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L’équivoque oubli de société. De Huron à Wendat : la sociologie du maïs[Notice]

  • Guy Sioui Durand

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Enfant d’Aataentsic (Trigger, 1991), je suis un Wendat (Huron) issu du Nionwentsïo, le territoire ancestral. De la baie Georgienne à la forêt laurentienne en incluant les rives du Magtagoëk, le Grand Chemin qui marche, le fleuve. Entre Cap-Tourmente et Portneuf, entre les rives de la rivière Akiawenrahk et Wendake se trouve Stadaconé, là où je vis. Né en 1952, de la lignée des Tsie8ei (Tsioui, Sioui) de la filiation matrilinéaire d’Élisabeth, membre du clan du Loup dans la Maison longue Akiawenrahk, je parle un peu la langue wendat en voie de revitalisation. Docteur en sociologie (Ph. D.), théoricien et critique d’art, enseignant et écrivain, harangueur (conférencier-performeur) et commissaire indépendant d’évènements et d’expositions d’art autochtone. Cet article est de la plume d’un sociologue dumaïs… avec art. Le sociologue du maïs prend comme objet les Premiers Peuples toujours présents dans les trois Amériques dans une visée de décolonisation. La braise des usages coutumiers, des techniques et langages, mémoires et imaginaires, a couvé sous les cendres des tentatives coloniales de réductions économiques, géopolitiques et culturelles. Après la résilience et la résistance, c’est maintenant l’affirmation. Cette réinitialisation ne se limite pas à la culture, elle envahit le champ de l’économie et du pouvoir politique. Bref, nous avons affaire à des sociétés globales en quête d’une meilleure prise sur leur destinée. Comme sociologue wendat, j’interviens dans ce mouvement social qui traverse les Amériques, mais je veux aussi l’analyser pour mieux le comprendre et agir « glocalement » – penser globalement, agir localement – là où nous, les Mig’makw, Wolastogiyics, Waban A’kis, Kanienke’ a:kas, Anishnabes, Atikamekw, Innus, Naskapis, Eeyous itshees, Wendat et Inuit vivons. La sociologie du maïs symbolise les sciences sociales autochtones, une vision englobante et explicative qui s’est développée au fil du temps. La référence au maïs rappelle que nos organisations sociales, nos usages culturels et nos pensées s’enracinent dans les territoires des trois Amériques. D’origine toltèque, au sud-ouest du Mexique, son agriculture migrera dans les trois Amériques. Que ce soit vers le sud chez les Mayas, vers le nord chez les Peuples des Tumulus ou chez nous, les Iroquoiens, la technique agricole des « trois soeurs » fait en sorte que le maïs, combiné à la courge et la fève, est devenu un aliment commun de base pour les peuples indigènes. Concurrençant le riz et le blé, le « pop-corn » est emblématique de la culture de consommation de masse et on le trouve même mélangé à l’essence (comme carburant). Au nord-est des Amériques, les grains de maïs, à l’image des perles qui sont enfilées et tressées dans les grands colliers de wampums, recèlent l’esprit de nos sociologies du maïs. « Rivières de paroles » stylisées, les wampums convient leurs pratiques, c’est-à-dire les mouvements et les actions (sociales et individuelles), tout autant que leurs discours (croyances, idéologies et récits de vie). Ils appellent leurs observations, recherches et autres analyses des faits (objectivité mesurable), combinant aussi l’herméneutique (la spiritualité comme vie des idées – sacré et éthique) et l’iconologie des oeuvres, avec, comme piste, l’esthétique. Leur assemblage introduit notre vision autochtone générale des savoirs, savoir-faire et savoir-vivre en société par l’art. Pourtant, on commence à peine à reconnaître la teneur de cette sociologie autochtone et son influence sur la pensée moderne (Graeber et Wengrow, 2021). L’itinéraire sociologique que voici est lié à un pionnier de la sociologie moderne, Jean-Charles Falardeau, et à ses origines huronnes-wendat peu connues. Celui-ci sera le « passeur » des savoirs qui vont m’entraîner vers la sociologie de l’art actuel et de l’art autochtone. Malgré l’équivoque (Gagnon, …

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