Corps de l’article
Cet ouvrage rend compte d'une recherche et d'une réflexion épistémologique et éthique sur la question d'une base de connaissances en enseignement. L'amélioration de l'éducation par la professionnalisation de l'enseignement constitue l'intention à la base de la recherche. Selon la logique retenue, en enseignement, métier de savoirs, il y a un problème de définition d'une base de connaissances propres. La problématique en est clairement exprimée. À l'aide d'une grille et d'une méthodologie des plus rigoureuses, on met au jour, à partir de 42 revues narratives et synthèses de recherches américaines, un ensemble d'énoncés décrivant ou définissant le travail de «gestion de la matière» et de «gestion de classe», dans le cadre de la classe ordinaire. Cette analyse suscite un questionnement par rapport à l'utilisation de résultats de recherche par les enseignants: la nature complexe et contingente du travail enseignant exige un usage libre, et non applicationniste, des résultats de la recherche dans la pratique. Le dialogue entre recherche et pratique s'impose donc dans un cadre éthique explicite où l'enseignant argumente et confronte ses savoirs à travers un processus de délibération qui fait intervenir, au regard des finalités éducatives choisies et explicitées, les données de la situation et les savoirs scientifiques disponibles et pertinents.
Les limites d'une recension ne permettent pas une discussion en profondeur d'un ouvrage qui aborde une problématique aussi complexe. Voici donc quelques réflexions préliminaires. D'abord, un constat s'impose: la qualité de la construction et de la communication de l'argumentation qui s'y déploie en fait un ouvrage esthétique. Il rend compte explicitement d'une problématique et d'une démarche de recherche qui évoluent vers le recadrage de l'objet. Il apporte un éclairage attendu sur la question de la professionnalisation de l'enseignement en l'abordant sous son angle essentiel, soit celui de l'action pédagogique impliquant un enseignant, les contenus culturels à transmettre et un groupe d'élèves, dans un espace et un temps délimités. Il est pertinent dans le contexte des débats actuels des réformes du curriculum scolaire et de la formation professionnelle.
La rigueur de la démarche scientifique et du rapport qu'on en fait impressionne. Une des forces de cet ouvrage réside dans l'articulation «recherche et pratique», «savoir et action» qui le traverse. Posée comme problème au départ, recadrée au chapitre de l'utilisation des résultats au moyen de l'analogie, celle-ci est reprise sur une base philosophique qui lui redonne sens en anticipant l'établissement du dialogue entre l'enseignant et le chercheur dans un processus interactif de construction des savoirs pédagogiques. La grille et les résultats de l'analyse des revues narratives et des synthèses de recherches sur la «gestion de la matière» et la «gestion de classe» peuvent constituer une référence stimulante pour les activités de formation des enseignants. J'y vois une grande utilité didactique pour les enseignants qui s'engagent dans un programme d'études supérieures et qui posent une problématique de recherche en lien avec leur pratique professionnelle. L'argumentation développée à la faveur d'une théorie de la pédagogie invite les chercheurs à «documenter», en collaboration avec les enseignants, une jurisprudence publique de l'action pédagogique. Le nombre et l'importance des travaux philosophiques à la base de l'argumentation peuvent requérir un retour aux auteurs mentionnés, ou encore un premier contact avec ceux-ci, pour bien saisir la logique de l'argumentation. Les notes infrapaginales peuvent être aidantes à ce sujet; elles plairont davantage au lecteur qu'une utilisation généreuse de la formule ne rebute pas. Mais au fait, quelles sont les implications d'une formation professionnelle où s'articulent savoirs et actions dans la pratique des formateurs des jeunes qui se préparent à l'exercice de la profession?