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Dans l’excellente préface qu’il consacre à cet ouvrage, Joseph-Yvon Thériault a raison de dire de Simon Langlois qu’il est l’un des « piliers de la vie sociologique québécoise » (p. 3). Issues d’un colloque tenu en mai 2017, les contributions à cet ouvrage collectif témoignent en effet de l’ampleur et de l’importance des travaux du sociologue de l’Université Laval. Le défi était de taille dans la mesure où il consistait à faire tenir ensemble la diversité des champs d’études et des préoccupations sociologiques de Langlois. L’ouvrage relève brillamment ce défi en rassemblant de manière synthétique et pertinente les travaux de ce grand sociologue québécois. On l’a dit, le travail de Simon Langlois est d’une ampleur considérable. Cet ouvrage collectif en constitue la meilleure illustration. On y trouve ainsi des contributions portant sur les aspects proprement théoriques de son travail, alors que d’autres portent sur des objets particuliers et d’autres encore plus spécifiquement sur la sociologie du Québec. On sortira de la lecture de ce livre avec une compréhension claire et complète de son oeuvre.

Bien que Langlois lui-même ne se soit jamais décrit comme un théoricien, plusieurs des textes que l’on trouvera dans ce livre témoignent a contrario d’importantes préoccupations théoriques. On met ainsi en rapport son travail avec la théorie de la justice de John Rawls (Michel Forsé), ou encore avec les approches de Durkheim et de Gurvitch (Andrée Fortin). Les textes que cet ouvrage consacre à cet aspect du travail de Langlois rappellent que le sociologue, dont on a pu apprécier les analyses portant sur des objets concrets comme la société de consommation ou la morphologie sociale, s’est toujours appuyé sur une solide armature théorique. Préoccupé par la question du « changement social » et par l’ensemble des phénomènes ayant trait à la morphologie du social, le sociologue ne s’est en effet jamais contenté d’analyser ces phénomènes d’un point de vue étroitement empirique.

Sur le plan théorique, on retrouvera l’affinité de Langlois avec certains sociologues dont il s’est inspiré tout au long de son parcours, Raymond Boudon en particulier (Jean-Philippe Warren), ou avec certaines approches théoriques comme l’individualisme méthodologique (Yao Assogba). Jean-François Laniel signe à cet égard un texte particulièrement intéressant sur le dualisme de la sociologie québécoise dont le débat sur la folk society et, plus globalement, le rapport tradition-modernité constituerait l’archétype. C’est en évitant le piège d’un dualisme trop rigide dans lequel la sociologie québécoise serait trop souvent tombée que Langlois se serait révélé « soucieux de la complexité du réel » (p. 103).

Il n’en demeure pas moins que toute la pensée de Simon Langlois s’enracine d’abord dans l’observation de la concrétude des choses. C’est ainsi par exemple que le délitement de l’idéal souverainiste résulterait justement selon lui des transformations de la morphologie de la société globale québécoise, ainsi qu’il en a fait la brillante démonstration dans un ouvrage qu’il a cosigné avec Gilles Gagné (Gagné et Langlois, 2002). Les « objets » sociologiques qui ont constitué l’essentiel des préoccupations de Langlois retiennent évidemment l’attention des contributeurs. Ainsi trouvera-t-on dans ce livre d’intéressants textes portant sur la sociologie de la consommation (François Gardes) et sur la question du changement social (Fernand Harvey).

Les questions du Québec, de même que de manière plus générale celle de la francophonie canadienne, ont préoccupé Simon Langlois tout au long de sa carrière. Linda Cardinal consacre ainsi un article intéressant à la « Refondation du Canada francophone à l’extérieur du Québec » à partir de la réflexion qu’a proposée le sociologue de l’Université Laval. De son côté, Mathias Rioux souligne la qualité de son dernier ouvrage, Refondations nationales au Canada et au Québec (Langlois, 2018), ainsi que l’éclairage qu’il apporte à l’impasse dans laquelle se trouve le mouvement indépendantiste.

Les bonnes raisons… rappelle également l’importance de la contribution de Simon Langlois à ce que l’on pourrait appeler l’institution sociologique. Bernard Valade évoque ainsi l’apport de Simon Langlois à la revue L’année sociologique. Joseph-Yvon Thériault souligne lui aussi l’importance de cette contribution, en particulier autour de la revue Recherches sociographiques dont il aura été l’un des principaux animateurs au fil des années, autour aussi de la Revue Tocqueville parmi d’autres encore. Christian Désilets, dans une section réservée aux témoignages, rappelle de son côté que Langlois appartient à la génération des bâtisseurs de la Faculté des sciences sociales de Laval. Thériault évoque à juste titre les nombreux prix et reconnaissances qui jalonnent la carrière de ce grand sociologue. Voilà qui dessine un parcours d’exception. L’ouvrage se referme sur un ensemble de témoignages évoquant l’humanité de l’intellectuel et son désir d’être utile. On y vante ses qualités à titre de directeur de thèse, mais également, comme chez Marie-Rosalie Sagna, sa simplicité, sa patience et son écoute attentive (p. 246).

Bref, cet ouvrage collectif constitue une excellente synthèse de la pensée de Simon Langlois et de son importante contribution à la sociologie du Québec, mais on a envie de dire, à la sociologie tout court.