Aux yeux de plusieurs, le Canada français demeure synonyme de catholicisme traditionnel et de survivance culturelle, c’est-à-dire qu'il donne l’exemple « d’une société traditionnelle appauvrie », pour reprendre les termes de Gilles Paquet et Jean-Pierre Wallot qui s’insurgeaient contre l’interprétation voulant que le Québec canadien-français d’avant 1960 était en retard sur la modernité (Paquet et Wallot, 2007, p. 678). Les deux ouvrages ici analysés, et qui regroupent des chercheurs parvenus à différents stades de leur carrière, montrent pourtant qu’il y a un intérêt, qui n’est pas seulement historique, à examiner le Canada français d’un regard moins négatif et en dépassant la dichotomie entre société traditionnelle et société moderne. L’examen du Canada français peut s’effectuer à partir d’un angle historique, mais aussi démographique et sociologique, ou encore en mettant l’accent sur le moment de passage où le Canada français se métamorphose ‒ ou se décompose, diront d’autres ‒ en autant de francophonies qu’il y a de provinces, avec une grande importance accordée à la dimension juridique des luttes pour la langue et la reconnaissance des écoles. Précisons cependant que, dans les deux collectifs ici analysés, des facettes ont été laissées dans l’ombre, notamment celle de l’économie. En fait, la tonalité générale des deux ouvrages est celle de l’histoire des idées plutôt que de l’histoire sociale ou économique. Le collectif dirigé par Jean-François Caron et Marcel Martel, résultat d’un colloque tenu à l’Université de Moncton, regroupe des contributions qui examinent principalement, quoique pas exclusivement, le Canada français à l’époque de la confédération. Quant au collectif de Jean-François Laniel et de Joseph Yvon Thériault, il se situe en aval du premier puisqu’il s’intéresse aux États généraux qui sont venus clore l’expérience canadienne-française, encore que les auteurs ne s’entendent pas toujours sur la nature de ce moment, nous y reviendrons. À eux deux, ces ouvrages offrent donc une vue d’ensemble de ces cent ans où on parlait du Canada français, en n’excluant pas de s’interroger sur les années post-1967. De notre lecture des deux ouvrages ressortent les dimensions de la nation et du politique ainsi que du rapport avec le Québec, permettant ainsi d’examiner ensemble la grande majorité des textes composant les deux collectifs. Toute la question consiste à savoir si le Canada français possédait vraiment ce principe d’unité nationale qui lui était prêté ou s’il ne s’agissait pas, au fond, d’une commodité de langage qui, pour le bénéfice de l’élite cléricale, désignait un ensemble de francophones n’ayant pas vraiment conscience de lui-même et qui ne formera une communauté imaginée, au sens où l’entendait un théoricien du nationalisme (Anderson, 1996), qu’après 1867. D’ailleurs, quelle était la place des francophones hors Québec au sein de la confédération? Mineure, répond l’historien Marcel Martel, puisque les constituants étaient peu préoccupés par le sort des francophones en milieu minoritaire (p. 63). En fait, « le Canada français, c’est avant tout le Québec » (p. 66), ce dernier étant le véritable horizon de la référence nationale, pour emprunter au vocabulaire de Fernand Dumont. Dans son chapitre du Canada français et la confédération, Marcel Martel avance que si les Canadiens français n’étaient pas absents des débats, ils n’en demeuraient pas moins en périphérie, éclipsés par les questions politiques ou économiques qui accaparaient les fondateurs. En effet, les Pères de la confédération discutaient surtout du régime à adopter et des États-Unis lorsqu’ils parlaient de minorités, celles-ci étaient comprises en un sens plutôt étroit, c’est-à-dire religieux (catholiques et protestants). On pourrait cependant rétorquer que si la dimension religieuse prédominait, celles de la culture et de la langue permettaient tout de même de parler d’un ensemble national. Or, …
Parties annexes
Bibliographie
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- Belliveau, Joël, 2014 Le moment 1968 et la réinvention de l’Acadie, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa.
- Belliveau, Joël et Frédéric Boily, 2005 « Deux révolutions tranquilles? Analyse comparée des transformations politiques et sociales au Québec et au Nouveau-Brunswick (1960-1970) », Recherches sociographiques, XLVI, 1 : 11-34.
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- Cardinal, Linda, 2003 « Sortir de la nostalgie, en finir avec le ressentiment : les francophones hors Québec et la coopération interprovinciale », dans : Simon Langlois et Jean-Louis Roy (dir.) Briser les solitudes. Les francophonies canadiennes et québécoises, Québec, Éditions Nota Bene, p. 15-30.
- Caron, Jean-François, 2016 Être fédéraliste au Québec. Comprendre les raisons de l’attachement des Québécois au Canada, Québec, Les Presses de l’Université Laval.
- Dalley, Phyllis et Anne-Sophie Ruest-Paquette, 2010 « (Re)nommer l’Association canadienne-française de l’Alberta : un débat entre l’homogénéité et le fractionnement identitaire », dans : Nathalie Bélanger, Nicolas Garant, Phyllis Dalley et Tina Desabrais (dir.), Produire et reproduire la francophonie en la nommant, Sudbury, Prise de parole, p. 81-100.
- Dumont, Fernand, 1997 « Essor et déclin du Canada français », Recherches sociographiques, XXXVIII, 3 : 419-467.
- Groulx, Lionel, 1970 Mémoires, tome 1, 1878-1920, Montréal, Fides.
- Martel, Marcel, 1997 Le deuil d’un pays imaginé. Rêves, luttes et déroute du Canada français, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa.
- Massicotte, Julien et Philippe Volpé, 2013 « Le quarantième anniversaire de la fondation du Parti acadien : que reste-t-il d'une Acadie prospective aujourd’hui ? », Bulletin d’histoire politique, 22, 1 : 180-190.
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- PlamondonÉmond, Étienne, 2014 « Comment bâtir une francophonie quand tout le monde se sent exclu? », Le Devoir.com, 8 mars. [http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/401773/comment-batir-une-francophonie-quand-tout-le-monde-se-sent-exclu], consulté le 18 juillet 2017.