Résumés
Résumé
Cet article analyse la situation psychosociale et scolaire de la jeunesse autochtone au Québec et au Canada. Se référant à la théorie de l'anomie sociale, les auteurs examinent le succès scolaire en milieu autochtone sous l'angle de la résilience, soit pour les facteurs individuels et sociaux qui favorisent l'adaptation et le succès scolaire chez des élèves confrontés à une quantité élevée de conditions adverses. Le texte présente des résultats spécifiques aux adolescents et aux jeunes adultes en âge de poursuivre des études secondaires ou postsecondaires; ces résultats proviennent de deux recherches menées de façon indépendante auprès d'échantillons innus. L'article comporte aussi des pistes de réflexion concernant la signification et les retombées de la résilience scolaire pour les jeunes Amérindiens et leur communauté d'origine.
Abstract
This article presents an analysis of the psychosocial and educational contexts of young aboriginals in Quebec and Canada. Using the Social Anomia Theory, the authors examine school success from the perspective of resilience, in relation to both individual and social factors which promote adaptation and school success for students facing a high level of adverse conditions. The authors present results specifically for adolescents and for young adults eligible for secondary and post-secondary education. These results are taken from two independant research studies of samples of Innus. In summary, the authors present several avenues for reflecting on the significance and implication of resilience in the school context for young aboriginals and for their community.
Résumen
Este artículo analiza la situación psicosocial y escolar de la juventud autóctona en Quebec y Canadá. Utilizando como referencia la teoría de la anomia social, los autores examinan el éxito escolar en medio autóctono relacionando un cierto conformismo social (o resiliencia) con los factores individuales y sociales que favorizan la adaptación y el suceso escolar de alumnos confrontados a una cantidad elevada de condiciones adversas. El texto presenta los resultados específicos a adolescentes y jóvenes adultos en edad de continuar sus estudios secundarios o post-secundarios y provienen de dos investigaciones llevadas a cabo en forma independiente sobre una muestra de autóctonos innus. Finalmente, el artículo presenta algunas pistas de reflexión sobre la significación y los beneficios secundarios de la resiliencia escolar en jóvens autóctonos y en sus comunidades de origen.
Zusammenfassung
In diesem Artikel wird die schulische und psycho-soziale Situation junger Autoch-thoner in Québec und Kanada untersucht. Aufbauend auf der Theorie sozialer Anomie, haben die Autoren den Schulerfolg im Autochthonen-Milieu unter dem Aspekt der Schulkontinuität, und zwar im Hinblick auf individuelle oder soziale Faktoren, die Anpassung und Schulerfolg von Schülern begünstigen, die mit einer großen Zahl widriger Umstände konfrontiert werden. Die Studie liefert Ergebnisse, wie sie für junge Erwachsene im Sekundar- und Postsekundarschulalter typisch sind. Diese Resultate wurden im Rahmen zweier Forschungsvorhaben ermittelt, die unabhängig voneinander an Innu-Gruppen durchgeführt wurden. Der Artikel enthält außerdem mehrere Denkansätze in Bezug auf die Bedeutung und die Auswirkungen der Schulkontinuität für junge nordamerikanische Autochthone und die Stammgemeinschaften, aus denen sie kommen.
Corps de l’article
Introduction
La réalité dont nous traitons dans cet article se situe «au confluent» de deux univers qui, s'ils sont étroitement interreliés, voire imbriqués, poursuivent des finalités qui peuvent paraître, en tout ou en partie, opposées. La réforme curriculaire qui a cours à tous les ordres d'enseignement au Québec et, tout particulièrement, au primaire et au secondaire, se situe dans la mouvance de restructuration d'un système d'éducation dont les finalités sont étroitement reliées au projet de construction d'un état national autonome. On peut difficilement détacher la politique d'un ministère de l'Éducation du projet de société propre et particulier au parti politique au pouvoir. Les missions d'instruction, de socialisation et de qualification qui déterminent le nouveau curriculum québécois sont inscrites dans un projet plus vaste d'affirmation nationale et d'intégration des habitants du territoire québécois, quelle que soit leur origine ethnique.
En contrepartie, le mouvement de prise en charge de l'éducation autochtone par les communautés, amorcé au début des années quatre-vingt, s'est situé d'emblée dans une perspective d'affirmation nationale et s'intègre dans une mouvance plus large d'établissement d'une souveraineté territoriale relative de la part des onze nations amérindiennes et inuites représentées au Québec. Plus précisément, le mouvement de prise en charge de l'éducation par les communautés se situe dans la continuité des principes exprimés par la Fédération des Indiens du Canada (1972). Ces principes prennent leur racine dans la volonté d'affirmation d'une identité et du droit à la construction d'un projet de société particulier à chacune des premières nations que promeut l'exercice du droit à la revendication territoriale reconnu par la constitution canadienne (Larose, 1988a).
Si, en réalité, la prise en charge de l'éducation par les communautés autochtones vise des finalités identiques à celles que poursuit la réforme curriculaire, du moins sur le plan pédagogique, elle s'en distingue fortement sur le plan des finalités sociales de l'éducation. L'élève qui fréquente les écoles des commissions scolaires Crie et Kativik[1] ou l'une des trente-huit institutions des ordres primaire ou secondaire sous contrôle des communautés locales[2], s'intègre dans un système qui vise, certes, la qualification de l'individu, mais aussi le développement d'un sentiment d'appartenance nécessaire à l'exercice d'une citoyenneté prioritairement autochtone et secondairement canadienne ou québécoise.
La réalité scolaire dont nous traitons se situe dans un contexte très particulier sur le plan socioéconomique. Les élèves des «premières nations» qui fréquentent les écoles sous contrôle communautaire sont aussi des enfants dont plusieurs vivent des conditions de vie adverses caractérisées par la pauvreté, le sous-emploi, le désoeuvrement ainsi que l'insalubrité et le surpeuplement des logements (Larose, 1991a, 1992). Leurs parents sont souvent sous-scolarisés et ont vécu des situations de stress et d'insécurité grave reliées au processus d'acculturation que l'écroulement de l'économie des fourrures, la sédentarisation et la scolarisation forcée en pensionnats ont engendré dans les années soixante ou soixante-dix. Il s'agit donc le plus souvent, d'élèves qui correspondent aux définitions du risque d'inadaptation scolaire et sociale utilisées par le Conseil scolaire de l'île de Montréal ainsi que par la plupart des organismes gouvernementaux québécois. La réussite scolaire et, surtout, la persévérance scolaire y sont rares.
Le milieu autochtone québécois: réalités psychosociales et persévérance scolaire
Les autochtones canadiens et québécois font face à certains problèmes psychosociaux d'une envergure inégalée dans les populations eurocanadiennes[3] (MacMillan, MacMillan, Offord et Dingle, 1996). Ainsi, les incidences de suicide chez les adolescents autochtones de certaines nations nordiques y sont trois fois plus élevées que chez les Eurocanadiens (Aldridge et St-John, 1991; Bagley, Wood et Khumar, 1990). Entre autres, la consommation précoce d'alcool et de stupéfiants représente un problème majeur dans les réserves (Adrian, Layne et Williams, 1990; Gfellner et Hundleby, 1995; Lalinec-Michaud, Subak, Ghadirian et Kovess, 1991).
Au Québec, 77,4% des autochtones commencent une scolarité secondaire avec au moins un an de retard (tableau 1). Près de la moitié ont déjà redoublé, deux classes ou plus au moment de passer du primaire au secondaire (Ministère de l'Éducation du Québec, 1998). Bien qu'elles soient relatives, les statistiques jumelées du Ministère des Affaires indiennes et du Nord et celles du Ministère de l'Éducation indiquent que 65,8% des Amérindiens désertent l'école avant la fin du secondaire (tableau 2). En régions périphériques, 87,9% des adolescents autochtones désertent l'école avant d'avoir complété un diplôme d'études secondaires. En contrepartie, 26,8% des Eurocanadiens désertent avant l'obtention d'une quelconque certification de fin d'études (Larose, 1988a, 1992, Ministère de l'Éducation du Québec, 1998).
Le taux d'échec et d'abandon scolaire (non-diplomation) est en général supérieur de 250% à 300% à la moyenne québécoise chez les autochtones. Cette situation n'est d'ailleurs guère différente de celle qui prévaut dans le reste du Canada.
Plusieurs hypothèses ont été formulées quant à l'origine ou aux causes des difficultés de rendement et de la faible persévérance scolaire des clientèles amérindiennes. Ces hypothèses sont de type linéaire, causal: l'identification d'un problème principal, voire unique, et la mise sur pied de stratégies remédiales consécutives devant normaliser la situation. Parmi les causes inférées, mentionnons les différences de style d'apprentissage entre ceux traditionnellement utilisés dans les communautés et ceux mis de l'avant dans les curriculums scolaires, les différences linguistiques (langue d'usage vernaculaire et langue d'apprentissage européenne) et les différences sur le plan des systèmes de gestion des interactions sociales (codes de politesse et systèmes normatifs informels s'opposant aux conduites normatives mises de l'avant par le professorat non autochtone).
Chacune de ces causes a fait l'objet de propositions d'interventions correctives. Depuis une quinzaine d'années, presque toutes les communautés ont bénéficié de projets d'adaptation des programmes d'enseignement à connotation culturelle (histoire, géographie, sciences humaines) ou linguistique (introduction de cours en langue maternelle au préscolaire et au primaire, et de cours de langue maternelle au primaire et au secondaire). Dans plusieurs communautés, les enseignants non autochtones ont bénéficié de l'appui de l'employeur lorsqu'ils désiraient suivre des formations centrées sur l'éducation interculturelle ou sur la prise en considération des caractéristiques sociales et comportementales des clientèles autochtones, etc. (Larose, 1988a, 1988b, 1991, 1993a, 1993b). Aucune de ces interventions ne semble avoir eu d'effet majeur ou significatif sur le plan du rendement ou de la persévérance scolaire chez les élèves Amérindiens du Québec.
Des causes souvent identifiées à la pauvreté et à la misère sociale consécutives à la sédentarisation
Si les interventions à caractère exclusivement scolaire ne semblent pas porter fruit, peut-être serait-il approprié de situer le problème dans une perspective plus large. Plusieurs auteurs tendent à expliquer les problèmes vécus par les Amérindiens en inférant des effets pathologiques attribués de façon exclusive aux processus d'acculturation à la société dominante (Deyle et Swisher, 1997). D'autres laissent entendre que les situations observées seraient plutôt le produit unilatéral de l'action de variables de contexte, de type socioéconomique ou environnemental. Des recherches récentes suggèrent que les problèmes psychosociaux rencontrés chez les enfants et les adolescents amérindiens, tant sur le plan de l'adaptation sociale que scolaire, sont le produit de l'interaction entre le statut socioéconomique et les conditions environnementales, d'une part, et, d'autre part, les caractéristiques socioculturelles et historiques propres à chaque communauté (Minde et Minde, 1995).
L'impact des variables environnementales
Plusieurs auteurs mettent en relation diverses dimensions environnementales, dont les pratiques sociales associées aux conditions de vie sur les réserves, d'une part et, d'autre part, les problèmes affectant à la fois la santé, la santé mentale et les conduites des enfants, des adolescents et des jeunes adultes autochtones. La documentation scientifique souligne notamment l'impact des pratiques d'alimentation sur la santé et sur les conditions d'études des populations scolaires autochtones tant aux États-Unis (Story, Evans, Fabsitz, Clay, Rock et Broussard, 1999; Story, Strauss, Zephier et Broussard, 1998) qu'au Canada (Macaulay, Paradis, Potvin, Cross, Saadhaddad, McComber, Desrosiers, Kirby, Montour, Lamping, Leduc et Rivard, 1997). Les incidences particulièrement élevées d'anémie chez le nourrisson en milieu amérindien sont par ailleurs reconnues dans la documentation médicale et justifient un programme de dépistage précoce dans les communautés crie de la Baie de James depuis 1995. L'anémie du nourrisson est associée à des déficits sur le plan du développement psychomoteur de l'enfant (Willows, Morel et Gray-Donald, 2000).
Certains auteurs établissent une relation directe entre les conditions physiques caractérisant l'environnement autochtone et les probabilités d'exposition précoce à des substances chimiques toxiques d'une part et, d'autre part, la probabilité d'impact de séquelles biologiques et neurologiques sur le rythme et la capacité d'apprentissage scolaire des enfants et des adolescents (Wheatley, Paradis, Lassonde, Giguère et Tanguay, 1997). Enfin, plusieurs chercheurs ont identifé l'effet des mauvaises conditions de logement sur les incidences d'otites moyennes récurrentes chez les enfants d'âge préscolaire (MacMillan, MacMillan, Offord et Dingle, 1996; Thomson, 1994). La récurrence d'otites moyennes est reconnue comme cause directe de retards sur le plan du développement langagier, sur celui des difficultés de maintien de l'attention et sur l'accumulation précoce des déficits légers d'apprentissage scolaire (McShane et Berry, 1988; McShane et Plas, 1982).
L'impact des variables psychosociales
Sur le plan social, plusieurs recherches établissent des relations entre la pauvreté et le désoeuvrement dans les réserves, les pratiques parentales et les interactions familiales inadéquates d'une part et, d'autre part, le risque de consommation abusive d'alcool et de stupéfiants, de démotivation et de désertion scolaire précoce chez les adolescents amérindiens (Beauvais, 1996; Larose, 1993a; Machamer et Gruber, 1998). La pauvreté, l'isolement des réserves et le désoeuvrement sont aussi considérés comme des variables prédictives puissantes sur le plan de l'identification de la causalité du suicide chez les adolescents et les jeunes adultes autochtones (Bagley, Wood et Khumar, 1990). Certains auteurs considèrent l'interaction entre variables socioéconomiques et socioculturelles (rupture des modèles de socialisation, faible maîtrise linguistique, etc.) en tant que cause des différences observées entre les populations adolescentes autochtones et non autochtones au regard du suicide (Lester 1995, 1997). Dans cette approche, la sous-scolarisation, la marginalisation et le risque suicidaire sont généralement considérées en tant que variables associées. L'importance des facteurs psychologiques (sentiment d'impuissance ou de désespoir) est soulignée par ailleurs dans des recherches qui mettent en relation les variables identifiées par Lester et des mesures de dépression, de marginalisation sociale et d'idéation suicidaire chez les jeunes en milieux autochtones (Andon, 1997; Husted, Johnson et Redwing, 1995; Keane, Dick, Bechtold et Manson, 1996).
La recherche d'un cadre théorique explicatif: le modèle de l'anomie
Pour l'ensemble des recherches mentionnées, l'identification de la causalité du problème implique de façon plus ou moins formelle la reconnaissance de l'effet d'éléments de stress liés aux processus d'acculturation. D'une façon plus générale, certains auteurs ont tenté de situer les problèmes auxquels sont confrontés les autochtones dans la perspective de la théorie de l'anomie (Larose, 1989, 1993a; Lester, 1973, 1984; Young, 1988, 1990). Dans l'approche de Durkheim (1897/1967), l'anomie correspond à la fois à l'idée d'absence de normes conçues en tant que règles de conduites prescrites et de règles coutumières. Le concept d'anomie équivaut alors au produit d'une situation sociale où la déviance et la méfiance sont prévalants. La définition durkheimienne implique aussi l'idée d'une absence de normes internalisées résultant du caractère mal défini des règles prescriptives du comportement social.
En fait, l'usage que font la sociologie et la psychologie sociale du modèle d'anomie de Durkheim se situe sur deux aspects, dialectiquement reliés, mais aussi distincts. Le premier concerne l'effet. L'anomie est alors considérée en tant que variable contributive, individuelle, servant à expliquer le développement de conduites mésadaptées ou dysfonctionnelles, chez l'individu qui interagit avec un milieu où il n'existe pas de correspondance entre la norme prescrite, proclamée et la pratique des institutions ou des individus qui les représentent. La mésadaptation sociale, la déviance ou la conduite pathologique sont considérées ici en tant qu'effets d'ajustement de l'individu à ses contraintes environnementales. On pourrait alors parler d'anomie «produit» (Garcia, 1999; Geiger et Fischer, 1999; Thorlindsson et Bjarnason, 1998).
Le deuxième aspect concerne la cause. Dans ce cas, on parlera d'anomie sociale, bien que certains auteurs utilisent le terme «d'atomie» pour distinguer la composante du concept qui caractérise l'environnement plutôt que l'individu (Galtung, 1996). L'environnement déstructuré, l'absence de cohésion ou de cohérence sociale et l'atomisation d'une société réduite à l'état d'une collection de micro-unités sociales ou familiales impliquent l'inexistence d'entités sociales réelles. L'anomie caractérise alors l'environnement et non le produit de la relation individu-environnement (Boehnke, Hagan et Merkens, 1998; Fullilove, Heon, Jimenez, Parsons, Green et Fullilove, 1998).
La sédentarisation, l'élimination de la base économique commune à la majeure partie des nations amérindiennes vers le début des années soixante, l'absence de base économique propre aux réserves et le caractère artificiel des institutions qui définissent la vie politique et sociale des bandes sont autant de facteurs favorisant la désintégration des normes psychosociales antérieures propres aux communautés.
L'extrême dépendance économique des populations des réserves pourrait se révéler un facteur qui favorise, chez les adolescents et les jeunes adultes, le développement d'un sentiment d'impuissance par rapport à la réalité. Cette dépendance s'illustre par le fait qu'au Québec, en moyenne, 70% des ménages autochtones tirent leur revenu de l'assistance sociale et que les institutions gouvernementales (administration des bandes, santé, services sociaux, éducation) représentent 78% de la structure d'emploi sur les réserves (Affaires Indiennes et du Nord Canada, 1987; Statistique Canada, 1993). On peut inférer que, dans un tel contexte socio-économique, les individus ne considèrent avoir qu'un faible potentiel d'action sur des réalités qui les affectent. L'existence d'un sentiment d'impuissance à transformer leur environnement et, en conséquence, d'une tendance à l'adaptation aléatoire chez les autochtones serait conforme à la documentation scientifique.
Inversement, le recours au modèle de l'anomie sociale semble cohérent avec le constat maintes fois présent dans la documentation scientifique, à l'effet que le développement de dynamiques économiques locales, mettant en valeur les compétences des citoyens, réduit la probabilité de problèmes psychosociaux sur les réserves. De la même façon, la reconnaissance de l'existence de savoirs valides propres aux communautés et l'intégration des dynamiques scolaires et des dynamiques sociales, tant sur le plan local que sur celui des interactions entre autochtones et communautés non autochtones, augmente la crédibilité des institutions et des individus aux yeux des enfants et des adolescents, et réduit significativement les incidences de problèmes d'adaptation scolaire et sociale (James, 2000; Regnier, 1994; Ward, 1998).
Le stress d'acculturation comme facteur de risque chez le jeune autochtone
Comme nous l'avons souligné précédemment, plusieurs auteurs, notamment à la fin des années 1970, et au début des années 1980, ont identifié les problèmes psychosociaux rencontrés en milieux autochtones aux effets du stress engendré par l'effondrement du modèle économique et social dit «traditionnel» et à la sédentarisation. Le stress engendré par l'acculturation à la société eurocanadienne, particulièrement dans un contexte d'extrême dépendance socioéconomique, la rupture de modèles de socialisation efficaces dans le cadre du fonctionnement en unité de production restreinte (famille élargie comme unité de base de la production), mais relativement peu fonctionnels dans un environnement de type village, ont été identifiés comme autant de facteurs de risque sur le plan du développement de conduites psychopathologiques (Larose, 1989, 1991a, 1991b, 1993a).
L'acculturation: processus ou produit? Définitions
L'acculturation a été définie en premier lieu comme un phénomène collectif (Glazier, 1996). Cependant, ce concept fut progressivement redéfini comme un phénomène individuel expliquant certaines attitudes ou prédispositions pathologiques chez des individus soumis, soit à des processus migratoires, soit aux effets de modifications imposées de l'extérieur aux structures de leur société d'origine. Comme le mentionnent Berry et Kim (1988), «alors que l'acculturation était proposée, à l'origine, comme un phénomène collectif, on admet aujourd'hui que c'est un phénomène individuel, qu'on nomme acculturation psychologique. Sur ce plan, l'acculturation renvoie aux changements individuels qui accompagnent l'acculturation collective» (p. 207, traduction libre).
De ce fait, l'acculturation psychologique renvoie à des changements qu'un individu opère en prenant contact ou en subissant les effets du contact avec d'autres cultures. Pour Berry, Trimble et Olmedo (1986), les individus qui sont en situation d'acculturation volontaire, tels les immigrants ou les membres des communautés culturelles établies ont moins de difficultés tout au long du processus, car leur attitude envers l'autre culture est plus positive que celle des gens pour qui le contact est imposé, comme c'est le cas pour les réfugiés ou les autochtones.
Berry et Kim (1988) notent quatre attitudes possibles au regard du processus d'acculturation: l'intégration, l'assimilation, la séparation et la marginalisation. Un individu qui adopte une attitude favorable à l'intégration ou à l'assimilation présente moins de probabilités d'éprouver des difficultés et des tensions psychologiques que celui qui adopte une attitude de séparation, voire de marginalisation, dans la mesure où son attitude à l'égard de l'acculturation est plus positive (Berry, 1990).
Le stress engendré par le processus d'acculturation a été associé au processus de sédentarisation comme variable explicative de plusieurs pathologies particulièrement fréquentes en milieu autochtone nord-américain. Le stress de l'acculturation est relié aux incidences anormalement élevées de diabète et d'hypoglycémie ou d'hyperglycémie chez les populations enfantines et adultes (Daniel et Gamble, 1995; Ritenbaugh, Szathmary, Goodby et Feldman, 1996). Il a aussi été associé en tant que variable causale du caractère épidémique des maladies cardiovasculaires, respiratoires et rénales, notamment chez les populations amérindiennes maintenant, un mode de vie de transition et des pratiques alimentaires liées à la chasse, à la pêche et au piégeage (Rhoades, 1996; Wheatley et al., (1997). La réponse au stress de l'acculturation, soit dans une perspective de marginalisation ou inversement d'assimilation, a aussi été identifiée par la documentation scientifique en tant que facteur associé à la dépression, au suicide, à l'alcoolisme, à la toxicomanie et aux conduites violentes, généralement restreintes à l'environnement familial, qui ont caractérisé ou caractérisent les communautés en période de transition ou de sédentarisation (Larose, 1989). Ces variables ont été, à leur tour, associées à la sous-performance, à l'échec et à l'abandon scolaire précoce chez les jeunes Amérindiens (Robinsonzanartu, 1996).
L'adaptation sociale et scolaire des enfants issus d'environnements adverses: la résilience
Malgré l'importance des fréquences de retard et d'abandon scolaire précoce et l'importance des problèmes d'adaptation sociale rencontrés chez les jeunes Amérindiens, certains d'entre eux «déjouent les statistiques». On peut donc considérer ces enfants ou ces adolescents comme des «résilients».
L'apparition du concept de résilience est relativement récent dans les sciences humaines (Anthony, 1974; Garmezy, 1981, 1985, 1991; Masten et Garmezy, 1985; Rutter, 1985). Les définitions de la résilience y dépendent en bonne partie du modèle épistémologique de référence et du contexte dans lequel elle est étudiée. Au début, la résilience a été assimilée à l'invulnérabilité vis-à-vis des stresseurs engendrés par l'environnement (Anthony, 1974). Cependant, le concept d'invulnérabilité sous-entend qu'il s'agit d'un état immuable dû aux caractéristiques personnelles (physiques et psychologiques) du sujet soumis à des événements stresseurs dans un écosystème. Il renvoie à une dimension essentielle de résistance ou de tolérance plutôt qu'à une dimension de plasticité ou d'adaptabilité. Dans ce cas, il s'agit d'une conception de la résilience «état».
Or, d'une part, les interactions de l'individu s'établissent dans un écosystème continuellement changeant, d'autre part, lui-même, à la faveur de ces interactions, se modifie et acquiert de nouvelles façons d'être et d'agir et, enfin, la résistance aux stresseurs peut être liée non pas à l'individu, mais à des facteurs environnementaux qui varient dans le temps et l'espace. En sciences humaines, la résilience peut difficilement être assimilée à l'invulnérabilité puisqu'elle n'est pas immuable mais relative et qu'elle sous-entend un processus développemental. La résilience est donc un construit multidimentionnel et multiréférencié que nous définissons, à l'instar de Masten, Best et Garmezy (1990), comme la capacité d'atteindre ou l'atteinte d'une adaptation fonctionnelle malgré des circonstances adverses ou menaçantes.
Garmezy et Tellegen (1984), Garmezy, Masten et Tellegen (1984) et Masten (1989) distinguent trois modèles théoriques facilitant la compréhension et l'étude de la résilience qui prennent en compte l'ensemble des interactions entre l'enfant et l'environnement, et entre les facteurs de risque et de protection: le modèle «compensatoire», le modèle «de protection» et le modèle «défi». Dans le modèle compensatoire, la résilience de l'enfant s'explique par le fait, par exemple, que ses caractéristiques personnelles ou les caractéristiques familiales lui permettent de compenser les situations adverses de son environnement. Le facteur de protection annihile le facteur de risque, mais n'interagit pas avec lui. Ainsi, à titre illustratif, un enfant qui a un sentiment de compétence personnelle et une perception d'efficacité et de contrôle élevés pourrait résister à des attitudes et à des pratiques dévalorisantes d'un adulte (Catterall, 1998).
Dans le modèle de protection, au contraire, il y a interaction des facteurs de risque et de protection; c'est cette interaction, et non les facteurs eux-mêmes, qui a un effet sur l'adaptation. Par exemple, confronté à des situations adverses, l'enfant cité dans l'exemple précédent peut mobiliser ses ressources personnelles et aller chercher un soutien chez ses parents ou d'autres adultes. Dans le modèle «défi», la présence de facteurs de risque engendre un stress pris comme élément positif suscitant un processus de développement des compétences chez l'enfant qui a des effets favorables sur l'adaptation (à condition que le niveau du stress ne soit pas intolérable, ce qui conduirait à l'inverse). Les compétences acquises sont ensuite utilisées dans des situations ultérieures. Il y a généralisation ou transfert de l'apprentissage.
Les conditions de résilience en milieux autochtones
Le construit de résilience apparaît depuis quelques années dans la documentation scientifique traitant des réalités scolaires et psychosociales amérindiennes. Ainsi, Cummins, Ireland, Resnick et Blum (1999) concluent, d'une étude menée auprès d'adolescents autochtones aux États-Unis, que la qualité et la constance des interactions intrafamiliales agissent en tant que facteur de protection majeur au regard du risque de problèmes de santé et de santé mentale. L'étude distingue l'impact plus important de l'attention et des attentes parentales pour les garçons alors que pour les filles, c'était plutôt l'interaction entre l'attention parentale, la représentation de la scolarité et la non-exposition à des conduites violentes qui agissaient comme facteurs de protection. Pour leur part, Fisher, Storck et Bacon (1999) identifient comme condition de résilience le caractère positif des attentes et des attitudes des enseignants au regard des élèves autochtones du secondaire.
Ces études et d'autres plus centrées sur l'identification et la prévention de la dépression et de conduites pathologiques graves telles que le suicide, chez les adolescents amérindiens, soulignent l'action de facteurs de protection stratégiques. La qualité des interactions de l'enfant avec son environnement familial immédiat ainsi que sa performance et son attachement à l'univers scolaire apparaissent de façon systématique, tant comme conditions de résilience lors de l'exposition à des événements traumatisants que comme facteurs de protection par rapport à la probabilité de développement de conduites reliées à la mésadaptation sociale (Pharris, Resnick et Blum, 1997). Ces résultats coïncident avec ceux d'autres études centrées sur le risque de mésadaptation sociale et scolaire qui identifient le sentiment d'isolement par rapport à la famille au désinvestissement scolaire, à la hausse de l'absentéisme, à l'achat et à la consommation de stupéfiants à l'intérieur de l'institution (Machamer et Gruber, 1998).
La majorité de ces études impliquent une conception de type «compensatoire» de la résilience. L'environnement des réserves est identifié comme source majeure de facteurs de risque, alors que, jusqu'à un certain point, l'environnement familial et, surtout, l'environnement et les intervenants scolaires le sont comme facteurs de protection. La qualité des interactions enfant-environnement familial et scolaire compense l'effet d'exposition à des conduites, voire à des environnements pathogènes (Larose, 1989). Cette approche correspond généralement à une épistémologie de type béhavioral où la dimension d'adaptation et de capacité d'action de l'enfant n'est guère prise en considération (Terrisse et Larose, 2000; Terrisse, Lefebvre, Larose et Martinet, 2000). Dans cette option, l'enfant fait l'objet d'une opposition entre deux types de conditions environnementales, l'une négative et l'autre positive; la dimension de proaction qui lui est propre demeure absente. La conséquence apparaît de façon claire dans les articles de Fisher, Storck et Bacon (1999) et de Machamer et Gruber (1998): hors de l'accroissement du rôle attribué aux acteurs scolaires et de l'importance accordée à l'environnement scolaire, point de salut.
Mais que se passe-t-il alors lorsque l'élève autochtone termine une scolarité obligatoire? Où trouvera-t-il les facteurs de protection qui annihileront les effets pervers d'une acculturation subite à l'environnement urbain, anonyme, éclaté, souvent anomique, s'il doit poursuivre une scolarité postsecondaire? Où trouvera-t-il d'ailleurs ces facteurs de protection s'il décide de ne pas quitter la réserve et, en conséquence, de s'intégrer socialement dans un environnement présenté comme générateur essentiel de facteurs de risque? Ces questions posent le problème de l'identité, de l'acculturation et de ses effets à la fois sur les plans individuel et social.
Stress d'acculturation, anomie et facteurs de résilience scolaire: résultats de deux études menées en milieux autochtones innus
Les données que nous présentons ci-après proviennent de deux études distinctes. La première a été menée en 1988-1989 dans cinq communautés, dont trois villages autochtones et deux communautés eurocanadiennes frontalières. Cette recherche, réalisée par les professeurs Kurtness et Laforge, alors professeurs au département des sciences humaines de l'Université du Québec à Chicoutimi, se basait sur un échantillon de 963 sujets dont 605 Innus représentant 64% de l'échantillon total. Les répondants autochtones provenaient respectivement de Betsiamites (304 sujets ou 50,2% du sous-échantillon), de Schefferville (79 sujets ou 13,1% des répondants innus) et de Pointe-Bleue (222 répondants ou 36,7% du sous-échantillon). De ces 605 personnes, nous retenons pour les fins de ce document un groupe de 372 sujets représentant les répondants amérindiens en âge de fréquentation scolaire secondaire ou postsecondaire (13-14/24 ans).
La seconde étude, réalisée durant les années scolaires 1990-1991 et 1991-1992, a été menée spécifiquement auprès de la population scolaire ou en âge de fréquentation scolaire de la réserve de Betsiamites. Les données ont été recueillies lors d'une étude évaluative du système scolaire local réalisée à la demande du Centre des services éducatifs de Betsiamites (Larose, 1993b). Dans le cadre du présent document, nous ne traitons que de l'échantillon en âge de fréquentation scolaire secondaire.
Il est important de préciser que, lors de la recherche Kurtness-Laforge, seule la communauté de Betsiamites avait déjà procédé à la prise en charge de l'éducation secondaire. Les élèves des deux autres établissements (Pointe-Bleue et Schefferville) fréquentaient les écoles dans la communauté, écoles qui étaient encore sous juridiction fédérale. Lors de notre étude évaluative réalisée à Betsiamites, l'école secondaire était gérée par la communauté depuis cinq ans déjà.
La recherche Kurtness-Laforge (1988-1989)
L'échantillon dont nous traitons est composé de 372 sujets provenant majoritairement de la bande de Betsiamites, et secondairement, de Pointe-Bleue et de Schefferville (tableau 3).
Cet échantillon comprend surtout des femmes (N=202; 57,3%) et secondairement de garçons (N=158; 42,7%), la variable sexe étant indépendante de la bande d'origine. Au moment de l'enquête, la majorité des répondants (N=222; 60,8%) utilisaient principalement la langue vernaculaire comme médium de communication, la langue d'usage étant cependant significativement associée à la bande d'origine[4] (L2=235,76 (2); p<0,00001; V=0,756; p<0,000), la bande d'appartenance prédisant la langue d'usage (λ=0,678; p<0,0001). Les jeunes gens de Schefferville (65,9%) et de Pointe-Bleue (83,9%) utilisaient majoritairement une langue européenne pour communiquer alors que les répondants de Betsiamites privilégiaient largement (94,0%) l'usage de leur langue. La majorité des sujets fréquentaient essentiellement des gens du même groupe ethnoculturel (N=295; 82,2%) alors qu'une minorité d'entre eux déclaraient que moins de 50% de leurs amis étaient innus. Enfin, si l'échantillon était majoritairement composé d'étudiants (tableau 4), il intégrait un large éventail d'occupations pouvant être considérées en tant que variables associées au degré d'acculturation. Les variables «type d'occupation» et «bande d'origine» sont indépendantes.
Instruments
Plusieurs instruments ont été conçus, adaptés et validés durant cette recherche, mais certains sont plus pertinents à notre propos. Nous retenons ici deux groupes d'instruments qui mesurent, d'une part, le stress d'acculturation et certains indicateurs d'attitudes liés à ce construit et, d'autre part, une série d'échelles qui mesurent les composantes principales du sentiment d'aliénation, soit le stress psychologique, la marginalisation, le locus de contrôle et le style d'attribution causale. Les instruments auxquels nous nous référons sont les suivants:
une échelle générale d'acculturation, composée des 24 items d'origine pris comme ayant des propriétés additives, qui sert d'instrument de mesure globale de réaction au stress d'acculturation;
une première sous-échelle, composée de 6 items, qui mesure une attitude de rejet par rapport à l'ethnie «opposée» et à ses valeurs;
une deuxième sous-échelle, composée de 9 items, qui mesure une attitude favorable à l'intégration à la société dominante;
une troisième et dernière sous-échelle, composée de 9 items, qui mesure une attitude favorable à l'assimilation à la société dominante;
une échelle de mesure du stress général composée de 10 items;
une échelle de mesure du sentiment de marginalité composée de 7 items;
une sous-échelle de locus de contrôle composée de 9 items;
une sous-échelle de style attributionnel composée des items «additifs» reliés aux construits de locus de contrôle et de pensée binaire.
L'ensemble de ces instruments présente des coefficients de consistance interne satisfaisants (tableau 5). Le lecteur pourra consulter les normes de validation des instruments et la description détaillée des construits en se référant à Larose (1996) et à Kurtness et Larose (À paraître).
Résultats
La régression des scores obtenus à l'ensemble des échelles sur les variables qui représentent les principales caractéristiques distinguant les attitudes et conduites généralement associées à la persévérance scolaire en milieu autochtone ne permet de retenir que trois séries de fonction de prédiction. Premièrement, les filles obtiennent des scores plus élevés que les garçons à la mesure du stress général. Elles ont un style d'attribution plus stable et plus global qu'eux, et un sentiment de responsabilité et un sentiment de capacité de proaction (locus de contrôle interne) plus développé. Deuxièmement, les sujets moins scolarisés tendent à démontrer une réactivité plus élevée au stress d'acculturation que leurs pairs qui suivent ou ont suivi des études supérieures. Enfin, les jeunes de l'échantillon qui tendent à utiliser la langue vernaculaire comme moyen de communication sont aussi ceux qui réagissent le plus au stress d'acculturation.
Dans un deuxième temps, nous avons procédé à une analyse multiple de la variance (MANOVA) en intégrant dans le modèle toutes les variables de contexte dont nous disposions, mais en conservant leur partition d'origine (tableau 6).
Les filles plus scolarisées tendent à obtenir des scores plus élevés à l'échelle d'intégration. Les garçons, moins scolarisés tendent à obtenir des scores plus élevés sur le plan de la réactivité au stress d'acculturation. Les sujets de Pointe-Bleue parlent principalement une langue européenne et ont un locus de contrôle plus externe, un style d'attribution causale plus stable et plus global; ils fréquentent surtout des jeunes gens de la même ethnie. Les sujets de Schefferville qui communiquent surtout en langue vernaculaire et dont les amis sont essentiellement de la même ethnie ont un sentiment de marginalité plus développé et présentent plus de symptômes physiologiques et psychologiques de réactivité aux stresseurs environnementaux.
L'étude de Betsiamites (1990-1992)
Au début du mois de mars 1992, nous administrions deux instruments à tous les élèves qui fréquentaient l'école secondaire Uashkaikan de la réserve de Betsiamites. Durant le semestre d'hiver 1992, il y avait 160 étudiants inscrits à cette école. Les effectifs de l'école Uashkaikan équivalaient à 44% des adolescents et des jeunes adultes de la réserve en âge de fréquenter l'école secondaire (13-17 ans).
Échantillon
Notre échantillon se composait de l'ensemble de la population scolaire présente au début du mois de mars 1992, soit de 149 sujets dont 75 filles et 74 garçons. C'était un échantillon de convenance; 72% des sujets (N=108) fréquentaient le premier cycle et 28% (N=41) le second cycle de l'enseignement secondaire.
Instruments
Deux instruments ont été administrés aux élèves durant les périodes régulières d'enseignement. Il s'agit de versions canadiennes-françaises d'échelles dont l'une, l'échelle de mesure du locus de contrôle interne ou externe de Nowicki-Strickland, avait été validée lors d'interventions préalables en milieu scolaire autochtone algonquin et eurocanadien en Abitibi (Larose, 1991a; Larose et Cheezo, 1991). L'autre, l'échelle différentielle de solitude de Schmidt et Sermat, a fait l'objet d'une validation locale lors de l'évaluation du système scolaire de Betsiamites (Larose, 1993b). Chacune de ces échelles se subdivise en trois sous-échelles mesurant des construits distincts et complémentaires. Voici les instruments auxquels nous nous référerons:
une sous-échelle de mesure du sentiment d'impuissance généralisé regroupant un corpus de 12 items;
une sous-échelle de mesure du sentiment de contrôle au regard des interactions sociales comportant 11 items;
une sous-échelle d'attribution de la causalité des événements au hasard ou à la fatalité comportant 8 items;
une sous-échelle de mesure du sentiment d'isolement par rapport à la famille regroupant un corpus de 20 items;
une sous-échelle de mesure du sentiment d'isolement par rapport aux pairs comportant 10 items;
une sous-échelle de mesure du sentiment d'isolement par rapport au groupe social composée elle aussi de 10 items.
L'ensemble de ces instruments présente des coefficients de consistance interne satisfaisants, ainsi que le rapporte le tableau 7.
Lors de l'administration des instruments à l'école Uashkaikan, des membres autochtones du personnel se tenaient à la disposition des élèves afin de leur expliquer en montagnais, si nécessaire, le sens de chaque énoncé. Cette intervention ne fut jamais requise.
Résultats
Dans un premier temps, nous avons régressé les variables métriques dont nous disposions (tenant compte de l'ensemble des structures d'interaction possibles) sur les deux variables catégorielles «cycle d'étude» et «sexe». La régression logistique des mesures effectuées par rapport au locus de contrôle et au sentiment de solitude sur la variable «cycle d'étude» permet d'identifier deux prédicteurs qui agissent de façon autonome. Il s'agit de la variable tendance à l'attribution de la causalité des événements au hasard ou à la fatalité et de la variable sentiment d'isolement par rapport à la famille.
La régression logistique des mesures effectuées concernant le locus de contrôle et le sentiment de solitude sur la variable sexe permet d'identifier deux prédicteurs qui agissent en interaction. Il s'agit de la tendance à l'attribution de la causalité des événements au hasard ou à la fatalité et du sentiment d'impuissance. Les garçons ont une tendance plus marquée que les filles à l'attribution causale externe, notamment à attribuer la cause au hasard. Ils ressentent aussi plus systématiquement que les filles un sentiment d'isolement par rapport à la famille.
Dans un deuxième temps, nous avons procédé à une série d'analyses discriminantes des mêmes variables métriques sur les variables catégorielles non dichotomiques. L'analyse discriminante selon l'ordre scolaire des élèves ou selon leur groupe d'appartenance (niveau régulier, fort ou faible) ne permet d'identifier une fonction canonique prédictrice que dans le second cas. L'interaction des variables sentiment d'isolement par rapport à la famille, sentiment d'isolement par rapport aux pairs et sentiment d'impuissance explique à elle seule 70% de la variance observée (R canonique=0,43; λ2 de Wilks=1,912; χ2=9,32; dl=4; p<0,05).
Enfin, nous avons fait une série d'analyses de variances hiérarchiques prenant nos variables catégorielles comme variables discriminantes, le locus de contrôle comme variable dépendante et le sentiment de solitude comme covariable. Seule l'interaction entre les variables niveau scolaire et groupe d'appartenance ressort de façon significative en tant qu'effet discriminant par rapport au score obtenu à la sous-échelle sentiment d'impuissance (F=3,10; dl=4,107; ρ<0,02; V de Pillai=0,20; F=1,86; dl=12; p<0,04).
Ces mesures confirment une tendance à l'attribution causale externe centrée sur des facteurs non contrôlables (fatalité) et sur un sentiment d'impuissance nettement plus marqué chez les élèves de premier cycle que chez leurs pairs, surtout chez les sujets masculins, classés dans des groupes à profil scolaire faible. Les résultats à la mesure du sentiment de solitude suggèrent que ce sont les élèves du premier cycle qui développent de façon plus marquée un sentiment d'isolement relatif à la famille alors que les élèves du deuxième cycle ou appartenant à des groupes à profil scolaire régulier tendraient à développer plus systématiquement un sentiment d'isolement par rapport au groupe social. Les analyses subséquentes confirment un profil particulier chez les garçons des classes plus faibles au premier cycle. Ces élèves tendent à présenter de façon concomitante un sentiment d'isolement par rapport à la famille et un sentiment d'impuissance nettement plus marqué que les filles ayant un profil scolaire régulier.
Discussion
La comparaison des résultats des deux recherches mentionnées permet d'identifier un certain nombre de points intéressants et significatifs sur lesquels nous revenons maintenant.
Profil des élèves résilients
Dans l'étude Kurtness-Laforge, les filles semblent globalement plus réactives au stress que les garçons. Elles ont un locus de contrôle plus interne et leur style d'attribution causale est à la fois plus stable et plus global, généralisé, que celui des sujets de l'échantillon masculin. Les jeunes gens moins scolarisés et qui utilisent surtout la langue vernaculaire sont plus sujets au stress d'acculturation que les filles plus scolarisées qui, à leur tour, semblent plus enclines à l'intégration.
Dans notre recherche menée à Betsiamites, les élèves plus jeunes (premier cycle) ont une tendance plus marquée à l'attribution des événements à des causes externes et plus particulièrement à la fatalité, au hasard et à la chance, que leurs pairs plus âgés. Ces garçons se retrouvent plus fréquemment que les filles dans les classes faibles. Par rapport à la famille, ils présentent un sentiment d'isolement plus marqué que les filles et développent plus systématiquement qu'elles un sentiment d'impuissance, surtout par rapport à celles des classes régulières de deuxième cycle.
Ces premiers constats vont dans le sens de la documentation scientifique qui traite à la fois de l'évolution du locus de contrôle chez les adolescents et des facteurs de risque ou de protection qui les affectent, notamment lorsqu'ils sont exposés à des stresseurs environnementaux majeurs et systématiques. Ainsi, dans une étude longitudinale portant sur l'évolution du locus de contrôle chez les adolescents, Kulas (1996) note que les jeunes filles ont une tendance à l'externalité plus marquée que les garçons en début d'adolescence, mais que cette tendance évolue vers l'internalité; chez les garçons, on constate la tendance inverse. Chubb, Fertman et Ross (1997) remarquent une tendance similaire tout en relevant une dynamique de dégradation progressive marquée de l'estime de soi chez les filles qui présentent un sentiment de contrôle plutôt externe.
Pour Weist, Freedman, Paskewitz, Proescher et Flaherty (1995), qui ont étudié l'adaptabilité psychologique et la performance scolaire d'adolescents vivant des situations familiales et socioéconomiques adverses, la cohésion familiale agit en tant que facteur de protection majeur pour les garçons confrontés à des situations difficiles alors que ce facteur n'a que peu d'effet chez les filles qui ont développé un locus de contrôle plus interne. Dans la même foulée, Schonertreichl et Muller (1996) relèvent, chez une cohorte de 221 adolescents d'âge scolaire secondaire, que les filles tendent davantage que les garçons à chercher de l'aide auprès de leur mère, de leur environnement familial et, secondairement, des professionnels du milieu scolaire. Les filles plus âgées ont un locus de contrôle plus interne et restreignent plus systématiquement leur requête d'aide à la mère et secondairement à l'environnement familial immédiat. En général, les adolescents qui recourent à l'aide de professionnels sont plus âgés, ont une identité personnelle plus faible et une image de soi plus négative que leurs pairs. Ils tendent aussi à développer un sentiment de contrôle plus externe.
Enfin, selon Sherman, Higgs et Williams (1997), il y a des différences majeures quant au domaine d'application du sentiment de contrôle entre garçons et filles. Les filles tendent plus systématiquement à développer un sentiment de contrôle interne au regard des interactions sociales alors que les garçons d'âge équivalent qui ont une tendance à l'internalité cherchent à percevoir comme contrôlables des événements ou des éléments de leur environnement qui ne le sont pas. Ainsi, nos données sont cohérentes avec l'état de la documentation scientifique, tant en ce qui a trait à l'évolution du locus de contrôle durant l'adolescence, aux relations avec l'environnement social et aux probabilités de succès et de persévérance scolaire. Compte tenu de la faiblesse quantitative des effectifs terminant une scolarité secondaire régulière en milieu amérindien québécois, nous pouvons considérer que la résilience scolaire est une caractéristique essentiellement féminine.
Résilience, persévérance scolaire et probabilité de développement d'une identité sociale
Ces résultats nous obligent à nous questionner sur les retombées de la réussite et de la persévérance scolaires au regard de l'intégration sociale des élèves autochtones résilients et des possibilités de retombées de leur succès sur la communauté. Pour Vanderzee, Buunk et Sanderman (1997), l'internalité du contrôle et le sentiment de recevoir du support de l'environnement social sont des variables déterminantes du développement du sentiment de bien-être psychologique chez les adolescents. Comme nous l'avons mentionné, si, dans notre échantillon, les filles qui réussissent tendent à développer un sentiment de contrôle plus interne, elles tendent aussi à se sentir isolées de leurs pairs et de la communauté. Le support qu'elles peuvent trouver proviendra donc essentiellement de leur environnement familial ou du milieu scolaire. Qu'adviendra-t-il lorsque ces étudiantes ou ces étudiants auront à s'intégrer à un milieu non autochtone, éloigné du village d'origine, comme cela deviendra incontournable s'ils entreprennent des études postsecondaires?
Là encore, une confrontation de nos résultats avec ce que dit la documentation scientifique s'avère riche en traits de cohérence. Dans la recherche Kurtness- Laforge, les sujets qui présentent un locus de contrôle plus externe, qui fréquentent principalement des jeunes de la même ethnie et qui utilisent surtout la langue vernaculaire sont à la fois ceux qui manifestent une plus grande réactivité au stress sur les plans physiologique et psychologique et qui présentent les scores les plus élevés à l'échelle de marginalité. Inversement, les sujets qui présentent un profil d'internalité plus marquée, qui communiquent surtout en langue européenne et qui tendent à fréquenter plus systématiquement des pairs d'autres ethnies présentent moins de symptômes de réactivité au stress.
Des études récentes menées en milieux autochtones américains suggèrent l'existence de corrélations positives entre la présence d'un sentiment d'identité personnelle structuré, une tendance à l'intégration, la fréquence et la stabilité de relations tant fonctionnelles qu'émotives avec des non-autochtones d'une part et, d'autre part, l'ajustement fonctionnel et la stabilité psychologique des sujets (Kim, Lujan et Dixon, 1998). De leur côté, Moran, Fleming, Somervell et Manson (1999) proposent l'existence potentielle d'un sentiment d'identité ethnique biculturel qui correspondrait au construit d'intégration chez les jeunes autochtones. Le sentiment d'identité biculturel équivaudrait, par ailleurs, à une personnalité intégrée par opposition à un sentiment d'identité par assimilation ou par exclusion.
Retombées sur le plan des dynamiques communautaires
La mise en relation de ces données avec nos résultats de recherche nous amène à formuler certaines inférences quant aux retombées du succès ou de la persévérance scolaire sur les dynamiques de développement communautaire. Chez les adolescents innus de nos deux échantillons, la probabilité de réussite et de persévérance scolaire va de pair avec l'autonomie suggérée par l'internalité du locus de contrôle et le réalisme du style d'attribution causale. Elle est aussi étroitement reliée à l'ouverture aux relations avec les non-autochtones, à la pratique, donc à une certaine maîtrise, d'une langue européenne et à l'ouverture à l'intégration des autochtones (groupe minoritaire) et des Eurocanadiens (groupe majoritaire). Corrélativement, la probabilité de réussite et de persévérance scolaire correspond à une relative faiblesse des interactions privilégiés avec la communauté et avec les pairs (sentiment d'isolement élevé) et une centration sur les interactions avec l'environnement familial compris au sens restreint (sentiment d'isolement faible).
Les jeunes Innus qui réussissent et persévèrent sur le plan scolaire sont donc, par essence, des individus intégrés sur le plan de la personnalité, mais peu intégrés sur le plan social, du moins à l'échelon communautaire. Inversement, ils favorisent l'intégration interethnique. Par contre, ceux qui sont le mieux intégrés sur le plan communautaire présentent le moins de probabilité de réussite et de persévérance scolaires, ils ont des profils de personnalité moins marqués par la proactivité (externalité du locus de contrôle), recourent moins fréquemment à une langue non vernaculaire et ont des interactions sociales essentiellement centrées sur des individus de la même ethnie. Ces adolescents favorisent aussi la marginalisation.
Les adolescents qui présentent un profil favorable au succès et à la persévérance scolaire manifestent certaines caractéristiques laissant présumer d'un attachement ou d'un sentiment d'identité faible au regard de la communauté. Inversement, ces jeunes présentent plus systématiquement des caractéristiques individuelles favorisant leur intégration dans un milieu d'accueil externe, non autochtone. En effet, ils ont un profil d'autonomie plus développé, ont démontré leur capacité d'utiliser de façon adéquate les ressources du milieu, en particulier du milieu scolaire, et risquent fort d'utiliser les caractéristiques d'un milieu d'études postsecondaire en tant qu'éléments familiers favorisant la transition et l'intégration dans un environnement plus fluide que celui du village d'origine.
Sur le plan affectif, la seule séparation qu'ils auront à effectuer sera la coupure relative des interactions avec le milieu familial. Il s'agit là d'une forme de détachement qu'ils devront de toute façon assumer à la fin de l'adolescence. Par ailleurs, ces élèves, en majorité des filles, rappelons-le, tendent aussi de façon plus marquée, selon la documentation scientifique, à établir des interactions sociales fonctionnelles, ce qui peut aussi agir comme élément de compensation quant aux conditions de transition dans un nouvel environnement social. Enfin, leur probabilité de réussite scolaire, si elle se maintient durant les études postsecondaires, les amènera à développer des qualifications professionnelles dans des domaines par rapport auxquels la dynamique économique actuelle des réserves offre peu de débouchés.
Inversement, les jeunes qui présentent les plus faibles probabilités de succès scolaire sont aussi ceux qui trouvent une source de renforcement social particulièrement féconde dans le milieu communautaire. Leur faible rendement réduit d'autant la possibilité qu'ils se qualifient pour des études longues et cette sous-qualification restreint à son tour leur champ d'action à la communauté. La non-accessibilité à des profils de formation professionnelle à l'intérieur des réseaux d'éducation gérés par les communautés réduit encore plus les chances qu'ils puissent un jour se qualifier pour exercer un métier vers lequel une dynamique locale de développement économique pourrait un jour leur offrir une perspective d'emploi. L'intégration de ces jeunes dans la relation circulaire de dépendance économique et de misère sociale que la structure socioéconomique actuelle des réserves encourage semble donc l'alternative la plus réaliste.
La probabilité que s'établissent des interactions dynamiques et intégratrices entre les jeunes qui présentent des profils favorables au succès et à la persévérance scolaire et leurs pairs qui ont des profils plutôt marqués par la sous-performance est faible. Dans une perspective dynamique, l'identité des premiers apparaît plutôt comme une caractéristique individuelle alors que celle des seconds est marquée par l'ethnicité, ce que reflète la tendance à la marginalisation.
Conclusion
La recension de la documentation scientifique relatives aux autochtones nord-américains et canadiens à laquelle nous avons procédé et les données de recherche présentées suggèrent que, dans l'état actuel des choses, les réserves peuvent être considérées comme des environnements adverses concentrant les facteurs de risque, à la fois sur le plan de l'échec, de la démotivation et de l'abandon scolaire précoce chez les jeunes autochtones. Nos données, conformes à une tendance récente chez les chercheurs qui s'intéressent aux dynamiques psychosociales et scolaires en milieu amérindien, montrent aussi l'existence de deux ordres de facteurs de protection qui agissent en tant que conditions de résilience chez certains sujets.
Conformément à l'état de la documentation scientifique, nous identifions un certain nombre de variables proximales ou de caractéristiques psychologiques propres aux sujets, qui les amènent à identifier la persévérance scolaire en tant que condition de réalisation individuelle et qui favorisent le fonctionnement harmonieux du vécu scolaire (Terrisse, Larose et Lefebvre, 1998; Terrisse, Lefebvre et Larose, 1998). Les principales caractéristiques qui émergent à ce sujet sont l'internalité du contrôle, la stabilité et la globalité de l'attribution causale et le réalisme du sentiment de contrôle au regard de son domaine d'exercice.
Chez ces élèves, nous observons aussi un profil particulier concernant l'identification des sources d'appui ou d'interactions positives. Les jeunes résilients voient la famille et particulièrement la mère comme source d'interaction positive; secondairement, ils développent des relations de confiance et d'utilisation efficace des ressources du milieu scolaire. Inversement, ces jeunes développent peu d'interactions; au contraire, ils se sentent isolés de leurs pairs et de leur environnement social. Si on considère les indices de confiance par rapport à la famille et aux intervenants scolaires comme indicateurs de disponibilité d'un réseau d'entraide formel ou informel, on peut alors inférer que les élèves autochtones qui ont un profil de résilience bénéficient de l'effet de variables proximales (caractéristiques individuelles) qui leur permettent ensuite de mettre à profit certaines caractéristiques de leur environnement.
Si nous considérons les élèves autochtones résilients dans la perspective du défi, la présence de facteurs de risque engendre chez eux un stress considéré comme élément positif suscitant un processus de développement des compétences. Ces dernières sont alors mises en oeuvre et généralisées aux deux zones d'interaction nécessaires au succès scolaire, soit au sein de l'école elle-même et de la famille. Cela étant, ces élèves sont ceux qui présentent le profil le plus pertinent à la réalisation d'une mission fondamentale de l'école dans notre société: pour eux, l'école devient un instrument de mobilité sociale, cette dernière ne pouvant s'accomplir dans le contexte spécifique de la majorité des réserves, sans s'accompagner d'une mobilité «sociétale». La réussite scolaire permet la mobilité hors de l'environnement d'origine identifié comme source de stress; en même temps, elle garantit la construction de compétences cognitives et sociales transférables dans le cadre d'un environnement externe connexe: l'atteinte d'une scolarisation supérieure.
Comme les conditions du succès scolaire correspondent aussi en partie à celles qui favorisent une intégration sociale efficace et que ces jeunes privilégient l'intégration, la mobilité sociale offerte par la poursuite d'études supérieures devient elle aussi un agent d'intégration dans la société non autochtone. À ce compte, peut-on considérer la résilience ou, si on préfère la persévérance scolaire comme un élément favorisant le développement économique et social des communautés autochtones? Si la résilience équivaut à la porte de sortie qui garantit exclusivement la mobilité sociale, la question qui se pose alors renvoie à l'avenir même des communautés. Celles-ci pourront-elles offrir au futur jeune qualifié un environnement attrayant? Le concept même de réserve permet-il autre chose que l'exclusion à celles et à ceux qui envisagent un avenir social et professionnel qui ne correspond pas à la dépendance? La réponse ne nous appartient pas. Elle dépend de la capacité qu'auront les nations autochtones à planifier un avenir intégrateur pour leurs propres citoyens.
Parties annexes
Notes
-
[1]
Les commissions scolaires Crie et Kativik ont été constituées légalement en vertu de la Convention de la Baie de James et de ses annexes. Elle jouissent de facto d'une très grande autonomie sur le plan curriculaire et sont placées entièrement sous le contrôle politique des communautés autochtones du territoire qu'elles desservent.
-
[2]
On parle ici d'écoles de bande, faisant l'objet d'un financement direct de la part du gouvernement fédéral. Elles sont placées sous le contrôle d'organismes communautaires locaux, généralement indépendants du Conseil de bande (gouvernement local) et tendent à se fédérer au sein de regroupements régionaux à caractère national (ex.: Mamit Innuat chez les Innus).
-
[3]
Dans ce texte, nous utilisons le terme eurocanadien pour désigner les citoyens non autochtones de façon à ne pas inférer d'uniformité des conditions de vie ou des dynamiques psychosociales monolithiques opposant Amérindiens et autres Canadiens. En effet, les problèmes d'intégration économique sont souvent d'importance au sein de populations migrantes récentes, d'origine non européenne, et leurs ressortissants sont eux aussi souvent exposés à des situations précaires.
-
[4]
Les mesures d'association utilisées sont les suivantes: le chi-carré probabiliste (Likelihood ratio Chi square) identifié par la notation L2 ainsi que le V de Cramer. La fonction de prédiction permettant d'établir le statut de dépendance de l'une ou l'autre des variables associées résulte du calcul du lambda (λ) de Goodman-Kruskall. Le lecteur qui désirerait vérifier la pertinence du choix des indices se référera à Liebetrau (1983) ainsi qu'à Siegel et Castellan (1988).
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