Comptes rendus

Marie J. Bouchard, L’innovation et l’économie sociale au coeur du modèle québécois. Entretiens avec Benoit Lévesque, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2021, 373 p.[Notice]

  • André Joyal

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Dans son avant-propos, Marie Bouchard, sociologue de formation et professeure titulaire au Département d’organisation et ressources humaines de l’UQAM, précise que cet ouvrage fut conçu à partir de longues conversations sur une période de deux ans avec le sociologue Benoit Lévesque. Ce dernier ayant commencé sa carrière de professeur régulier à l’UQAR a vécu l’essentiel de son expérience professionnelle au sein du Département de sociologie de l’institution où oeuvre sa collègue. Lévesque présente sa carte d’identité en affirmant faire partie « (…) d’une cohorte de sociologues engagés qui s’intéressent davantage aux mouvements sociaux et à leurs initiatives en vue d’une société en reconstruction qui serait plus démocratique… » (p. 329). Il dit appartenir « (…) à une génération de sociologues qui s’est investie dans la recherche avec la préoccupation du transfert des connaissances vers des acteurs sociaux organisés » (p. 319). Co-fondateur de ce qui deviendra le Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES), ses états de service ont été reconnus, entre autres distinctions, par le prix Marie-André-Bertrand (géographe à l’UdeM). Alors qu’il poursuit des études en sociologie des religions à l’Université de Sherbrooke, sa rencontre en 1971 avec Henri Desroche, alors professeur invité, sera déterminante. Le directeur du Collège coopératif à Paris lui propose alors de devenir son directeur d’études doctorales. Il développe par la suite un intérêt pour le développement régional à l’UQAR (1975-1982) avant de passer à la sociologie économique à l’UQAM (1982-2004). Lévesque a puisé une inspiration dans la théorie de la régulation qui venait d’émerger à Paris sous l’instigation, entre autres, de M. Aglietta, R. Boyer et A. Lipietz. Cette nouvelle orientation intellectuelle lui permettra de faire sa niche à l’UQAM. C’est l’époque où, selon C. Saint-Pierre, la sociologie « (…) semble être mal dans sa peau depuis une dizaine d’années (…) à la recherche d’elle-même » (p. 60). Dans ce contexte, Lévesque aura pour défi de participer aux débats en cours en repensant les approches théoriques et méthodologiques susceptibles de conduire à l’exploration de nouveaux terrains. Ici, il se veut reconnaissant envers Fernand Dumont dont la thèse La dialectique de l’objet économique a servi de stimulant pour le guider vers Max Weber. Il comprendra que la sociologie économique rejoint les économistes hétérodoxes en se référant cette fois à Karl Polanyi pour qui l’État doit intervenir afin de réguler le mécanisme du marché. La voie fut ainsi tracée pour celui qui se considère un des premiers à s’inscrire explicitement dans l’approche d’une « nouvelle sociologie économique » (p. 65). Avec le chapitre Une retraite active qui se poursuit depuis 2004, on comprend que celle-ci a été préparée longtemps à l’avance. « Le travail demeure pour moi une vocation quasi religieuse », affirme-t-il (p. 92). Lévesque parle ici de philanthropie et de son implication dans l’institut Maillet. Nul doute que ceux qui oeuvraient au sein de cet organisme dédié à la culture philanthropique y trouveront leur intérêt. La crise économique des années 1980 oblige Lévesque, en collaboration avec son regretté collègue Paul R. Bélanger, à considérer un repositionnement stratégique en matière de recherche. Ils eurent l’audace d’opter en faveur de l’innovation sociale dans une perspective de transformation. Il est question ici d’initiatives témoignant d’une double préoccupation : la production d’outils théoriques et méthodologiques et une production de nature à favoriser le changement social. Dans leurs travaux, les chercheurs du CRISES mettent en évidence quatre domaines d’innovation sociale : les rapports de production, les rapports de consommation, les rapports entre entreprises et les nouvelles formes de gouvernance. Le mot « solidaire » s’ajoute au concept de l’innovation sociale. Lévesque voit ainsi un renouvellement du …