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Dans ce livre relativement court mais dense, les auteurs font le tour des enjeux climatiques. L’analyse ne porte pas uniquement sur le Québec, mais situe celui-ci dans une perspective géographique et politique plus large pour montrer que la crise climatique se vit dans plusieurs parties du monde. Toutes les régions du monde ne sont évidemment pas représentées, mais les grandes régions émettrices de gaz à effet de serre (GES) le sont. Cela donne un portrait très pertinent pour les lecteurs et lectrices qui veulent s’informer sur les enjeux climatiques. L’ouvrage est, du point de vue de la mise en forme des informations recueillies et discutées, avec tableaux, encadrés et graphiques à l’appui, une réussite. On le lit avec un intérêt soutenu en y apprenant beaucoup.
Les trois premiers chapitres sont divisés selon la manière dont le GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) structure ses rapports volumineux sur l’état des connaissances, ou sciences du climat, sur les impacts et l’adaptation et, enfin, sur les mesures prises et à prendre pour tenir en échec le réchauffement.
Le chapitre sur les connaissances sur le climat et les changements climatiques doit beaucoup, il va sans dire, aux rapports du GIEC. Les auteurs se sont donné la peine de les consulter et d’en extraire des faits saillants. On ne peut demander à des spécialistes des sciences sociales de juger de manière critique ce qui ne relève pas de leur champ de compétence, mais, comme le GIEC suit un processus complexe, mais assez exhaustif, de révision des faits et des données récoltées, on peut se fier aux fruits de son travail. D’ailleurs, les rapports du GIEC sont la référence obligée en matière de changements climatiques. Certes, l’institution n’est pas sans critiques et le chapitre montre comment le GIEC a changé et a, en partie, répondu aux attentes exprimées par divers groupes sociaux, notamment en incluant des scientifiques du Sud. Les auteurs sont conscients de ces changements bienvenus. Ils passent, toutefois, un peu sous silence le rôle crucial qu’ont joué les organisations non gouvernementales dans la diffusion des connaissances mobilisées par le GIEC. De plus, le chapitre aborde les rapports entre science et politique, sans trop les approfondir, alors qu’ils ont fait l’objet de recherches en sociologie et science politique des sciences.
Une fois les faits climatiques établis, susceptibles d’être revus et corrigés, les deux autres chapitres, toujours en suivant l’ordre d’exposition du GIEC, se penchent sur des questions peut-être encore plus difficiles, soit l’adaptation à un climat plus chaud, ses impacts et le maintien d’un climat propice à la vie en général et à la santé humaine. La modélisation numérique, dominante dans les sciences du climat, n’est pas ici d’un très grand secours. Les auteurs passent en revue les principaux impacts en faisant une bonne place aux impacts sur la santé humaine. Il est quasi impossible d’énumérer les effets des changements climatiques sur tous les écosystèmes, car ils sont très nombreux et variés. Les liens entre la biodiversité, une manière de concevoir les écosystèmes et les services qu’ils rendent, et les changements climatiques sont esquissés dans ce chapitre, trop brièvement cependant. Un des mérites du chapitre est de traiter des inégalités sociales et écologiques qui découlent des changements climatiques et de la perte de biodiversité.
Le chapitre sur les politiques et les mesures de lutte contre les changements climatiques fait lui aussi un bon tour d’horizon. Les politiques canadiennes y sont examinées de manière critique et celles du Québec d’un peu plus près. Le chapitre propose aussi des portraits sur l’évolution des émissions dans les grands blocs économiques, comme les États-Unis, la Chine, l’Inde, les continents africain et latino-américain. Partout ou presque, le secteur de la production d’électricité et celui des transports dominent dans les émissions des GES, ce qui devrait orienter en priorité les actions publiques et privées.
La panoplie de ces actions est analysée dans les deux chapitres suivants à l’aune de la transition énergétique, qui doit être accélérée selon les auteurs. Les politiques climatiques ont souvent été en deçà des attentes et restent encore insuffisantes. Sans négliger les changements techniques, sauf la géo-ingénierie, les auteurs s’attardent aux deux grandes gammes de mesures favorables à la transition que l’on peut résumer en instruments de marché, comme la tarification du carbone et le marché du carbone pour les grands émetteurs, à quoi le Canada a adhéré, et instruments de politique publique, souvent assimilés, à tort, à de la règlementation rigide alors que leur grande variété ne peut se résumer en un seul mot. Les auteurs examinent différentes régions du monde, comme le Québec, comparé à l’Allemagne (une région allemande serait un choix méthodologique plus approprié), la Californie, le Maroc dans le but évident d’élargir l’étude aux enjeux planétaires.
Puis, pour conclure, les auteurs se demandent s’il s’en fait assez pour effectuer la transition énergétique qui parait nécessaire. Ils pensent que la seule transition énergétique est insuffisante et que les défis sont de nature plus globale et exigent d’autres types de transition. On peut être tenté de mettre en cause le marché et la consommation (p. 143), mais il faut examiner les conséquences des choix qui en découleraient. On ne peut pas expliquer le réchauffement climatique par une défaillance de marché (p. 123-124) puisque, avant les rapports du GIEC, les acteurs économiques ne pouvaient pas savoir quels effets l’adoption des énergies fossiles pouvait avoir sur le climat mondial. Depuis la convention-cadre sur les changements climatiques (1992), on est face à une défaillance politique tout autant que de marché. Notons que les économies planifiées n’ont pas été très respectueuses de l’environnement. Rejeter sans nuances la consommation risque d’entrainer des conséquences sur les régions et personnes qui vivent dans la pauvreté.
Si l’ouvrage est une bonne synthèse des enjeux climatiques, il me parait souffrir d’un manque de perspectives théoriques et conceptuelles. Les sciences sociales de l’environnement, sociologie et science politique notamment, en ont pourtant développé plusieurs. Un des grands débats en sociologie de l’environnement oppose les recherches sur la modernisation écologique et celles qui se réclament de l’écologie politique. La thèse de la modernisation écologique ne rend-elle pas compte de ce que le livre met en évidence? Les sociétés modernes n’ont-elles pas commencé à se convertir à une rationalité écologique, encore restreinte, portée par les communautés scientifiques, les pouvoirs publics, malgré leurs échecs, l’institution de marché et l’action collective de la société civile? L’écologie politique ne se penche-t-elle pas sur les obstacles structurels aux problèmes et enjeux environnementaux en attirant l’attention sur les inégalités écologiques et de pouvoir, sans parler de la justice climatique, qui aurait mérité un plus long traitement? Une autre approche, celle de l’écologie humaine dite structurelle, est évoquée par le modèle IPAT (p. 145), mais les travaux quantitatifs qui ont fait progresser le modèle sont passés sous silence.
Il reste qu’il faut souhaiter que cet ouvrage soit lu ou consulté par un lectorat à la recherche de connaissances et d’une perspective mondiale et comparative sur les enjeux climatiques, incluant le Québec.