Comptes rendus

Andrée Rivard, De la naissance et des pères, Québec, Éditions du remue-ménage, 2016, 189 p.[Notice]

  • Valérie Harvey

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Faisant suite à l’ouvrage Histoire de l’accouchement dans un Québec moderne publié en 2014, ce livre de la chercheuse Andrée Rivard s’attarde à la façon dont le rôle du père était représenté dans les ouvrages spécialisés, mais également à la mise en place des conditions de son absence ou de sa présence lors de l’accouchement, qui ont grandement varié au cours du 20e siècle. Le thème de la naissance est traité de façon large, Andrée Rivard ne se limitant pas à ce seul moment, mais également à la grossesse de la conjointe, ce qui est précieux, car « […] l’historiographie québécoise reste peu loquace concernant la question particulière de l’implication des pères au cours de la période périnatale et, comme ailleurs, le sujet est surtout abordé par la bande » (p. 12). Si la période visée par cette étude s’étend de 1950 à 1980, le premier chapitre fait une bonne mise en contexte de la situation du père au début du 20e siècle, alors que l’urbanisation croissante change les rapports de genre et l’organisation de la famille. Les couples vivant en campagne s’organisaient autour d’une économie familiale, où le travail de la terre encourageait la venue de nombreux enfants et les sphères domestiques et de travail étaient moins clairement définies, toute la famille prêtant main-forte pour la moisson par exemple. L’accouchement se déroulant majoritairement à la maison, le père était « aux alentours », parfois dans la chambre même, selon les circonstances (p. 47). Au cours du 20e siècle, la population migre dans les villes. L’Église réaffirme l’importance de la famille et les hygiénistes se joignent à ce discours de « […] l’inéluctable quatuor : mariage chrétien – amour entre les époux – joie de donner la vie – existence heureuse » (p. 30). Pour en arriver à former une famille saine, la préparation des futurs parents s’amorce dès le mariage, certains allant jusqu’à recommander des examens médicaux préalables à la conception… Dans la famille nucléaire moderne, les rôles « naturels » sont alors plus fortement cloisonnés selon les genres. L’importance accordée à la santé publique s’accroît entre les deux guerres mondiales. Au début des années 1950, cela se traduit par une plus large proportion d’enfants nés à l’hôpital. L’accès universel gratuit à ce service fait qu’à partir de 1961, plus de 90 % des femmes accouchent à l’hôpital (p. 52). Or, cet établissement suit des protocoles précis qui impliquent une forte médicalisation de l’accouchement et excluent la présence du père au côté de sa conjointe. Citant des médecins qui se plaignaient de la présence familiale lors des accouchements à domicile, Andrée Rivard en conclut qu’« avoir les coudées franches en se soustrayant à la surveillance de la famille et, au premier chef, du mari est l’une des raisons qui a motivé les médecins à encourager les futures mères à se rendre à l’hôpital pour y accoucher » (p. 53). La chercheuse ne s’attarde toutefois pas aux autres raisons ayant pu motiver les médecins à préférer l’hôpital, dont celle de contrer les taux catastrophiques de mortalité des enfants canadiens-français des années 1920 et 1930. La surmédicalisation de l’accouchement dans les années 1950, qui semble surréaliste aujourd’hui, et ces nouvelles normes d’exclusion des pères sont peu contestées à ce moment-là. Le futur père patiente dans la salle d’attente, fumant cigarette sur cigarette. Les couples ont intériorisé le fait que les pères ne serviraient à rien pendant l’accouchement, du fait de leur incompétence et de leur nuisance (p. 65). Pourtant, les guides de préparation à la naissance de l’époque présentent le père idéal comme plus qu’un pourvoyeur : il …