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La genèse de ce livre est associée au sixième colloque annuel du Centre de recherche sur l’intermédialité (CRI) de l’Université de Montréal, qui avait pour titre « Enjeux interculturels des médias : violences, discontinuités, altérités ». Un processus de sélection et un travail de révision ont abouti à cet ouvrage, qui, dans une approche interdisciplinaire, vise à enrichir la réflexion sur deux problématiques qui se superposent : l’intermédialité et l’interculturalité.
Dix-sept chercheurs de cinq pays différents y proposent des analyses, des études de cas et des propositions théoriques dans leur approche de trois questions centrales : la construction médiatique de l’Autre, la violence interculturelle des médias, et la globalisation, avec les résistances et discontinuités qu’elle rencontre.
Une « Introduction » sur les « Enjeux et perspectives de l’étude interculturelle des médias » (Hans-Jürgen Lüsebrink) et une « Postface » (Michèle Garneau et Walter Moser) mettent en relief les perspectives, les apports et les défis associés aux analyses de différents mediascapes (Appadurai, 1996) que les contributeurs au volume élaborent.
Le livre comprend cinq parties. Dans la première partie, « Reconfiguration disciplinaire : vers une histoire relationnelle des espaces intermédiatiques et interculturels », Marc Lits aborde la culture de masse sur le plan interculturel et intermédiatique et suggère le développement des media studies, sur le modèle des cultural studies. David Tomas se penche sur la violence et l’histoire des médias et plaide pour une « histoire relationnelle des médias » (p. 50).
Dans la deuxième partie, « Regard sur l’altérité et altérité du regard », Nia Perivolaropoulou analyse deux films associés à la découverte du pôle Sud, The Great White Silence de Herbert Ponting et Nanook of the North de Flaherty, et montre comment l’« image-fragment de la nature » peut renouveler les représentations de la nature. Beate Ochsner étudie, à partir de l’analyse de deux films de Max Mack et Robert Wiene, le cinéma comme « médium de l’autre », « l’autre de soi-même ». Et Silvestra Mariniello souligne « le cinéma du regard » d’Agnès Varda comme une voie susceptible d’interpeller le spectateur, de lui apprendre à regarder l’Autre, le « dominé », et de faire que la « médiation audiovisuelle » aboutisse à un sentiment de responsabilité vis-à-vis de la vulnérabilité de l’Autre.
Dans la troisième partie, « Précipitation médiatique et résistance », Julien Orselli analyse l’oeuvre de deux reporters de guerre, Joe Sacco et Jean Hatzfeld, qui, devant la double violence sur l’altérité présente dans le reportage de guerre, développent une écriture de l’écoute. L’accélération visuelle des médias est abordée par Philippe Viallon, dans une perspective d’ordre communicationnel et sémiodiscursif, et par Germain Lacasse, qui analyse le choix d’un temps subversif, le temps du corps, comme une forme de résistance face à cette accélération reçue comme un type de violence.
La quatrième partie, « Appropriation et ré-appropriation », propose de réfléchir sur l’« intertemporalité cinématographique » à partir de l’analyse d’un cinéma d’avant-garde, le found footage, et sa réappropriation d’archives « exotiques » (André Habib), sur le rapport entre la photographie ethnographique et la magie (Philippe Despoix), et sur la réappropriation cinématographique de l’imaginaire chez les cinéastes ouest-africains (Ute Fendler).
La cinquième et dernière partie, « Projection vers l’autre : entre exotisme, stéréotype et avatar », aborde les stéréotypes de l’Amérique du Sud que traduit la gravure imprimée dans des relations de voyage (Ana Lucia Araujo), ainsi que la construction médiatique de l’« Allemand autre » et de l’« autre Allemand » dans Der schwarze Kanal (1961) (Manuel Meune), et la construction de l’identité dans les jeux de rôle en ligne massivement multijoueurs (Maude Bonenfant).
Enjeux interculturels des médias est un ouvrage très riche, où les apports scientifiques, solides, s’allient à des questions éthiques et politiques fort importantes. Les approches théoriques et les propositions méthodologiques le rendent particulièrement utile aux chercheurs engagés dans les domaines de l’analyse de la culture, de l’interculturel, et des médias.