Comptes rendus

Chantale Doucet, Le modèle agricole territorial. Nouveaux rapports entre agriculture, société et territoire, Montréal, Presses de l’Université du Québec, 2020, 152 p.[Notice]

  • Gabriel Bourgault-Faucher

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À l’automne 2020, paraissait l’ouvrage Le modèle agricole territorial. Nouveaux rapports entre agriculture, société et territoire, sous la plume de Chantale Doucet, coordonnatrice de l’Observatoire du développement de l’Outaouais (ODO) de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) et membre du Centre de recherche sur le développement territorial (CRDT). L’auteure, qui cumule une vingtaine d’années dans le milieu de la recherche et détient depuis 2017 un doctorat en sciences sociales appliquées (développement des territoires) de l’UQO, nous propose une incursion pour le moins captivante dans le domaine agricole à partir d’une adaptation de sa thèse, laquelle fut récompensée du Prix de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC). Destiné d’abord et avant tout aux acteurs et actrices engagés dans le développement du modèle agricole territorial ainsi qu’aux étudiants et étudiantes et aux chercheurs concernés par l’agriculture, l’ouvrage est rédigé de manière pédagogique et intelligible de sorte qu’il intéressera un large public. Tandis que les deux premiers chapitres sont consacrés à tracer les contours de deux modèles de développement agricole, l’un dominant, dit productiviste (chapitre 1), et l’autre émergent, dit territorial (chapitre 2), le troisième chapitre identifie les obstacles à l’essor et à la pérennisation du modèle territorial, tout en proposant des pistes de solution pour y remédier. Dans un premier temps, l’auteure nous amène donc au coeur du modèle agricole québécois qui, sans être purement productiviste, s’en rapproche. Elle en retrace la genèse depuis le milieu du 20e siècle, où l’on passe d’une agriculture de subsistance (familiale et orientée vers l’autoconsommation) à une agriculture productiviste (industrielle et marchande). L’État québécois, grand maître d’oeuvre de cette transition, apporte également sa contribution par la mise en place d’institutions majeures comme la mise en marché collective, la gestion de l’offre ou la protection du territoire agricole. Puis, au tournant des années 1990, l’idéologie néolibérale s’impose. En parallèle à la ratification d’accords de libre-échange, l’État se désengage et ses politiques agricoles incitent désormais à exporter. En somme, si la plupart des institutions soutenant le secteur agricole perdurent, si les entreprises agricoles ne produisent pas uniquement pour le marché mondial et qu’elles demeurent principalement familiales, de taille moyenne et propriété de leurs exploitants ou exploitantes, l’agriculture n’est pas moins devenue une industrie en quête incessante de productivité, de compétitivité et de croissance où prévaut une approche par filière (verticale, de la production à la commercialisation, et sectorielle, par secteur de production, qui privilégie les commodités). Ce faisant, le développement du modèle agricole québécois a reconfiguré les territoires, dans la mesure où certains ont vu leurs activités agricoles s’intensifier, se spécialiser et s’uniformiser, alors que d’autres sont frappés par l’exode rural. Plus que tout, s’est opéré un véritable découplage entre les dynamiques agricoles et les dynamiques territoriales : l’agriculture peut tout à fait prospérer dans un territoire donné, sans engendrer de retombées socioéconomiques suffisantes pour contrer sa dévitalisation. C’est dans un second temps que l’auteure nous présente le modèle agricole territorial. Elle retrace son émergence, à partir des années 1990 et 2000, lorsque surgit un contre-discours scientifique et politique, critique envers le modèle productiviste dominant, surtout en raison de ses externalités socioéconomiques et environnementales négatives. En même temps, s’opère aussi une conscientisation des consommateurs, qui adoptent des pratiques plus responsables en valorisant notamment l’agriculture durable et de proximité. C’est dans ce contexte, en creux du modèle productiviste dominant, en réponse à ses limites, que le modèle territorial s’insère, laisse entrevoir de nouvelles avenues de développement et prend progressivement de l’ampleur. Il est fondamentalement innovant puisqu’il modifie les manières de faire antérieures. Ses caractéristiques les plus saillantes sont 1) la prolifération d’acteurs et d’actrices et de …