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Quelle est la spécificité du roman québécois ? Quels ont été ses rapports avec l’Histoire ? Qu’est-ce que les romanciers québécois ont apporté à l’art du roman ? Ce sont ces questions que Michel Biron, professeur de littérature québécoise à l’Université McGill et coauteur de Histoire de la littérature québécoise (Boréal, 2007), aborde dans sa synthèse de l’histoire de la production romanesque au Québec depuis 1837 jusqu’à nos jours.
Le premier chapitre embrasse la période entre 1837 et 1916, celle du « roman entre l’histoire et le conte ». Biron y souligne le rôle du roman historique dans la construction d’une conscience nationale ainsi que le souci didactique inhérent au roman à thèse. Le chapitre 2 concerne « les débuts du réalisme » (1916-1945), un réalisme paysan qui englobe des positions d’écrivains différentes face à l’imaginaire du terroir, et qui suscite des interprétations diverses. Une étude des « idées nouvelles du roman » complète ce chapitre. Le chapitre 3 se penche sur les années 1945-1960 et montre comment l’individu devient le grand thème du roman et comment l’imaginaire romanesque est touché par le contexte de la Seconde Guerre mondiale et de l’après-guerre. La transformation du roman canadien-français, le rôle de la ville à titre de protagoniste et la présence d’un sentiment d’aliénation chez beaucoup de héros y sont analysés, de même que le réalisme urbain de Gabrielle Roy, l’oeuvre d’Anne Hébert et d’autres voix romanesques plurielles et hétérogènes.
Le chapitre 4 (1960-1980) présente les années 1960 comme la « transformation la plus spectaculaire dans l’histoire du roman québécois » (p. 51), et étudie les manifestations de ce renouveau et la conception du roman comme « espace d’invention ». Une attention particulière est accordée à l’analyse de l’oeuvre de H. Aquin, J. Godbout, G. Bessette, J. Ferron, M.-C. Blais et R. Ducharme. Le chapitre 5, qui parcourt la période « de 1980 à aujourd’hui », met en relief des clivages esthétiques et un pluralisme de voix, traits qui font partie du « décentrement romanesque » qui serait la caractéristique du roman québécois contemporain. Devant un corpus foisonnant et hétéroclite, Biron rassemble des romans autour de certains axes ou thèmes, comme les « récits de filiation » et les « écritures migrantes ». Il aurait été pertinent d’y ajouter la rubrique « écriture au féminin », étant donné la qualité des apports d’écrivaines, dont certaines romancières-poètes, telles que Nicole Brossard, Louise Dupré ou France Théoret, parmi d’autres.
L’idée d’inclure un « appendice » consacré à la critique nous semble excellente. Dans la même veine, étant donné que cette synthèse de Michel Biron, claire et éclairante, est destinée (comme auparavant Le Roman québécois, de Réjean Beaudoin, paru dans la même collection, en 1991) à devenir un ouvrage de référence, nous suggérerions, advenant une réédition, d’ajouter des renseignements concernant des outils de recherche sur le roman québécois (revues, centres et équipes de recherche, sites et moteurs de recherche), en vue de permettre à des étudiants et à des chercheurs, surtout étrangers, d’approfondir certains domaines. En effet, un ouvrage de synthèse rigoureux est souvent un point de départ de recherches chez des étudiants et de jeunes chercheurs, et les renseignements évoqués refléteraient parallèlement l’expertise québécoise.