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Cette monographie témoigne du contenu des communications et du déroulement des ateliers du huitième symposium annuel du Réseau québécois pour la pratique des histoires de vie, fondé en 1994. L’architecture de ce recueil de textes se donne à voir sous un triptyque thématique : « mise en liens » , « histoire de liens » et « dynamique des liens ». Chaque thème est introduit par un résumé des communications et des ateliers s’y déroulant. Il faut savoir gré aux auteurs d’avoir laissé des traces mnésiques des communications et de la dynamique qui s’est établie lors du symposium.

L’exploration de chaque thème (lier, délier, relier) donne lieu à l’expression et à l’analyse de réseaux notionnels plongeant au coeur des champs disciplinaires et des pratiques des auteurs individuels ou collectifs. L’histoire de vie, de sa vie autorise en quelque sorte la prise en compte d’un continuum qui va des implications (au sens psychanalytique du terme, dès lors liées à nos enracinements et se distinguant de la notion d’engagement) jusqu’à la distanciation, et ce, dans ses rapports au temps, à soi, aux autres et au monde. À ce titre, les auteurs cherchent à comprendre (au sens de Dilthey), à se comprendre et à mettre en commun certains aspects liés à leurs pratiques professionnelles de recherche, d’intervention ou de formation. Inévitablement, cela conduit à la recherche de sens, à l’herméneutique, aux analyses et aux interprétations successives qu’inspirent les histoires de vie, tant pour les professionnels que pour les étudiants qui s’y adonnent. Il appert que ce travail est fort bien amorcé.

L’appel à la constitution d’une véritable « science des effets » (Enriquez, p. 205) nous amène à considérer le schème interactif « observateur, objet d’observation et observatoire » propre à la science classique. L’observateur-sujet se donne à voir d’une manière interactive comme objet-sujet d’observation à travers un observatoire construit (Dumouchel, 2005).

S’il s’avère que l’étudiant est au coeur de ses propres apprentissages, du développement intentionnel de ses compétences (MÉQ, 2001), peut-être est-il temps de l’inviter, lui et ses pairs — ainsi que des observateurs provenant d’autres domaines, notamment des sciences juridiques, de l’anthropologie, de l’écologie, etc. — à coconstruire un observatoire dans une perspective plurielle, voire multiréférentielle (Ardoino, 2000).

De plus, le portfolio agissant comme « témoin évolutif du développement des compétences » (Dumouchel, 2005), le récit de vie en éducation pourrait être mis en rapport avec le développement des compétences, non plus uniquement par les enseignants ou les évaluateurs, mais bel et bien par le sujet lui-même qui en documente les manifestations ; savoir, savoir-faire et savoir-être, dans une perspective d’un savoir-mobiliser ses propres ressources pour faire face à des situations ou à des familles de situations. La durée s’inscrit dans la reconnaissance d’un temps long.

Cela suppose qu’on reconnaisse également des temps d’arrêt réflexifs au sein desquels le sujet documente le développement de ses compétences, réinterprète son récit de vie à la lumière de nouvelles réalisations planifiées, en lien avec des cibles de développement intentionnel de compétences sur lesquelles il effectue des retours réflexifs.

Au plan systémique, les cours et les programmes apparaissent saucissonnés, ce qui fait en sorte qu’on ignore où en est le sujet par rapport aux compétences qu’il a développées : le drame consiste en ce que chaque formateur repart de zéro parce que le sujet n’amène pas avec lui la documentation des compétences qu’il a développées.

Dès lors, nous ne serions plus dans l’ordre de logiques disjonctives qui placent le récit de vie d’un côté et le développement des compétences de l’autre ; nous serions dorénavant dans des logiques conjonctives distinguées puis conjuguées qui considèrent le récit de vie du sujet dans sa mise en rapport avec le développement des compétences avec et par le sujet lui-même.

Les compétences ne seraient plus alors perçues comme de simples prescriptions au sein de référentiels de compétences externes au sujet, mais se situeraient pour le sujet lui-même dans l’interprétation du sens négocié par lui et par les autres, sens constamment réinterprété. Si le sujet retournait à cette documentation qu’il a lui-même produit, nous pourrions peut-être compter sur une autre dynamique de responsabilisation. En même temps, l’exiger pour les autres requiert, en toute cohérence, de le faire soi-même.