Itinéraires

Les sciences sociales pour écrire l’histoire

  • Denys Delâge

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Couverture de D’une génération à l’autre., Numéro hors-série, 2024, p. 9-242, Recherches sociographiques

Je suis originaire de l’est de Montréal, de Tétreaultville, un quartier d’ouvriers travaillant principalement dans les raffineries de Montréal-Est, à la construction navale (Vickers) et à celle de locomotives. Mon père était télégraphiste pour les trains du Canadian Pacific Railway (C. P. R.). Tout n’y était pas encore construit, laissant de vastes espaces pour des jardins potagers et, ici et là, pour des patinoires l’hiver. Il y avait, à proximité, la « cannerie » d’une famille d’une douzaine d’enfants, pour mettre les légumes en conserve; notre sous-sol servait aussi de cave froide. Nous avons également gardé des poules, lapins, faisans, pigeons, écureuils, etc., les chiens circulant librement en petites bandes dans les ruelles. Il y avait si peu d’autos que l’on pouvait, dans la rue, jouer au hockey avec balle; les familles économisaient longtemps avant d’acquérir une « machine », payée comptant. La parenté fondait les relations sociales élargies à des réseaux d’amis; entre proches, jamais ne fallait-il cogner en passant par la porte arrière : l’on rentrait sans prévenir chez l’un comme chez l’autre. Yvon Deschamps a bien décrit la centralité des femmes dans la surveillance de l’enfanterie. Évidemment, les lundis du lavage et de l’étendage des brassées sur la corde à linge, elles s’échangeaient les nouvelles du quartier : la vieille en train de mourir d’un cancer à la maison, laissée aux soins de sa fille; le vicaire ayant dénoncé pépère « rouge » décédé subitement alors qu’il aurait été davantage préoccupé des élections que de son salut; tel confesseur dominicain peut-être plus tolérant que le curé à propos du « contrôle » des naissances. Toute mon enfance, j’ai répondu à la question « combien êtes-vous d’enfants chez vous? – Trois parce que ma mère a été opérée », la norme étant de quatre. Mes parents valorisaient l’instruction : collège classique pour les deux garçons et faute d’un tel collège pour filles, l’institut familial pour se bien marier. Mes grands-parents du côté paternel étaient des ruraux : un grand-père médecin de campagne, musicien, poète, passionné de nature et une grand-mère très « codée », d’origine protestante et anglophone, mais devenue orpheline et pensionnaire, élevée par les Ursulines. Également un oncle médecin qui incitait à l’instruction des neveux et nièces par recommandations et soutien financier; enfin, une grand-tante célibataire, vêtue de noir et refusant tout travail domestique sauf à l’extérieur. Côté maternel, des cultivateurs travaillant l’hiver dans les « facteries » de coton de Lowell, Massachusetts. Une grand-mère instruite, une huitième année, autrefois maîtresse d’école et écrivant parfaitement; un grand-père analphabète et athée. Sur leur terre, se trouvait face au fleuve la souche d’un grand pin au pied duquel Jacques Cartier aurait enterré des barils de louis d’or. Avec mon père, j’ai creusé pour trouver ces louis d’or. L’été, un oncle et une tante, voisins de ces grands-parents, invitaient leurs sept neveux-nièces de la ville pour un mois à leur ferme; ils avaient observé l’été à Montréal, où ils travaillaient dans la décennie 1930, le défilé des petits corbillards blancs de la terrible mortalité infantile. S’ajoutaient donc à leurs six enfants sept autres, le tout géré avec autant de générosité que d’efficacité. Le bonheur sur terre! À 14 ans, j’ai commencé à travailler l’été. D’abord livreur de commandes d’épicerie en triporteur, puis ouvrier d’été chez un plombier, dans une usine de biscuits puis de cigares, guide touristique sur le « petit train » du lac des Castors sur le Mont-Royal, intervieweur d’artistes à la Commission Rioux sur l’enseignement des arts et, finalement, stagiaire à l’école fédérale d’été en archéologie à l’île aux Noix sur le Richelieu, puis au fort …

Parties annexes