Une partie de l’oeuvre de Jean-Charles Falardeau consiste en articles publiés dans des revues savantes d’accès aujourd’hui limité, en particulier pour ses publications les plus anciennes. Le recueil édité par les Presses de l’Université Laval remédie à ce problème en rééditant ces textes, ainsi que plusieurs inédits de grande valeur, permettant ainsi d’appréhender cinq champs de recherche de Falardeau sur le Québec et le Canada en général : une présentation du rôle et de la portée de la sociologie destinée à un public élargi; des études sociographiques sur le Québec urbain ou rural; une sociologie des classes sociales au Québec; découlant de cette dernière dimension, une analyse du rôle des élites et de leur évolution historique dans la province; enfin, le Québec et son identité collective en tension avec l’appartenance canadienne. Jean-Charles Falardeau est certainement, comme le remarquent les éditeurs de ce recueil de textes, Simon Langlois et Robert Leroux, « le premier véritable sociologue universitaire québécois de langue française » (p. 1). Sa place dans la dynamique d’institutionnalisation de la sociologie au Québec est donc cruciale. L’histoire de la sociologie a souligné les tensions idéologiques, en France, entre les partisans d’une sociologie catholique (d’orientation thomiste) et la sociologie durkheimienne (Serry, 2004). Le cas de figure du Québec est incontestablement plus complexe, même si les réticences des premiers enseignements locaux en sociologie à l’égard du durkheimisme s’y retrouvent pleinement (on lira à ce sujet le témoignage de Falardeau dans Lévesque et al., 1974, p. 219-227). C’est dans le cadre d’une société très marquée par le catholicisme que la sociologie émerge tardivement, à la fin des années 1930, dans des institutions universitaires dépendant au départ étroitement de l’Église catholique. La question de leur degré d’autonomie (toujours relative) par rapport au pouvoir va donc se poser avec acuité. Lire Jean-Charles Falardeau, c’est répondre à cette question de l’autonomisation progressive d’une discipline scientifique face aux pouvoirs qui peuvent faire pression sur le champ scientifique. Falardeau a su développer une sociologie qui soit à la fois objective et volontairement dépassionnée, en rupture donc avec les idéologies et rhétoriques dominantes ayant marqué le passé et continuant d’influencer le présent du Québec de son temps. Sa sociologie s’avère également critique dans sa portée analytique, empiriquement fondée, et enfin visionnaire dans les instruments de réflexion qu’elle a apportés aux lecteurs, avec le dessein implicite d’aider le Québec et ses élites à entrer résolument dans la modernité avancée. Cette posture sociologique est particulièrement bien mise en évidence quand Falardeau suggère sur certains faits sociaux : Les « fautes des autres », nous y reviendrons à la fin de cette note. Le message essentiel que la sociologie mobilisée par Falardeau apporte à une société qui n’est pas familiarisée à cette discipline, ni surtout au déverrouillage idéologique qu’elle implique, c’est selon ce dernier, que l’on doit considérer les problèmes sociaux « avec franchise », de façon réaliste, « tels qu’ils existent […], avant de se mettre à l’élaboration d’un ordre social tel qu’on le voudrait ou tel qu’il devrait être idéalement » (p. 173). Une telle rupture épistémologique n’avait rien d’évident au Québec au début de la carrière du sociologue. Jean-Charles Falardeau, formé à l’École des sciences sociales de l’Université Laval où il s’était inscrit en 1938, avait fait la rencontre « impromptue » à Montréal, en 1939, du sociologue américain Everett C. Hughes (Langlois, 2012, p. 217), un an après que celui-ci eut quitté son poste de professeur associé à l’Université McGill pour partir enseigner dans son alma mater, l’Université de Chicago. Hughes était déjà un professeur doté d’une [notre traduction] « extraordinaire capacité …
Parties annexes
Bibliographie
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