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Peut-on développer une didactique de l’orthographe plus efficace que les méthodes courantes et plus en lien avec les buts de communication visés dans l’enseignement de la langue ? C’est la question à laquelle tente de répondre, dans cet ouvrage, une équipe de chercheuses suisses, en rapportant les résultats d’une recherche réalisée en étroite collaboration avec des enseignants.
La première partie du volume décrit la recherche proprement dite. Après avoir justifié solidement leur préférence pour un curriculum en spirale et après avoir fait une synthèse fort à propos des plus récents travaux sur l’orthographe en linguistique, en psycholinguistique et en didactique, les autrices s’appuient sur les arguments de Schneuwly et Dolz pour insister sur l’importance d’un contexte de production textuelle dans l’enseignement de l’orthographe, tout en soulignant avec justesse l’exigence cognitive d’une telle approche. En lien avec la vision du curriculum à laquelle elles souscrivent, les autrices proposent une approche intégrée (I) de l’enseignement de l’orthographe, dans laquelle alternent la production de textes faisant appel à certaines notions et les activités visant la maîtrise de ces notions. Pour comparer l’efficacité de cette approche à une approche traditionnelle, dite spécifique (S), centrée sur la mémorisation de mots, les exercices et les dictées, en 2e et en 6e année du primaire, les chercheuses ont administré des exercices lacunaires, une dictée, une production de texte et une évaluation des réflexions métacognitives dans des classes de types I et S avant et après les activités d’enseignement, qui se sont déroulées d’octobre à mai. Au terme d’analyses statistiques judicieuses et soigneusement éclairées par d’autres variables, elles ont constaté que l’approche I avait plus d’apports significatifs que l’approche S en 6e année, mais qu’en 2e année, ce sont les élèves ayant suivi l’approche S qui avaient le plus progressé. Les autrices se gardent, avec raison, de conclure qu’il faudrait utiliser l’approche S chez les plus jeunes et réserver l’approche I aux plus âgés, puisque seule une étude longitudinale permettrait d’évaluer les effets à plus long terme d’une approche intégrée utilisée dès les débuts de la scolarité.
La seconde partie du volume se veut plus pratique. Elle présente quatre des séquences didactiques utilisées dans la recherche, améliorées à la suite des remarques des enseignants, ainsi que des conseils pour guider la conception de nouvelles séquences. Grâce à la clarté de l’exposé et aux nuances qui donnent de la crédibilité à l’argumentation, la lecture de ce volume est plus agréable que celle de bien des rapports de recherche. Il faut souligner la remarquable rigueur méthodologique démontrée, tant pour ce qui est du nombre de sujets suivis (373) et du soin porté à l’appariement des classes I et S, que pour la pertinence et la variété des tâches servant de prétest et de post-test. Toutefois, si le degré d’appropriation par les enseignants de l’approche I a été pris en compte pour nuancer l’interprétation, on peut déplorer que l’approche S ne soit pas décrite plus systématiquement. On ignore si son application a été uniforme d’une classe à l’autre et à quel point elle différait de l’approche I (en ce qui concerne le type d’exercices, le nombre de productions textuelles réalisées, la qualité des interventions des enseignants), des éléments qui auraient pu influencer les résultats.
Il faut enfin reconnaître l’effort déployé par les chercheuses pour dépasser le discours idéologique et comparer empiriquement l’efficacité de deux approches, une initiative d’autant plus appréciable qu’elle se révèle trop peu fréquente en didactique du français. Cet ouvrage, qui se veut un trait d’union entre la recherche et la pratique, fournira de nouveaux arguments à ceux qui défendent un renouvellement dans l’enseignement de l’orthographe, suggérera aux chercheurs de nouvelles questions et inspirera aux enseignants des moyens concrets pour améliorer leurs pratiques.