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Cet ouvrage collectif, dirigé par Annie Pilote, sociologue de l’éducation et professeure au Département des fondements et pratiques en éducation à l’Université Laval, aborde les problématiques de l’engagement, de l’appartenance, de la diversité et de l’identité dans divers espaces de la francophonie canadienne. Rassemblant des travaux de chercheur(e)s de différentes universités canadiennes et de différents domaines disciplinaires, ce livre étudie des initiatives spécifiques dans l’univers éducatif, approfondit des notions telles que la citoyenneté et la diversité, déconstruit les discours des décideurs politiques sur certains modèles éducatifs, et analyse les représentations et les discours portant sur une francophonie pancanadienne.
Les auteurs des deux premiers chapitres mènent une analyse critique de l’« entrepreneuriat scolaire » (Matthias Pepin), modèle éducatif développé dans la francophonie canadienne depuis le début de la décennie 1990, et de l’« engagement scolaire » (Marie-Odile Magnan, Annie Pilote et Marjorie Vidal). Claudia Prévost (chap. 3) étudie, en ethnologue, le moteur de l’engagement d’immigrants adultes qui apprennent le français au Centre d’auto-apprentissage du français pour immigrants (CAFI), au Québec. Aïcha Benimmas, Jimmy Bourque et Sébastien Poirier (chap. 4) analysent la perception de la citoyenneté chez des jeunes immigrants et leurs parents en milieu acadien au Nouveau-Brunswick, perception dans laquelle convergent l’appartenance à un pays ou à une culture, la reconnaissance et l’accès à l’égalité des droits.
Les réflexions d’étudiants-maîtres, inscrits dans un programme francophone de formation, autour de la notion de diversité, constituent l’objet d’analyse de Marianne Jacquet (chap. 5), dans le cadre d’une recherche qualitative de nature exploratoire réalisée en Colombie-Britannique. Diane Gérin-Lajoie (chap. 6), dans le cadre d’une étude sociologique auprès d’enseignantes qui travaillent dans des écoles de langue française en Ontario, examine leurs représentations de l’identité enseignante et de leur rôle par rapport à la langue et la culture d’expression française et par rapport à leurs élèves.
Paul Zanazanian (chap. 7), qui fait des recherches sur l’interaction entre la conscience historique, l’agentivité et la structuration des frontières entre groupes, se penche sur l’approche du « conflit anglais-français » dans l’enseignement de l’histoire nationale et plaide pour un travail sur les mémoires historiques, en vue de favoriser un rapprochement entre les groupes plus ouvert à la reconnaissance des anglophones comme québécois.
L’expérience de la diversité culturelle à l’échelle internationale, l’organisation et la gestion de la classe comme communauté d’apprentissage et d’élaboration de connaissances, et le recours à des outils de télécollaboration, piliers du modèle « École éloignée en réseau » (ÉÉR), sont disséqués et évalués par Thérèse Laferrière et ses collègues du Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire (CRIRES) dans le chapitre 8.
Les derniers chapitres se concentrent sur le dialogue entre engagement et identité chez les jeunes dans différents contextes culturels. Une étude de cas sur l’expérience de professeurs de musique en milieu populaire à Québec, faisant partie du projet Jeunes musiciens du monde (Cassandre Lambert Pellerin, chap. 9), met en relief l’importance de l’engagement social par la musique ainsi que la place de la transmission. L’analyse par Christine Dallaire (chap. 10) du rôle des Jeux de la francophonie canadienne comme moteur d’engagement francophone et de renforcement identitaire des jeunes donne lieu à une réflexion sur le type d’identité et le type de francophonie à renforcer. Christophe Traisnel se focalise dans le chapitre 11 sur la francophonie canadienne comme cause politique – comme « une communauté de causes » –, et propose d’inscrire le discours sur la communauté dans l’espace de la francophonie internationale. Les deux derniers chapitres portent sur l’engagement étudiant au sein du Collectif de Minuit à l’Université Laval (Sarah-Émilie Plante) et sur l’engagement citoyen de jeunes altermondialistes québécois (Daniel Landry).
Cet ouvrage constitue, tout d’abord, une cartographie de la francophonie canadienne faisant état de recherches et d’initiatives qui visent à tester et à accroître sa vitalité, chez les enseignants et les apprenants, chez les immigrants et chez les jeunes.
La coexistence d’analyses descriptives et d’analyses critiques dans la plupart des articles fait apparaître la critique comme un moteur de changement et d’amélioration, qui favorise le passage des descriptions aux propositions.
La qualité de la revue de littérature scientifique et l’explicitation de l’évolution et de la progression des recherches présentées, à la frontière entre le rapport de recherche et l’article, rendent cet ouvrage particulièrement utile aux chercheur(e)s, et notamment aux jeunes chercheurs.