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Cet ouvrage regroupe treize auteurs de la francophonie qui, au-delà de leurs différences, adhèrent au paradigme socioconstructiviste. Composé de dix chapitres, il aborde plusieurs sujets très à la mode actuellement en éducation : les fondements théoriques du cognitivisme et du socioconstructivisme et leur usage dans le cadre de la réforme en éducation au Québec, la notion de compétence, la pensée réflexive et les compétences transversales, l’analyse du discours sur la réforme au Québec ainsi que plusieurs analyses de projets de réforme en Belgique, en Suisse, en France et au Québec.
Comme cela arrive régulièrement dans ce genre d’ouvrage, on n’a pas su ici éviter deux écueils : l’éparpillement et, paradoxalement, la redite. En effet, il n’est pas toujours facile de trouver un fil conducteur à ces dix chapitres (si ce n’est l’adhésion à un même paradigme). En outre, certains chapitres sont plutôt de nature théorique, d’autres des comptes rendus d’expérience, ce qui accentue la disparité. À cet égard, une division en sections thématiques aurait été souhaitable de manière à regrouper les textes du même genre. Mais, en même temps, le lecteur verra à plusieurs reprises retracées les grandes lignes du socioconstructivisme et là, la redite devient un peu agaçante. Néanmoins, il s’agit de lacunes mineures inhérentes à ce type de production collective. L’ouvrage, d’ailleurs, n’est pas sans qualité. Ainsi, sa lecture permet de constater la communauté de défis et souvent d’actions, dans la francophonie européenne et américaine (à tout le moins pour ce qui est du Québec) en matière de réformes scolaires. Il renferme aussi deux chapitres qui, à notre avis, sont particulièrement intéressants, celui de Legendre sur les fondements théoriques du cognitivisme et du socioconstructivisme et leurs prolongements dans la réforme curriculaire, et celui de Vincent à propos de l’analyse des discours sur la réforme en éducation au Québec.
Cependant, malgré les qualités évoquées, l’ouvrage provoque un certain malaise. Le constructivisme (et ses variantes) comme posture épistémologique fait office ici de véritable doxa. Et, comme dans toute doxa, c’est la pensée critique qui semble sacrifiée. En effet, certains auteurs s’essaient à l’épistémologie. Or, la présentation qu’ils font du constructivisme – à l’exception de Legendre – est souvent dogmatique et s’appuie principalement sur un penseur : E. von Glasersfeld. Les propos de ce dernier sont régulièrement évoqués sur le mode incantatoire comme s’il s’agissait de paroles d’Évangile (ce qui est un comble lorsqu’on se dit constructiviste). Ce discours, que nous n’hésitons pas à qualifier d’idéologique, s’est créé un adversaire tout désigné : le positivisme. Mais le portrait qui en est fait apparaît pour le moins caricatural. Par exemple, Désautels et Larochelle semblent réduire le positivisme au scientisme. Plus grave, ces tenants d’une cognition comme entreprise collective et distribuée ne convoquent jamais, dans leur discussion, les philosophes et épistémologues qui ne pensent pas comme eux. Par exemple, on songe à des auteurs aussi différents que Vittorio Hösle pour l’idéalisme objectif, Mario Bunge pour le matérialisme ou encore Jean Grondin pour la phénoménologie herméneutique, autant de penseurs qui habitent des mondes fort éloignés les uns des autres en matière d’épistémologie, mais qui ont tous critiqué sérieusement, et avec des arguments forts solides, le constructivisme. Ainsi, notre principal reproche ne porte pas sur les analyses de la situation scolaire (dans l’ensemble fort intéressantes) mais sur les passages où certains auteurs semblent vouloir jouer aux épistémologues patentés. En somme, on devrait retourner la posture constructiviste sur elle-même et la reconnecter aux projets des acteurs qui la portent. Il faudrait alors leur demander quels intérêts ils ont à dénaturer le positivisme, à faire du constructivisme la posture à adopter et à se soustraire à un véritable dialogue avec leurs contradicteurs.