Recensions

Aubert-Géa, C. (2005). Quelle formation pour enseigner l’oral ? Paris : L’Harmattan.[Notice]

  • Martine Mottet

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  • Martine Mottet
    Université de Montréal

Colette Aubert-Géa, dont le parcours professionnel est fortement ancré à la fois dans la pratique et dans la théorie, a conçu pour sa thèse doctorale un projet ambitieux : élaborer un modèle didactique de l’oral. S’adressant aux jeunes enseignants et à leurs formateurs, elle nous en présente une version remaniée dans cet ouvrage dont une large partie est constituée d’une recension commentée des écrits. Au fil des pages, on assiste à l’élaboration progressive du modèle, entrecoupée de « passages en classe » où elle recueille des données pour appuyer sa réflexion ou mettre à l’essai son modèle. Le dispositif « Parlons-en » illustre bien sa vision de la didactique de l’oral et sa perspective résolument socioconstructiviste. Elle y privilégie l’oral comme outil de construction de l’identité et de la relation avec l’autre pour en faire aussi un objet d’apprentissage, répondant de cette manière aux deux missions de l’école : la socialisation et l’apprentissage. Mis en situation de communication, des élèves du primaire passent ainsi du monologue au dialogue, du brouhaha à l’écoute attentive, de l’évaluation de l’efficacité de la communication a posteriori, grâce à une bande vidéo, à la régulation et à l’amélioration des échanges en cours de processus. À partir de leurs acquis antérieurs ou extérieurs à l’école, de l’expérience vécue et, surtout, de l’évaluation qu’ils en font, les élèves arrivent à formuler eux-mêmes le référentiel d’une communication efficace de même que les apprentissages à faire sur les plans instrumental (phonatoire), textuel ou communicationnel. Les séances d’enseignement-apprentissage de la prononciation ou de la syntaxe, par exemple, ne sont alors plus perçues comme une activité imposée, mais comme une réponse à leurs propres demandes. Par ailleurs, Colette Aubert-Géa se défend bien de proposer une séance type à reproduire de façon mécanique : elle souhaite que les enseignants s’inspirent de son modèle pour élaborer leurs propres dispositifs. Sur le plan conceptuel, la construction de la personne et la réflexion des élèves sur la langue y occupent la place centrale. Sur le plan graphique figurent à l’intérieur et à l’extérieur d’une étoile aux contours irréguliers des concepts que l’autrice a classés en trois groupes et nommés comme suit : les apports extérieurs importés par les élèves (représentations sociales, pratiques langagières, système de valeurs, demande sociale) ; les disciplines dans lesquelles puisent les enseignants (épistémologie, activités langagières, disciplines ressources, disciplines d’enseignement) ; les « allant de soi » à élucider (vision du monde ou modèle du sujet, culture d’origine). Nul doute que l’autrice a mené une réflexion soutenue sur une vaste recension des écrits. Son modèle, dont les concepts et les relations entre eux gagneraient à être plus clairs, est cependant difficile à interpréter et à mettre en oeuvre alors que son dispositif « Parlons-en » est éloquent et inspirant. Compte tenu du public visé, l’ouvrage aurait bénéficié d’une transposition didactique plus approfondie. Son propos presque exclusivement théorique risque en effet de rebuter les jeunes enseignants qui réussiront avec peine à en tirer parti dans leur pratique professionnelle. Enfin, il est dommage que les faiblesses de l’édition, notamment sur les plans de la révision linguistique, de la mise en pages et de la correction d’épreuves, nuisent à la lecture d’un ouvrage qui traite pourtant d’un sujet d’actualité qui suscite l’intérêt des deux côtés de l’Atlantique.