In Memoriam

In MemoriamMaurice Lemire, 1927-2019[Notice]

  • Aurélien Boivin

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  • Aurélien Boivin
    Professeur émérite, Département des littératures, Université Laval

Né à Saint-Gabriel-de-Brandon, le 21 septembre 1927, d’un père hôtelier, Maurice Lemire fait ses études classiques au collège Jean-de-Brébeuf. Bachelier ès arts (1949), il obtient en 1953 une licence en théologie de l’Université de Montréal, puis une licence en lettres de la Sorbonne en 1957. Ordonné prêtre, il enseigne d’abord au séminaire Marie-médiatrice (collège Saint-Paul) à Ottawa (1953-1960). Alors qu’il enseigne à l’Université de Montréal, il décroche un diplôme d’études supérieures de l’Université Laval (1962), puis un doctorat ès lettres en 1966. En 1969, il devient professeur à l’Université Laval où il fera sa marque comme professeur et chercheur en littérature québécoise. Il est décédé le 4 avril 2019, après une maladie qui l’a éloigné de sa passion, nous privant de ses lumières et de son érudition. Peu savent, même parmi ses intimes, que Maurice Lemire a révolutionné le monde de l’enseignement, dès le début de sa carrière universitaire, quand il a osé défier le directeur qui l’avait engagé en mettant au programme, à l’Université de Montréal, un cours sur Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy. Le succès a été si concluant, qu’il a décidé, l’année suivante, mais cette fois avec la bénédiction de son supérieur, de troquer ses cours de littérature française contre des cours portant sur la littérature québécoise. C’est ainsi qu’il est devenu l’un des premiers professeurs universitaires réguliers à offrir un tel enseignement. Maurice Lemire a soutenu, en 1962, un mémoire à l’Université Laval pour l’obtention d’un Diplôme d’études supérieures portant sur « Jean Rivard d’Antoine Gérin-Lajoie : un plan de conquête économique ». Inscrit au doctorat à l’Université Laval, il présentera toutefois sa thèse, en 1966, à l’Université de Sherbrooke, incapable de s’entendre avec sa directrice lavalloise quant à sa teneur et à son argumentaire. Cette thèse, « Les grands thèmes nationalistes du roman historique canadien-français », a été par la suite publiée aux Presses de l’Université Laval, en 1970. Avec cet ouvrage, Maurice Lemire innovait, car, bien que nombreux au XIXe siècle, les romans historiques n’avaient pas attiré jusque-là l’attention des chercheurs. Dans la première partie, intitulée « Thèmes positifs », il privilégie quatre figures majeures : l’Indienne, le missionnaire qui veut la convertir, le pionnier et l’explorateur, auxquelles il ajoute ensuite celle du militaire en analysant les romans de Joseph Marmette et d’Edmond Rousseau. Dans la deuxième partie, les « Thèmes négatifs », il s’intéresse à la déportation des Acadiens, à la trahison de l’intendant Bigot, aux conséquences désastreuses de la Conquête pour la population canadienne, aux invasions américaines de 1775 et 1812-1813, ainsi qu’aux Troubles de 1837-1838. L’analyste fait ressortir dans ces romans les traits des nationalistes canadiens, humiliés par l’envahisseur, mais qui ont su préserver leur identité, leur religion et leur langue contre vents et marées. Lemire venait à peine d’être engagé comme professeur de littérature québécoise à l’Université Laval, en 1969, quand on l’a propulsé à la tête du Département des études canadiennes. Cette nouvelle responsabilité ne l’a toutefois pas empêché de mettre sur pied le projet de sa vie : le Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec. Avec ce projet, Maurice Lemire entendait démontrer qu’il existait une littérature au Québec, même si des collègues persistaient à en nier haut et fort l’existence. Pour lui, cette littérature souffrait d’une importante lacune qu’il entendait bien corriger : elle n’avait jamais été lue. Quelques oeuvres avaient certes été étudiées, mais jamais dans leur totalité ni en relation les unes avec les autres. De plus, l’inventaire des oeuvres n’avait jamais été fait. C’est sous son impulsion que ces lacunes seront comblées. « Du passé lumineux recueillir tout vestige », comme il se …

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