L’ouvrage s’inscrit dans une volonté délibérée de souligner l’apport des réformes qui ont accompagné le rapport Parent, sur le plan de la massification et de la démocratisation de l’éducation, ainsi que de la structuration du système éducatif québécois. Il vise aussi à montrer que l’héritage de ce rapport est mis en question par les exigences du marché de l’emploi. Si la Révolution tranquille revoit les priorités éducatives à la hausse, le système éducatif connait de nouveaux chamboulements avec l’émergence de la nouvelle gestion publique et de la gestion axée sur les résultats. Une question centrale taraude donc les chercheurs : quelle est la place de l’éducation 50 ans après? Pour y répondre, ils proposent de réfléchir aux principales transformations de l’éducation, ainsi qu’aux changements que cela implique pour l’État. Les trois premiers chapitres proposent une analyse sociohistorique de l’évolution du système éducatif québécois depuis le rapport Parent à nos jours. Ce rapport met en place un projet éducatif guidé par une philosophie humaniste et centré sur les principes d’équité et de justice sociale. Le projet veut rompre avec le laisser-faire du passé et mobiliser l’action publique de l’État pour un système scolaire au coeur du développement social endogène et de la cohésion sociale. Si Claude Corbo (premier chapitre) met en lumière les grandes étapes qui ont suivi la mise au point de ce rapport, ainsi que ses principaux apports, Pierre Lucier (chapitre 2) propose une modélisation des grandes tendances à l’oeuvre en éducation, mises en perspective par la mouvance de l’« esprit du temps » qui façonne la production des politiques publiques en éducation. Aux principes de démocratisation, d’accessibilité et d’égalité des chances des années 1960 vient s’ajouter l’introduction d’une nouvelle approche instrumentaliste de l’éducation inspirée du néolibéralisme à partir des années 1980. Depuis les années 2000, les nouveaux modes de management public véhiculent une nouvelle vision de l’État et introduisent une forme de « corporatisme gouvernemental » dans le système éducatif. Pour sa part, Claude Lessard (chapitre 3) se questionne sur la place de l’État dans l’action publique en éducation. L’auteur met en évidence le phénomène de reconfiguration des rapports entre les acteurs du champ de l’éducation, marqué par un retrait partiel de l’État. Il se produit ainsi une mise en concurrence du discours humaniste axé sur la modernisation et la démocratisation par un discours délibérément plus orienté vers l’économie et la société du savoir, ainsi qu’une transformation des instruments de l’action publique, au profit de la gestion axée sur les résultats. Bien que les réformes qui se sont succédé après ce rapport se soient efforcées de rester fidèles à l’idéal de la démocratie scolaire, il n’en demeure pas moins que les nouveaux enjeux sociopolitiques qui touchent l’ensemble des pays industrialisés ont forcé le gouvernement québécois à redéfinir les orientations du projet initial et à relativiser délibérément les idéaux de départ. Pour instaurer un système éducatif équitable, la commission Parent avait insisté sur deux conditions de base essentielles : un enseignement primaire et secondaire obligatoire et gratuit avec des conditions d’apprentissages égales pour tous, ainsi que le rehaussement et la valorisation de la profession enseignante. Bien que des progrès soient indéniables à cet égard, ils ont été marqués par des effets pervers que les analystes se donnent raison de dénoncer. Au chapitre 4, Maurice Tardif dépeint l’évolution de la profession enseignante depuis la Révolution tranquille, soulignant qu’une profession enseignante digne de ce nom peine à se mettre en place en raison de sa transformation qui rend les tâches des enseignants plus diversifiées, plus complexes et trop lourdes à supporter. Abordant la question de l’égalité des chances promue par …
Pierre Doray et Claude Lessard (dir.), 50 ans d’éducation au Québec, Montréal, Presses de l’Université du Québec, 2016, 308 p.[Notice]
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Pierre Canisius Kamanzi
Département d’administration et fondements de l’éducation, Université de Montréal
pierre.canasius.kamanzi@umontreal.ca