L’ouvrage Pour des histoires audiovisuelles des femmes au Québec, dirigé par Julie Ravary-Pilon et Ersy Contogouris, présente une exploration plurielle des pratiques audiovisuelles passées et présentes de femmes, dans sa définition la plus inclusive possible. Se présentant comme le « premier ouvrage sur la place des femmes dans les médias audiovisuels au Québec » (quatrième de couverture), il est constitué de près d’une vingtaine de chapitres couvrant plusieurs dimensions de la création audiovisuelle dans la province : télévision, cinéma, jeux vidéo, art vidéo, archives, pratiques de créatrices. Ces chapitres se concentrent sur les points de vue, perceptions, expériences et créations de femmes, mais effectuent également des tours d’horizon des filières audiovisuelles et de la place des femmes au sein de celles-ci. Ainsi y sont étudiés autant les oeuvres et les pratiques de leurs créatrices que les aspects plus structurels des domaines de l’audiovisuel au sein desquels elles évoluent. L’ouvrage a également de particulier qu’il mêle regards scientifiques et expériences de praticiennes, déjouant ainsi le piège d’une perspective de recherche en hauteur en associant chapitres théoriques, entrevues avec des créatrices et réflexions de chercheures sur leurs propres pratiques. Les échelles d’analyse varient elles aussi au fil des chapitres : certains d’entre eux se concentrent parfois sur une créatrice ou une oeuvre, alors que d’autres s’intéressent plutôt à une industrie, à une organisation ou à des considérations d’ordre systémique. Se déploie ainsi à travers le livre l’idée que les approches de recherche sur les femmes en audiovisuel ne peuvent être hiérarchisées, et qu’au contraire l’accent doit être mis sur l’ensemble des perspectives et des postures de recherche pour autant qu’elles s’intéressent aux femmes et s’ancrent par exemple dans des théories féministes, queer et/ou décoloniales. Par ailleurs, et comme son titre l’indique, l’ouvrage n’entreprend pas de brosser le portrait d’une histoire audiovisuelle des femmes du Québec : il se concentre plutôt sur la pluralité de ces histoires, en mettant ainsi l’accent à la fois sur leurs propres limites et sur les ouvertures qu’elles permettent. Les directrices de l’ouvrage évitent ainsi le piège de vouloir définir comment et selon quels paramètres l’histoire doit être écrite, pensée et transmise, en misant plutôt sur la multitude des approches et interprétations de cette même histoire, ou plutôt de ces histoires. Cette posture laisse également toute la place aux autrices (et co-auteur) des différents chapitres, qui s’approprient ces histoires en proposant leurs visions bien particulières de celles-ci. Elle laisse aussi, bien entendu, toute la place aux femmes artistes alors qu’elles ont été longtemps mises de côté dans l’histoire officielle, en montrant des « réalité[s] qui [échappent] aux constructions de la doxa » à travers l’idée de « réécrire, revoir les écritures au féminin », comme l’écrit Chloé Savoie-Bernard dans son analyse de Les Terribles vivantes de Dorothy Todd Hénaut (p. 270), notamment en se décentrant (parfois) d’un regard féministe blanc hégémonique pour s’intéresser plutôt aux pratiques et oeuvres de femmes autochtones, queer et racisées. Cela dit, et comme dans tous les ouvrages du même genre, cet avantage apporte aussi des inconvénients : les différentes parties ne sont pas explorées de la même manière, ce qui peut créer un déséquilibre dans leurs couvertures respectives. Par exemple, la partie Jeux vidéo propose deux chapitres s’intéressant à la place des femmes tant dans l’industrie québécoise du jeu vidéo que dans des jeux conçus au Québec, alors que la partie Film et vidéo, comprenant pour sa part cinq chapitres, se concentre presque uniquement sur une poignée d’oeuvres de cinéastes et artistes, avec une exception pour l’histoire du Vidéographe. Cela est toutefois représentatif du parti pris des directrices du …
Collectif, Ersy Contogouris et Julie Ravary-Pion (dir.), Pour des histoires audiovisuelles des femmes au Québec. Confluences et divergences, Québec, Les Presses de l’Université de Montréal, 2022, 384 p.
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Justine Dorval
Université du Québec à Montréal
dorval.justine@courrier.uqam.ca
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