Comptes rendus

Stéphane Paquin et X. Hubert Rioux (dir.), La Révolution tranquille 60 ans après. Rétrospective et avenir, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2022, 273 p.[Notice]

  • Simon Langlois

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La question sociale qui dominait l’espace public au moment de l’avènement de la Révolution tranquille était celle de l’infériorité économique des Canadiens français, alors posée en lien avec la question nationale québécoise. Le slogan électoral du Parti libéral de Jean Lesage lors de l’élection de 1962 – « Maîtres chez nous », rappelé en page couverture de cet ouvrage collectif – illustre fort bien la volonté des Canadiens français de prendre en main leur économie (« Maîtres ») sur le territoire où ils étaient majoritaires (« chez nous »), le Québec. Cette reprise en main s’est effectuée par l’accentuation du rôle de l’État dans l’économie et la société québécoise, doublée par la revendication de nouveaux pouvoirs politiques au terme de négociations avec l’État fédéral (hausse des points d’impôt pour le gouvernement québécois, création du Régime de rentes du Québec, fondation de la Caisse de dépôt, etc.). L’évaluation du rôle de l’État québécois depuis soixante ans est le fil conducteur de cet ouvrage qui propose un examen rétrospectif, nuancé et bien documenté de ses réalisations et qui examine les défis et enjeux contemporains. Signalons d’abord que la mention explicite du modèle québécois dans le titre de cet ouvrage aurait donné une idée plus juste de son objet, car la Révolution tranquille ne se résume pas au modèle de gouvernance de la société québécoise. Cette révolution fut aussi culturelle et sociale, affectant les modes de vie et l’imaginaire des Québécois, sans oublier le rôle clé joué par les artistes auquel avait fait référence une boutade de Jacques Parizeau, qui avait rappelé leur apport au même titre que celui de quelques technocrates oeuvrant dans l’appareil d’État. L’ouvrage comprend douze chapitres qui couvrent de larges pans de l’étaticité (stateness en anglais). Les deux premiers analysent les traits caractérisant le modèle québécois de gouvernance (Stéphane Paquin) et tracent à grands traits l’histoire de la construction de l’État québécois moderne (Luc Bernier et Daniel Latouche, dont je souligne le retour dans le champ des études québécoises après des années de silence !). Cinq chapitres portent sur le rôle de l’État dans l’économie (Pierre Fortin), les finances publiques (Luc Godbout et Michael Robert-Angers), l’investissement étatique (X. Hubert Rioux), le fonds Fondaction (Léopold Beaulieu), le rôle d’Hydro-Québec (Marie-Claude Prémont). Ils sont suivis de cinq autres contributions sur des dimensions de la société québécoise faisant l’objet d’interventions étatiques, telles que le territoire (Marc-Urbain Proulx), le marché du travail (Diane-Gabrielle Tremblay), la transition énergétique (Gilles L. Bourque et Robert Laplante), le climat (Annie Chaloux) et les luttes sociales (Pascale Dufour). La qualité de cet ouvrage tient au fait que les contributions ont été fort bien sélectionnées et coordonnées par ses directeurs, mis à part quelques bémols que nous apporterons. Les thèmes retenus indiquent bien que c’est dans la perspective de la science politique que sont examinés la Révolution tranquille et le modèle québécois de gouvernance. Il revient à Pierre Fortin d’avoir clairement précisé que le modèle québécois s’est construit plutôt a posteriori par accumulation d’expériences. « Il n’y a eu, en 1960, aucune intention de la part des dirigeants politiques du Québec de créer a priori un modèle particulier de développement économique et social, mais celle d’utiliser à fond l’“État du Québec” pour rattraper la moyenne canadienne en encourageant le progrès de l’éducation, du bien-être et de l’économie » (p. 80). Il montre que le défi du rattrapage a bien été relevé à l’aide de douze indicateurs illustrant, par comparaison avec l’Ontario, la transformation économique et sociale du Québec dans différents domaines (éducation, chômage, niveau de vie, rémunération, inégalités de revenus, climat social, mesure du bonheur, etc.). Il manque …