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Dans sa réplique à notre critique (Paillé, 2022), M. Charles Gaudreault répète que « la proportion de la population d’ascendance française au Québec passe de 79 % en 1971 à 64,5 % pour l’année 2014, puis à 45 % pour 2050 ». L’auteur cherche ensuite à justifier ses résultats tant pour 2014 que pour 2041.

La rétroprojection

Concernant sa rétroprojection (1971-2014), M. Charles Gaudreault compare l’estimation de la population totale du Québec par Statistique Canada (8,214 millions en 2014) avec sa propre estimation (8,208 millions). Il y voit une erreur négligeable.

Comparaison inappropriée, car ce ne sont pas les effectifs de la population totale qui sont en cause, mais plutôt la répartition (en %) des sous-groupes projetés. Plus précisément, notre critique a porté sur le groupe des immigrants et leurs descendants (IAD) arrivés au Québec à partir de 1971.

Partant à zéro en 1971, Charles Gaudreault nous informe que, d’après ses calculs, les IAD étaient 800 000 en 2000, 2 millions en 2020, 3 millions en 2035 et 4,1 millions en 2050 (Gaudreault, 2020, p. 930), le tout illustré par un graphique (Ibid., p. 931) permettant d’établir une « polynomiale […] très utile » (Paillé, 2022, p. 559).

Tous calculs refaits, nous avons décelé une surestimation des IAD chez Gaudreault d’au moins 39,5 % (Paillé, 2022, p. 560) dès 2001. Le prolongement de nos calculs jusqu’en 2014 montre un écart minimal de près de 7 points chez les Québécois d’origine ethnique française (71,2 % au lieu de 64,5 %) (Ibid.). Conséquemment, nous répondons oui à sa première question : sa projection est erronée.

La projection

Pour la période 2014-2050, M.  Gaudreault compare ses nombres absolus avec ceux de Statistique Canada. Il en déduit que ses résultats pour 2041 sont « tout à fait valides » malgré une surévaluation de 4,5 % d’une part, et une sous-estimation de 10,7 % d’autre part!

En comparaison, des projections de Marc Termote (2008, p. 133-144) pour l’année 2021 montraient une sous-estimation de 2,5 % (scénario B1) et une surestimation de 1,3 % (scénario D1). Cependant, la justesse des projections de Termote repose sur la répartition des trois groupes linguistiques qu’il a formés, soit le français, l’anglais et les langues tierces.

Globalement, la « somme des écarts absolus[1] » du scénario A1 avec le recensement de 2021[2] est la plus faible avec 2,9 points. À l’opposé, c’est le scénario C1 qui s’en écarte le plus avec une somme de 4,4 points; toutefois, C1 a fait mieux que tous les autres pour les langues tierces (écart de 0,4 point). Le scénario A0 a parfaitement prévu l’importance de la majorité francophone, soit 79,0 %.

À l’Institut de la statistique du Québec, à Statistique Canada et partout ailleurs dans le monde, la prospective en démographie se fait au moyen de plusieurs scénarios. M. Charles Gaudreault ne convaincra personne en se limitant à un seul.

Importance de la fécondité

Dans sa réplique, M. Gaudreault réaffirme sans preuves que des niveaux de fécondité allant de 1,6 à 2,6 enfants par femme n’auraient qu’un impact « négligeable sur le déclin anticipé » (voir Gaudreault, 2020, p. 935). L’examen de notre pyramide des âges montre qu’en 2021, les enfants de 0-14 ans étaient 21,3 % moins nombreux que les personnes de 30-44 ans. Cinq ans plus tôt, ce pourcentage était de 20,5 % (ISQ, 2022).

Cette érosion de notre pyramide des âges à sa base est le fait de toute la population, y compris les immigrants et leurs descendants. Depuis 1970, notre fécondité est insuffisante pour assurer le remplacement des générations. Conséquemment, la réponse à la deuxième question de M. Gaudreault, de savoir si « les conclusions sur le déclin de l’ascendance française sont […] valides », est non, car ce qui décline, c’est la population entière et pas seulement celle d’ascendance française, d’où un vieillissement accéléré et des pénuries de main-d’oeuvre en continu.