Comptes rendus

Catherine Ferland et Dave Corriveau, La Corriveau. De l’histoire à la légende, Québec, Septentrion, 2014, 386 p.[Notice]

  • Aurélien Boivin

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Préfacé par l’historien Gaston Deschênes, spécialiste de l’histoire de la Côte-du-Sud, La Corriveau. De l’histoire à la légende a valu aux deux auteurs Catherine Ferland et Dave Corriveau le prix littéraire « Intérêt général » au Salon du livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean (2015). L’ouvrage a aussi été finaliste du prix Jean Éthier-Blais (2015) et du prix littéraire du gouverneur général du Canada dans la catégorie « Essais » (2014). Voilà qui prouve la qualité de cette étude richement documentée qui dépasse la simple biographie d’une femme, Marie-Josephte Corriveau, originaire de Saint-Vallier de Bellechasse, qui, trouvée coupable du meurtre de son second mari, en avril 1763, est condamnée à mort, après un procès vite expédié sous le Régime anglais, tenu dans une langue qu’elle ne comprenait pas. Son cadavre, sur décision de la cour martiale, est exposé à une croisée de chemins de la Pointe-Lévy dans une cage de fer. Rapidement, celle qui est désormais connue sous le nom de la Corriveau est entrée dans la légende. Son histoire, déformée au cours des ans, a profondément marqué la mémoire collective du peuple québécois, à tel point qu’on la raconte encore plus de deux siècles et demi plus tard. Mais, selon les rumeurs, ce n’est plus un, ni deux, ni trois, mais jusqu’à sept maris qu’elle aurait assassinés. Ainsi le récit entourant la meurtrière en série s’enfle et donne naissance à la plus importante et la plus célèbre légende québécoise de tous les temps, mettant en premier plan une femme devenue mauvaise et une véritable sorcière, comme le laisse entendre Philippe Aubert de Gaspé, un littéraire, dans ses Anciens Canadiens (1863). S’inspirant des travaux de leurs devanciers, dont ceux du folkloriste Luc Lacourcière, du commandeur Joseph-Eugène Corriveau et de Philippe Bonneau, en particulier, Ferland et Corriveau se sont livrés à une minutieuse enquête avec pour mission de rétablir (et d’établir) une fois pour toute la véritable histoire de Marie-Josephte Corriveau, sans oublier, il allait de soi, la trajectoire de la légende, qui, on le sait, a connu une foule de versions au Québec. Ils entendent « départager le réel de la fiction » (p. 15), en tenant compte des études existantes mais aussi en interrogeant les minutes du procès auxquelles ils ont eu accès, grâce au commandeur, sans oublier tout élément, tout événement, toute manifestation qui ont « imprégné la mémoire collective, qu’il s’agisse de personnages, […] d’objets et de sites patrimoniaux, de paysages culturels et de patrimoine immatériel » (p. 17), tous « porteurs de tradition ». Objectifs pour le moins ambitieux que les auteurs atteignent dans ce qui m’apparaît comme une véritable enquête anthropologique, tout en suscitant, au long de leur étude, l’intérêt du lecteur. Précédé d’une « Introduction » substantielle, qui nous éclaire sur le phénomène de celle qui est devenue la Corriveau et sur la démarche des auteurs, l’ouvrage est divisé en deux parties d’inégale longueur. La première, « Historique », comptant six chapitres, est consacrée, comme l’indique son titre, aux faits historiques entourant la vie et la mort de la Corriveau. La seconde porte sur la légende et sur la place qu’elle occupe dans la mémoire collective et dans les manifestations patrimoniales. Ça et là, au cours de leur exposé, articulé avec soin et reposant sur une documentation de toute première main, les auteurs, par souci de précision, ont jugé bon d’ajouter des encadrés destinés à renseigner le lecteur sur une personnalité, nommée ou convoquée au cours de leur enquête, tels, par exemple, l’intendant François Bigot et le gouverneur James Murray, ou encore les avocats de la couronne et de la défense, qui ont officié aux deux procès …