matin ou lisent un livre de littérature jeunesse tous les jours. De son côté, l’enseignante 2 ne met pas en oeuvre, toutes les semaines, des pratiques en orthographes approchées, qu’elle exploite de façon plus ponctuelle. Quant aux enseignantes 3, 4 et 5, elles proposent à leurs élèves environ une à deux pratiques en orthographes approchées par semaine.
Globalement, ces résultats attestent que l’enseignante 2 réalise cette pratique sensiblement comme les chercheurs le font avec les enfants lors d’expérimentations de recherche, tandis que les autres enseignantes ont adapté cet outil d’évaluation pour en faire une activité de résolution de problème linguistique applicable au préscolaire.
Objectifs éducatifs visés
Lors de la mise en oeuvre de leurs pratiques en orthographes approchées, les enseignantes visaient certains objectifs éducatifs, chacune privilégiant des objectifs particuliers. Notons que les enseignantes se référaient aux objectifs éducatifs du référentiel. Dans le tableau 6, nous avons retenu les objectifs qui semblaient les plus significatifs à partir de l’examen des pratiques déclarées recensées, et nous les avons présentés par ordre d’importance.
Pour les cinq enseignantes, nous remarquons que le premier objectif favorisé est le 14, L’enseignante offre l’occasion à ses élèves d’essayer de trouver comment s’écrit un mot. La position de cet objectif peut se justifier par le fait que les situations d’écriture en orthographes approchées encouragent les enfants à trouver l’orthographe d’un mot.
L’objectif 18, L’enseignante propose des activités qui permettent à ses élèves de faire une relation entre les sons du langage et les lettres de l’alphabet, a été retenu par quatre des enseignantes. Sa présence nous autorise à penser que les enseignantes ont pris conscience de l’efficacité des pratiques en orthographes approchées pour aider les enfants dans leur appropriation du principe alphabétique, principe important pour la réussite à long terme de la lecture (Stanovich, 1986), et ainsi mieux les préparer à l’apprentissage de la lecture en première année.
L’objectif 29, L’enseignante organise des activités qui permettent aux élèves de comparer des lettres, des mots selon leurs différences ou leurs ressemblances, renvoie à une étape importante de la phase 5 (présentation de la norme orthographique) de la grille de catégorisation. Lors de cette phase, l’enseignante amène les enfants à comparer leur hypothèse d’écriture à la norme orthographique du mot et à observer leurs réussites (écrire de gauche à droite, avoir trouvé que le mot ami commence par la lettre a, etc.). Cette façon d’effectuer un retour avec les enfants prouve que l’enseignante accorde de l’importance à ce qui est construit chez l’enfant et non aux erreurs commises en tentant d’orthographier un mot. L’erreur n’est pas perçue comme telle, mais plutôt envisagée comme une étape dans le processus d’apprentissage. En tant que pratique enseignante, les orthographes approchées valorisent donc davantage le droit à l’essai que le droit à l’erreur, selon les termes de Brigaudiot (2004).
Les objectifs 17 et 19 sont également choisis par plus d’une enseignante. La sélection du premier, L’enseignante propose des activités qui permettent à ses élèves de prendre conscience des sons du langage (syllabes, rimes, phonèmes), nous laisse penser que les enseignantes ont observé et reconnaissent la contribution des orthographes approchées au développement de la conscience phonologique des élèves. L’exposition des enfants d’âge préscolaire à cette habileté est fortement encouragée, sachant qu’elle est un prédicteur de réussite de l’apprentissage de la lecture (Blachman, 2000). Il serait intéressant d’évaluer cet aspect lors de futures recherches. Enfin, par leur intérêt pour le second objectif, L’enseignante propose des activités de reconnaissance de mots (par exemple, avec les prénoms des élèves de la classe), les enseignantes montrent qu’elles encouragent les enfants à utiliser les mots qu’ils connaissent (prénom, papa, maman, etc.) pour les aider à orthographier des mots inconnus, ce qui renvoie à la stratégie analogique. Par ailleurs, ce dernier choix peut également s’expliquer par la présence de la phase 6 de la démarche didactique qui suggère de réutiliser les mots travaillés lors des situations d’écriture en orthographes approchées afin de consolider les connaissances orthographiques.
Dans un autre ordre d’idées, nous observons que certaines enseignantes privilégient deux objectifs, tandis que d’autres en privilégient six. En établissant un parallèle entre le nombre de pratiques déclarées et les objectifs éducatifs, nous constatons que plus l’enseignante accomplit différentes pratiques, plus ses objectifs sont variés.
En outre, il semble que les enseignantes 4 et 5 attribuent la même valeur à certains objectifs, ce qui peut s’expliquer par le fait qu’elles enseignent dans la même école et se font part régulièrement de leurs pratiques.
7. Conclusion
Dans le cadre de cette recherche, nous avons contribué de façon originale à documenter le concept d’invented spelling. Nos données sont les premières, dans les écrits scientifiques, à non seulement décrire, mais aussi catégoriser les pratiques déclarées en orthographes approchées chez des enseignantes de maternelle.
Compte tenu de la description des pratiques déclarées, il est manifestement possible d’exploiter les situations d’écriture en orthographes approchées de différentes manières en variant le contexte et le regroupement. Nous reconnaissons qu’une des limites de notre recherche est d’avoir retenu les pratiques déclarées et non réelles, qui plus est, de seulement cinq enseignantes, ce qui nous amène à penser qu’il serait pertinent d’observer des enseignants en classe et d’élargir notre échantillon à plus de cinq enseignantes.
Quant à la catégorisation des pratiques déclarées, il en ressort que les enseignantes se différencient par le contexte de départ de la situation d’écriture (phase 1) et par leurs consignes portant sur le regroupement de travail (phase 2), tandis qu’elles semblent se ressembler pour ce qui touche aux autres phases, y compris la phase 1 (choix du mot) et la phase 2 (tâches des élèves). Par ailleurs, les résultats ont permis de dégager que d’autres variables, telles que la fréquence de pratiques par semaine, la gestion du temps et les objectifs éducatifs visés, sont différentes d’une enseignante à l’autre et qu’il serait important de les considérer dans la grille de catégorisation.
Au terme de cette étude, différentes perspectives de recherche se dessinent. D’abord, il serait souhaitable de décrire l’évolution de telles pratiques afin d’examiner dans quelle mesure il est possible de s’ajuster au rythme d’apprentissage des élèves. Par ailleurs, il serait crucial, dans le cadre de futures recherches, de documenter davantage les phases 3, 4 et 5 de la grille de catégorisation en recueillant des données par le biais de réelles observations en classe. Ainsi, serait-il possible de fournir des informations plus précises, notamment sur les échanges et les stratégies d’écriture et de révision utilisées par les enfants, ainsi que sur l’étayage offert par l’enseignant lors des tentatives d’écriture et des retours sur les écrits des enfants.
Parties annexes
Annexes
Annexe 1
La grille de catégorisation des pratiques déclarées en orthographes approchées
Mise en contexte
Phase 1 : Contexte d’écriture et choix du mot/phrase
La première phase de la démarche correspond à la contextualisation de la situation d’écriture et à la sélection du mot ou de la phrase à écrire. Compte tenu de l’importance de contextualiser les apprentissages, la démarche des orthographes approchées accorde une importance cruciale à cette phase. En effet, l’enseignant pique la curiosité des enfants en les invitant à s’engager dans la tâche qu’ils auront à accomplir. La sélection du mot ou de la phrase découle généralement du contexte d’écriture. Alors que le choix du mot peut être décidé préalablement par l’enseignant, il arrive aussi que les enfants proposent des mots.
Phase 2 : Consignes de départ pour le projet d’écriture, le regroupement de travail et les tâches des élèves
La deuxième phase concerne les consignes de départ à mettre en place avant de commencer la réalisation des orthographes approchées. Cette phase permet à l’enseignant de renseigner les enfants sur le projet d’écriture qu’ils ont à réaliser, le regroupement privilégié durant la situation d’apprentissage (collectif, individuel ou en petits groupes) et les tâches qu’ils doivent se partager (scripteur, responsable de l’alphabet, responsable de la gomme à effacer ou le gardien du temps).
Réalisation
Phase 3 : Tentatives d’écriture et échanges de stratégies
La troisième phase correspond à la situation d’écriture où l’enseignant encourage les enfants à écrire un mot ou une phrase avec leurs idées. Lors de cette phase, l’enseignant amène les enfants, entre autres, à se questionner, à douter, à partager leurs idées sur leurs connaissances entourant le système alphabétique, à échanger des idées sur les stratégies d’écriture utilisées et à chercher l’orthographe du mot ou de la phrase. Il développe ainsi chez ses élèves d’âge préscolaire des stratégies reliées au processus d’écriture.
Intégration
Phase 4 : Retour collectif sur le mot ou la phrase
La quatrième phase correspond au retour collectif subséquent à la tentative d’écriture. Cette étape permet de rassembler les idées et les stratégies de tous et offre l’occasion aux élèves de découvrir et d’apprendre de nouvelles connaissances se rapportant à l’orthographe.
Phase 5 : Présentation de la norme orthographique
Précisons que notre définition des pratiques d’orthographes approchées contient la rétroaction sur la norme orthographique.
La cinquième phase concerne la norme orthographique du mot ou de la phrase à écrire. Dans le but de vérifier si les apprentis scripteurs se sont approchés de l’orthographe du mot et de valider leurs propositions d’écriture, l’enseignant les invite à trouver la norme orthographique des mots. Lorsque celle-ci est trouvée, elle est présentée aux élèves et l’enseignant fait observer aux enfants les lettres qui se trouvent à la fois dans leur tentative d’écriture initiale et dans le mot normé.
Transfert des apprentissages
Phase 6 : Conservation des traces et réutilisation des mots
La dernière phase, qui se rapporte au transfert des apprentissages, a une double visée. Dans un premier temps, l’enseignant conserve les traces écrites de l’activité d’orthographes approchées. Plus précisément, il demande aux enfants de répertorier, dans un carnet de bord de style scrapbook ou un portfolio, les mots qui ont été travaillés. Dans un deuxième temps, il est intéressant d’offrir des contextes qui permettent de réutiliser les mots écrits en orthographes approchées, afin que les enfants puissent consolider leurs connaissances orthographiques. De plus, le réinvestissement peut porter sur les stratégies d’écriture et de révision.
Annexe 2
Référentiel
L’enseignante offre à ses élèves l’occasion d’emprunter des livres à la bibliothèque scolaire.
L’enseignante lit à haute voix des livres à ses élèves.
L’enseignante donne l’occasion à ses élèves de présenter des livres à ses pairs.
L’enseignante discute avec ses élèves d’un livre présenté par ses élèves ou par elle.
L’enseignante permet à ses élèves de créer un texte.
L’enseignante fait vivre à ses élèves des activités d’expression à partir d’un livre.
L’enseignante fait classer des livres dans le coin lecture à ses élèves.
L’enseignante amène ses élèves à rechercher d’autres livres faisant écho à un livre lu.
L’enseignante amène ses élèves à rechercher une information dans un ou plusieurs livres ou magazines pour répondre à une question.
L’enseignante organise des activités qui ont pour but de faire distinguer à ses élèves les types d’écrits.
L’enseignante organise des activités qui ont pour but de faire distinguer à ses élèves la structure de chaque type d’écrit.
L’enseignante conduit des activités en utilisant divers écrits.
L’enseignante permet à ses élèves d’écrire en copiant.
L’enseignante offre l’occasion à ses élèves d’essayer de trouver comment s’écrit un mot.
L’enseignante réalise des activités où ses élèves sont amenés à deviner ce qui est écrit.
L’enseignante réalise des activités où ses élèves sont amenés à mémoriser des mots ou des lettres.
L’enseignante propose des activités qui permettent à ses élèves de prendre conscience des sons du langage (syllabes, rimes, phonèmes).
L’enseignante propose des activités qui permettent à ses élèves de faire une relation entre les sons du langage et les lettres de l’alphabet.
L’enseignante propose des activités de reconnaissance de mots (par exemple, avec les prénoms des élèves de la classe).
L’enseignante propose des activités qui incitent ses élèves à deviner des mots vraisemblables pour compléter une phrase en tenant compte du sens.
L’enseignante propose des activités qui permettent à ses élèves d’établir des relations entre un texte et les images qui l’illustrent.
L’enseignante organise des activités qui ont comme but de faire comprendre aux enfants le vocabulaire technique de la langue : lettre, ponctuation, blanc graphique ou espace, chiffre.
L’enseignante organise des activités qui ont comme but de faire comprendre aux enfants le vocabulaire technique de la langue : syllabes, rimes, phonèmes…
L’enseignante organise des activités qui ont comme but de faire comprendre aux enfants le vocabulaire technique de la langue : mot, phrase, texte, paragraphe…
L’enseignante organise des activités qui ont comme but de faire comprendre aux enfants le vocabulaire technique de la langue : titre, auteur, édition…
L’enseignante enseigne la calligraphie.
L’enseignante corrige les mauvaises tenues de crayon.
L’enseignante corrige les mauvaises postures pour écrire.
L’enseignante organise des activités qui permettent aux élèves de comparer des lettres, des mots selon leurs différences ou leurs ressemblances.
L’enseignante organise des activités qui permettent aux élèves de développer leur graphomotricité fine.
L’enseignante propose des activités qui amènent les élèves à acquérir du vocabulaire.
L’enseignante propose des activités qui permettent à ses élèves de lire ou raconter un livre à haute voix à ses camarades. (L’enseignante enregistre parfois l’enfant.)
L’enseignante réalise des activités qui permettent à ses élèves de prendre conscience des fonctions de l’écrit (code, usage…).
L’enseignante organise des activités qui ont pour but d’aider les élèves à se familiariser avec l’organisation spatiale de l’écriture (écriture de la gauche vers la droite, de haut vers le bas).
L’enseignante organise des activités qui permettent à ses élèves de placer dans l’ordre des mots dans une phrase ou bien des phrases dans un texte.
Références
- Allal, L., Bétrix-Köhler, D., Rieben, L., Rouiller Barbey, Y., Saada-Robert, M. et Wegmuller, E. (2001). Apprendre l’orthographe en produisant des textes. Fribourg : Éditions universitaires Fribourg Suisse.
- Angoujard, A. (1994). Identifier des problèmes et les résoudre. Dans A. Angoujard (Dir.) : Savoir orthographier. Paris, France : Hachette.
- Archambault, J. et Chouinard, R. (2003). Vers une gestion éducative de la classe (2e édition). Montréal, Québec : Gaëtan Morin.
- Ball, E. W. (1997). Phonological awareness : implications for whole language and emergent literacy programs. Topics in language disorders, 17(3), 14-26.
- Baslev, K., Claret-Girard, V., Mazurczak, K., Saada-Robert, M. et Veuthey, C. (2005). La résolution de problèmes en français scriptural : un outil pour enseigner/apprendre. Revue française de pédagogie, 150, 59-72.
- Besse, J.-M. et l’Association pour les Apprentissages de la Communication, de la Lecture et de l’Écriture (2000). Regarde comme j’écris ! Écrits d’élèves, regards d’enseignants. Paris, France : Magnard.
- Blachman, B. A. (2000). Phonological awareness. Dans M. L. Kamil, P. B. Mosenthal, P. D. Pearson et R. Barr (Dir.) : Handbook of reading research. Mahwah, New Jersey : Lawrence Erlbaum Associates.
- Blachman, B. A., Tangel, D. M., Ball, E. W., Black, R. et McGraw, C. K. (1999). Developing phonological awareness and word recognition skills : a two-year intervention with low-income, inner-city children. Reading and writing : an interdisplinary journal, 11, 239-273.
- Brasacchio, T., Kuhn, B. et Martin, S. (2001). How does encouragement of invented spelling influence conventional spelling development ? (Document ERIC no ED452546)
- Brassard, D.-G. (1995). Approche(s) cognitiviste(s) ? Dans J.-L. Chiss, J. David et Y. Reuter (Dir.) : Didactique du français. Paris, France : Nathan.
- Brigaudiot, M. (2000). Apprentissages progressifs de l’écrit à l’école maternelle. Paris, France : Hachette Éducation.
- Brigaudiot, M. (2004). Première maîtrise de l’écrit CP, CE1 et secteur spécialisé. Paris, France : Hachette Éducation.
- Brodeur, M., Gosselin, C., Legault, F., Deaudelin, C., Mercier, J. et Vanier, N. (2005). Prévention des difficultés d’apprentissage en lecture chez les enseignants de maternelle. Revue des sciences de l’éducation, 31(1), 33-54.
- Bruner, J. S. (1983). Le développement de l’enfant : savoir faire, savoir dire. Paris, France : Presses universitaires de France.
- Chomsky, C. (1971). Write first, read later. Childhood education, 47, 296-299.
- Chomsky, C. (1975). Invented spelling in the open classroom. Child language today, word, number special, 499-518.
- Chomsky, C. (1979). Approaching reading through invented spelling. Dans P. Weaver et L. B. Resnick (Dir.) : The theory and practice of early reading. Hillsdale, New Jersey : Lawrence Erlbaum Associates.
- Clarke, L. K. (1988). Invented versus traditional spelling in first graders’ writings : effects on learning to spell and read. Research in the teaching of English, 22, 281-309.
- David, J. (2003). Les procédures orthographiques dans les productions écrites des jeunes enfants. Revue des sciences de l’éducation, 29(1), 137-158.
- Ehri, L., Nunes, S. R., Willows, D. M., Schuster, B. V., Yaghoub-Zadeh, Z. et Shanahan, T. (2001). Phonemic awareness instruction helps children learn to read : evidence from the National reading panel’s meta-analysis. Reading research quarterly, 36(3), 250-287.
- Ehri, L. et Wilce, L. (1987). Does learning to spell help beginners learn to read words ? Reading research quarterly, 22, 47-65.
- Ferreiro, E. (1980). The relationship between oral and written language : the children viewpoints. Dans Y. Goodman, M. Hausler et D. Strickland (Dir.) : Oral and written language development research : the impact on schools. Urbana, Illinois : National Council of Teachers of English (NCTE).
- Ferreiro, E. (1984). The underlying logic of literacy development. Dans H. Goelman, A. Oberg et F. Smith (Dir.) : Awakening to Literacy. Exeter, New Hampshire : Heinemann.
- Ferreiro, E. et Gomez Palacio, M. (1988). Lire-écrire à l’école : comment s’y apprennent-ils ? Lyon, France : Centre régional de documentation pédagogique.
- Ferreiro, E. et Teberosky, A. (1982). Literacy before schooling. Exeter, New Hampshire : Heinemann.
- Fijalkow, J. et Fijalkow, É. (1991). L’écriture inventée au cycle des apprentissages. Études génétiques. Les dossiers de l’éducation, 18, 125-167.
- Gambrell, L. B., Mazzoni, S. A. et Almasi, J. F. (2000). Promoting collaboration, social interaction and engagement with text. Dans L. Baker, M. J. Dreher et J. T. Guthrie (Dir.) : Engaging young readers. New York, New York : Guildord Press.
- Giasson, J. et Saint-Laurent, L. (1999). Lire en classe : résultats d’une enquête au primaire. Revue canadienne de l’éducation, 24(2), 197-211.
- Good, R. H. III et Kaminski, R. A. (1996). Assessment for instructional decisions : toward a practice / prevention model of decision-making for early literacy skills. School psychology quarterly, 11, 326-336.
- Goswani, U. (2002). Early phonological development and the acquisition of literacy. Dans S. B. Neuman et D. K. Dickinson (Dir.) : Handbook of early literacy research. New York, New York : The Guilford Press.
- Huxford, L., Terrell, C. et Bradley, L. (1992). « Invented » spelling and learning to read. Dans C. Sterling et C. Robson (Dir.) : Psychology, spelling and education. Clevedon, England : Multilingual Matters.
- International Reading Association (1998). Learning to read and write : Developmentally appropriate practices for young children. The reading teacher, 52(2), 193-214.
- Jaffré, J.-P. (2000). Ce que nous apprennent les orthographes inventées. Dans C. Fabre-Cols (Dir.) : Apprendre à lire des textes d’enfants. Bruxelles, Belgique : De Boeck et Ducolot.
- Johnson, D. W., Johnson, R. T. et Stanne, M. B. (2000). Cooperative learning methods : a meta analysis. Minneapolis, Minnesota : University of Minnesota, The Cooperative Learning Center.
- Marsh, G., Morton, F., Welch, V. et Desberg, P. (1980). The developpment of strategies in spelling. Dans U. Frith (Dir.) : Cognitive processes in spelling. London, United Kingdom : Academic Press.
- Mattar, C. et Blondin, C. (2006). Apprentissage coopératif et prises de paroles en langue cible dans deux classes d’immersion. La revue canadienne des langues vivantes, 63(2), 225-253.
- Ministère de l’Éducation du Québec (2001). Programme de formation de l’école québécoise. Éducation préscolaire, enseignement primaire. Québec, Québec : Gouvernement du Québec.
- Montésinos-Gelet, I. (1999). La construction de la dimension phonogrammique du français écrit. Dans J. Fijalkow (Dir.) : Des enfants, des livres et des mots. Toulouse : Presses universitaires du Mirail.
- Montésinos-Gelet, I. et Morin, M.-F. (2001). S’approcher de la norme orthographique en 1re année du primaire : qu’en est-il de la pluralité des conceptions linguistiques ? Archives de psychologie, 69(270-271), 159-176.
- Montésinos-Gelet, I. (2007). Les préoccupations du jeune scripteur et le développement des compétences langagières à l’écrit. Dans A.-M. Dionne et M.-J. Berger (Dir.) : Les littératies : perspectives linguistique, familiale et culturelle. Ottawa, Ontario : Presses de l’Université d’Ottawa.
- Morin, M.-F. (2002). Le développement des habiletés orthographiques chez des sujets francophones entre la fin de la maternelle et de la première année du primaire. Thèse de doctorat inédite, Université Laval, Québec.
- Nation, K. et Hulme, C. (1998). The role of analogy in early spelling development. Dans C. Hulme et R. M. Joshi (Dir.) : Reading and spelling : development and disorders. Mahwah, New Jersey : Lawrence Erlbaum Associates.
- Nicholson, M.-J. S. (1996). The effect of invented spelling on running word counts in creative writing. Unpublished master dissertation, Kean College of New Jersey, New Jersey.
- Perkins, D. N. (1995). L’individus-plus : une vision distribuée de la pensée et de l’apprentissage. Revue française de pédagogie, 111, 57-71.
- Perret-Clermont, A.-N. (1996). La construction de l’intelligence dans l’interaction sociale. Berne, Suisse : Peter Lang.
- Read, C. (1971). Pre-School children’s knowledge of English phonology. Harvard educational review, 41, 1-34.
- Read, C. (1986). Children’s creative spelling. London, United Kingdom : Routledge et Kegan Paul.
- Richgels, D. (1987). Experimental reading with invented spelling (ERIS) : a preschool and kindergarten method. The reading teacher, 40, 522-529.
- Rieben, L. (2003). Écritures inventées et apprentissage de la lecture et de l’orthographe. Faits de langues, 14, 27-36.
- Rieben, L., Ntamakiliro, L., Gonthier, B. et Fayol, M. (2005). Effects of various early writing practices on reading and spelling. Scientific studies on reading, 9(2), 145-166.
- Rilliard, J. et Sandon, J.-M. (1994). L’orthographe pendant la production de textes écrits. Dans A. Angoujard (Dir.) : Savoir orthographier. Paris, France : Hachette.
- Rivaldo, R. (1994). Invented spelling : what is the problem ? The misconceptions of whole language teachers. New York, New York : Bowling Green State University, Education Department. (Document ERIC n° ED384866)
- Saada-Robert, M., Auvergne, M., Baslev, K., Claret-Girard, V., Mazurczak, K. et Veuthey, C. (2003). Écrire pour lire dès 4 ans. Didactique de l’entrée dans l’écrit, 100. Genève, Suisse : Université de Genève.
- Shanahan, T. (1980). The impact of writing instruction on learning to read. Reading world, 19, 347-368.
- Snow, C., Burns, M. W. et Griffin, P. (1998). Preventing reading difficulties in young children. Washington, District of Columbia : National Academy Press.
- Stanovich, K. E. (1986). Matthew effects in reading : some consequences of individual differences in the acquisition of literacy. Reading research quarterly, 21(4), 360-406.
- Von Lehmden-Koch, C. A. (1993). Attitudes of K-6 teachers towards invented spelling. Kalida, Ohio : Kalida Local School District. (Document ERIC n° ED357335)
- Vygotsky, L. S. (1997). Pensée et Langage (3e édition). Paris, France : Éditions sociales.