Itinéraires

Danielle Juteau : un itinéraire sociologique

  • Danielle Juteau et
  • Félix L. Deslauriers

…plus d’informations

L’accès à cet article est réservé aux abonnés. Seuls les 600 premiers mots du texte seront affichés.

Options d’accès :

  • via un accès institutionnel. Si vous êtes membre de l’une des 1200 bibliothèques abonnées ou partenaires d’Érudit (bibliothèques universitaires et collégiales, bibliothèques publiques, centres de recherche, etc.), vous pouvez vous connecter au portail de ressources numériques de votre bibliothèque. Si votre institution n’est pas abonnée, vous pouvez lui faire part de votre intérêt pour Érudit et cette revue en cliquant sur le bouton “Options d’accès”.

  • via un accès individuel. Certaines revues proposent un abonnement individuel numérique. Connectez-vous si vous possédez déjà un abonnement, ou cliquez sur le bouton “Options d’accès” pour obtenir plus d’informations sur l’abonnement individuel.

Dans le cadre de l’engagement d’Érudit en faveur du libre accès, seuls les derniers numéros de cette revue sont sous restriction. L’ensemble des numéros antérieurs est consultable librement sur la plateforme.

Options d’accès
Couverture de D’une génération à l’autre., Numéro hors-série, 2024, p. 9-242, Recherches sociographiques

Plusieurs appartenances, mouvantes et imbriquées, se sont succédé et se sont transformées au gré de mon périple. La première, canadienne- française, franco-ontarienne, québécoise, puis québécoise d’ethnicité canadienne-française, se combine à la deuxième, fondée sur le sexe, pensé d’abord comme biologique, puis comme genre et finalement comme sexe social. Sur quoi reposent ces appartenances, ethnico-nationale et de sexe? Comment appréhender leurs formation et transformation? Ma démarche sociologique, je l’ai compris après coup, fut entièrement consacrée à répondre à cette question. Or, cette démarche s’est dessinée au fil des rencontres, lectures, mouvements sociaux et… emplois de mon conjoint. Des intuitions de départ aux hypothèses de recherche et analyses adoptées, mon travail est liée à la dynamique des rapports sociaux au sein desquels il a été pratiqué. Si ma démarche est indissociable de mon appartenance à des collectivités ethnico-nationales et de sexe minoritaires, elle relève aussi de statuts majoritaires. Ma situation de classe m’a permis de poursuivre mon cours classique et des études universitaires à Montréal. Beaucoup plus tard, j’ai réalisé que j’appartenais à un peuple colonisateur face aux Autochtones, quasi absents de notre quotidienneté, dépeints négativement dans nos livres d’histoire, longtemps occultés par la sociologie. Mon choix de la sociologie a étonné mon entourage, moi qui me destinais depuis l’enfance à la médecine. D’autant plus qu’il en ignorait la teneur : « la sociologie, c’est quoi, c’est comme le socialisme? », me demandait-on suspicieusement… Pourquoi ce virage? L’abbé Lafontaine, prêtre syndicaliste formé en sciences sociales, donnait un cours sur la doctrine sociale de l’Église à mon collège. À partir de deux encycliques Rerum novarum et Quadragesimo anno, il abordait la critique des excès capitalistes, leurs causes, effets et « remèdes ». Le corps social remplaça le corps humain : à l’automne 1961, je m’inscrivis en sociologie à l’Université de Montréal. C’était la Révolution tranquille et le département contribuait à son effervescence : c’était l’époque des Brazeau, Carisse, Dofny, Rioux, Rocher, Sévigny, Szabo… L’abbé Lacoste me suggéra d’étudier la dynamique ethnique de mon Noranda natal, suscitant mon intérêt. On a forcément conscience de « l’Autre » quand on a grandi dans une ville minière multi-ethnique et côtoyé Chinois, Écossais, Finlandais, Juifs, Polonais, Syriens, Ukrainiens… Les occasions d’interaction étaient nombreuses : commerces, services, centres sportifs… On interagissait fréquemment, au sein d’une structure néanmoins hiérarchisée. Mon itinéraire se profilait. Au sortir du baccalauréat en 1963, j’avais acquis les rudiments de la sociologie, une conscience des inégalités sociales et des outils pour les appréhender. J’ai déménagé à Toronto l’année suivante : « qui prend mari prend pays », disait-on à l’époque. Qu’allais-je y faire? Une amie, mariée récemment elle aussi, m’a incitée à poursuivre mes études et à l’accompagner à l’Université de Toronto, ce que je fis. Étudier dans une autre université représente une éducation en soi. J’ai découvert le nationalisme Canadian face aux États-Unis, fus confrontée à des interprétations quasi opposées de « notre » histoire, étonnée du faible intérêt du corps étudiant pour l’avenir de la fédération canadienne. « Oh, you’re French Canadian! » : c’est sur cette remarque que le directeur des études supérieures me recommanda le cours de relations ethniques. Cette inscription « imposée » s’avéra bénéfique. Le cours de ma professeure et future mentore, Jean Burnet, confirma mon intérêt pour ce champ et me conféra une solide formation classique. Elle était diplômée de l’Université de Chicago, berceau de la sociologie des relations ethniques, à laquelle se sont alimentés les rares universitaires intéressés par ce champ en France – où sa pertinence était (et continue d’être) souvent niée (Juteau, 2015, chap. 5). Ma passion pour les relations ethnico-nationales …

Parties annexes