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Aussi paradoxal que cela puisse paraître en regard du titre de l’ouvrage, ce travail a trait essentiellement aux grossesses cachées, aux avortements, aux infanticides et aux abandons d’enfants, de même qu’à la violence envers les femmes enceintes ou les viols dont elles étaient l’objet de façon assez régulière selon l’auteure. Il est issu d’un mémoire de maîtrise, dirigé par le professeur Jan Grabowski, spécialiste de l’histoire judiciaire à l’Université d’Ottawa.
Parce qu’il y eut en Nouvelle-France une importante population flottante composée notamment de militaires, coureurs de bois, marins et voyageurs favorisant un degré soi-disant plus élevé de libertinage, l’auteure consacre une section au « problème des amours militaires ». Les autorités publiques s’efforcèrent de reprendre le contrôle des moeurs et de l’application des conventions sociales admises. Cela se traduisit par une sorte d’activisme judiciaire qui vit la condamnation – ou l’acquittement – d’un certain nombre d’acteurs de la société de l’époque. Or, ce qui est surprenant du point de vue du sociologue a trait aux chiffres des différents délits, non pas à l’échantillon, mais aux chiffres absolus durant la période étudiée (1693 – 1760) : 3 cas de grossesses cachées, 6 cas d’avortement, 7 cas d’infanticides dont 3 aboutirent à la peine capitale, 3 cas d’abandon d’enfants, 7 causes de violence sur femme enceinte, 4 causes de viol avec paternité, 10 cas de séduction et paternité. Dans le cas de ce dernier méfait, le prévenu pouvait éviter une condamnation par la justice en épousant la femme ainsi séduite.
L’auteure souligne que les tribunaux avaient, de manière générale, une attitude plutôt favorable à la mère, illégitime dans un bon nombre de cas, afin de prévenir avortement et infanticide et d’assurer à l’enfant des conditions minimales quant à son bien-être. Ainsi, les autorités publiques mirent en place un certain nombre de mesures pour recueillir les enfants trouvés, donc abandonnés, afin de diminuer explicitement les avortements et infanticides. Parmi celles-ci, soulignons qu’à partir de 1852, les filles-mères purent accoucher à la Miséricorde à Québec. Qu’on songe par ailleurs au fait que 88 % des enfants abandonnés à Montréal ne survivaient pas plus d’un an. Par conséquent, on s’efforçait moins de condamner la fille-mère que de permettre au nouveau-né de survivre. Le tout dans un contexte où la place accordée à l’honneur et à une morale sexuelle rigide pointait plutôt dans l’autre direction. La tolérance commençait à faire son chemin. Il s’agissait en fait de trouver le moyen d’optimiser les chances de survie des enfants à naître ou des nouveau-nés et de les… baptiser.